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RDC : “Adieu la gratuité de l’enseignement de base” au Sud-Kivu et au Kasaï Central ?

RDC : l’Etat prévoit 1,04 milliard USD pour l’éducation de base en 2020 1

Par Angelo Mobateli

Aux termes de l’article 43 de la Constitution de la République démocratique du Congo, “toute personne a droit à l’éducation scolaire (…). L’enseignement primaