Décidément, le pouvoir de Joseph Kabila apparaît complètement pris de court par le phénomène Martin Fayulu, le candidat de la plateforme Lamuka qui enchaîne les succès populaires, rapporte La Libre Afrique.
Après avoir saboté ou tenté de saboter les meetings de Kindu au Maniema( est de RD Congo), de Lubumbashi (la bande sonore qui circule sur le gouverneur du Haut-Katanga est édifiante) et, ce mercredi, de Kalemie, le pouvoir kabiliste a interdit à l’avion du candidat de se poser mercredi 12 décembre 2018 à Lubumbashi ou Kolwezi mercredi en fin de journée.
La tour de contrôle de Lubumbashi a expliqué cet ordre par l’intervention du patron du service de renseignement Kalev, Fayulu et sa délégation se sont retrouvés à Goma (Nord-Kivu).
La première injonction était de mettre le cap sur Kinshasa. Impossible a expliqué le pilote qui ne disposait pas d’assez de kérosène pour effectuer le trajet.
Selon les sources de ce journal, Fayulu a eu un contact direct avec Kalev (visiblement devenu depuis dix jours le nouveau patron de la régie des voies aériennes) qui lui a confirmé qu’il ne pouvait en aucun cas se poser une nouvelle fois au Katanga. L’avion a donc finalement été contraint de prendre la direction de Goma.
Moïse Katumbi : « On a le peuple avec nous »
« Les passagers n’ont même pas leur trousse de toilette avec eux. Ils devaient revenir sur Lubumbashi. Le président Gabriel Kyungu, 80 ans, est aussi dans l’appareil. C’est un scandale, un de plus. Le pouvoir devient fou et la communauté internationale assiste à tout ça sans rien dire. C’est un chèque en blanc à toutes les violences. C’est inacceptable mais on ne va pas baisser les bras. Notre combat est juste et nous avons démontré que le peuple est derrière nous. C’est d’ailleurs cette démonstration qui les rend fous », explique Moïse Katumbi qui confirme nos informations.
Kindu, Lubumbashi, Kalemie: en RDC, la campagne de Fayulu émaillée d’incidents
De son côté, RFI rapporte que, depuis trois jours, les rassemblements de l’opposant Martin Fayulu sont perturbés. Mercredi (12 décembre 2018) matin, de nouvelles tensions ont éclaté lors de l’arrivée de Martin Fayulu à Kalemie, dans le sud-est de la RD Congo. Il a été accueilli par des milliers de partisans que la police a tenté de disperser. Au moins une femme a été tuée.
Après les échauffourées de dimanche à Kindu, le candidat de la coalition Lamuka a été empêché de tenir un meeting mardi à Lubumbashi. Son cortège a été visé et des milliers de ses partisans ont été dispersés violemment. Selon nos informations, le bilan est de deux morts, non confirmés par la police.
Mercredi, Martin Fayulu a poursuivi sa campagne dans le sud-est et est arrivé à l’aéroport de Kalemie, dans la province du Tanganyika, vers 10h30 locales. Lui et ses partisans étaient sur la route principale qui mène vers le centre-ville où il devait tenir un rassemblement politique quand son cortège a été bloqué par des partisans de la majorité présidentielle, certains portant des tee-shirts du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). On ne connait pas le nombre exact de ces partisans, on parle de plusieurs dizaines.
Parmi eux, se trouvait le vice-gouverneur de la province Ali Omari Simukinje, un pro-Kabila, ainsi que des forces de police. Le ton est monté entre partisans de Fayulu et ceux qui tentaient de les empêcher d’aller en ville. La police a tiré des coups de feu pour disperser la foule. Il y aurait au moins un mort – une femme – peut-être deux, et plusieurs blessés.
Martin Fayulu a réussi à prendre une autre route pour atteindre le stade Benda dans le centre ville où il a tenu son meeting politique pendant une trentaine de minutes. Puis il a fait demi-tour, direction l’aéroport puisqu’il doit se rendre à Kolwezi.
Le ticket Tshisekedi-Kamerhe condamne « de la manière la plus ferme le fait d’empêcher un Congolais d’exercer son droit »
En tournée à Béni mercredi, le duo d’opposants formé de Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi ont réagi aux évènements circonvenant autour de la campagne de leur rival de Lamuka, notamment au meeting empêché de Lubumbashi.
Ils condamnent « de la manière la plus ferme le fait d’empêcher un Congolais quel qu’il soit d’exercer son droit de s’exprimer et de surcroît en cette période de campagne où nous n’avons pas cessé d’appeler à la sécurisation des acteurs politiques et plus particulièrement des candidats présidents. La démocratie implique notamment la liberté de manifester et de s’exprimer ce que le régime actuel dénie aux opposants et c’est inacceptable ! C’est pourquoi nous devons aller aux élections et apporter un changement notable au peuple congolais c’est ce que fera l’équipe FatshiVit ».
Mme Zerrougui « déplore les pertes en vies humaines »
Enfin, la représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU en RDC, Leïla Zerrougui, se dit « préoccupée par la succession d’incidents graves qui entravent le bon déroulement de la campagne électorale en République démocratique du Congo ».
Elle dénonce dans un communiqué « le fait que certains candidats de l’opposition rencontrent de nombreux obstacles pour tenir des réunions publiques dans certaines villes du pays, comme cela a été constaté ces derniers jours à Kindu et à Lubumbashi et, aujourd’hui, à Kalemie. »
Mme Zerrougui « déplore les pertes en vies humaines et demande aux autorités congolaises de prendre les mesures nécessaires pour éviter de nouveaux incidents. Elle rappelle qu’il incombe à l’Etat d’assurer la sécurisation du processus électoral en faisant preuve de neutralité et de retenue dans l’utilisation de la force et en respectant les principes de nécessité, proportionnalité et légalité. »
Mercredi matin, le cheffe de la Monusco réagissait sur RFI aux événements de Lubumbashi, rappelant que « le gouvernement a la responsabilité du maintien de l’ordre, de laisser l’espace à ceux qui s’expriment », appelant « la majorité et l’opposition à la sagesse » et gardant espoir d’« aller vers des élections apaisées »..
Après les incidents de mardi 11 décembre 2018 à Lubumbashi (deux morts et des dizaines de blessés selon l’Acaj) et face à la dégradation du climat politique en RDC à l’approche des élections, Leila Zerrougui, la cheffe de la Monusco, réagit.
« Que chacun prenne ses responsabilités, autant du côté du pouvoir que dans les rangs de l’opposition »: la numéro un de la Monusco réagissait mardi 11 décembre 2018 sur RFI, notamment après les manifestations tragiques d’hier à Lubumbashi. Deux personnes au moins sont mortes, d’après une ONG, après que les forces de l’ordre ont voulu disperser la foule qui attendait l’opposant Martin Fayulu. Mme Zerrougui appelle à ce que les circonstances exactes des évènements de Lubumbashi soient établies.
« J’ai demandé à mon équipe de réunir plus d’informations pour comprendre ce qu’il s’est passé, confie Leïla Zerrougui. Si c’est un comportement délibéré de la police, ce n’est ni dans l’intérêt du gouvernement ni dans celui-ci de la majorité. Si ce sont des éléments qui ont provoqué ces incidents, que ce soit des gens qui viennent de la majorité et qui empêchent l’opposition ou l’inverse, il faudrait prendre des mesures pour sanctionner ce genre de comportement mais aussi pour les prévenir. Parce l’opposition a le droit de s’exprimer, elle a le droit de rencontrer ses supporters, la majorité de même. Malheureusement, il y a eu Kindu et maintenant Lubumbashi. Nous observons ce qu’il se passe à Kalemie. On nous a promis – le gouverneur de Kalemie et les personnes sur place – qu’il ne se passera rien, que M. Fayulu aura accès à ses supporters et que les activités se dérouleront dans les meilleures conditions. Nous espérons que cela se passera comme cela. »
« Chacun doit prendre ses responsabilités »
Mais malgré ce climat, malgré ces violences, la patronne de la mission onusienne se dit confiante pour le 23 décembre 2018 :
« Je garde espoir, je continue de croire que l’on peut avoir des élections qui se tiennent dans des conditions correctes. Je ne dis pas que ce sera parfait. Mais nous n’allons pas baisser les bras, nous allons continuer à plaider la sagesse, aussi bien auprès de l’opposition que de la majorité. Chacun doit prendre sa part de responsabilité pour que les choses se passent bien. Je le répète : le gouvernement a la responsabilité du maintien de l’ordre, de laisser l’espace à ceux qui s’expriment… Nous appelons la majorité et l’opposition à la sagesse, à l’importance d’une réaction apaisée. Nous pouvons aller à des élections apaisées ».
L’ACAJ établit un bilan provisoire
Dans un communiqué de presse , l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), qui « condamne les violences politiques, les atteintes à l’intégrité physique et la vie, aux biens publics et privés, survenues à Lubumbashi dans la province du Haut-Katanga », établit le bilan en ces termes :
« Il ressort du monitoring de l’ACAJ qu’à la suite des violences survenues à Lubumbashi, le bilan provisoire se présente comme suit :
Deux morts par balles réelles parmi les partisans de la coalition LAMUKA ;
Un policier grièvement blessé, dont l’état de santé est critique ;
Quarante-trois (43) blessés dont quinze (15) par balles ;
Cinq (05) véhicules incendiés dont deux de la police ;
Vingt-sept (27) partisans de LAMUKA arrêtés dont M. Lolo KYUNGU ;
Le matériel de sonorisation confisqué par la police.
Plusieurs témoignages recueillis par l’ACAJ à Lubumbashi établissent que certaines autorités politico-administratives de la province du Haut-Katanga ont instrumentalisé un groupe de jeunes pour entraver la tenue de la réunion publique de M. Martin FAYULU, candidat président de la République de LAMUKA, à Lubumbashi. Des noms de certains membres du gouvernement provincial ayant participé à ces actes ont été portés à la connaissance de l’ACAJ.
L’ACAJ condamne ces actes et exige une enquête crédible afin que leurs auteurs et commanditaires soient identifiés et poursuivis en justice.
L’ACAJ demande au Gouvernement de la RDC, d’assurer réellement la sécurité de tous les candidats président de la république, pour le bon déroulement de la campagne électorale ».
Lamuka promet de saisir la justice et l’ONU
A la suite de la mort de’ trois des partisans de l’opposant Martin Fayulu à Lubumbashi, la coalition Lamuk promet de saisir la justice et l’ONU.
« Ces violences, qui ont causé la mort de trois personnes et fait plusieurs blessés, ont été provoquées par les autorités politico-administratives de la province du Tanganyika qui ont instrumentalisé les Forces de l’ordre. Ces tueries crescendo ont été planifiées et s’exécutent de manière systématique pour décourager les électeurs et tenter de freiner brutalement le frein électoral qui a atteint sa vitesse de croisière », a accusé Pierre Lumbi , directeur de campagne de Fayulu, dans un point de presse mercredi à Kinshasa.
Il a annoncé que Lamuka va, « dès demain (jeudi) » saisir les juridictions compétentes pour que justice soit faite » et « écrire au Conseil de sécurité pour qu’il puisse examiner cette question ».
« Toutes ces violences ne pourront en aucun cas entamer notre détermination à aller voter le 23 décembre 2018. Au contraire, elles nous motivent davantage à poursuivre notre campagne qui devient un véritable combat de libération de notre peuple. Le candidat Martin Fayulu ne lâchera pas. L’attitude du gouvernement traduit sa volonté manifeste d’entraver la campagne électorale du candidat commun de l’opposition, a-t-insisté.
LLA/RFI/CR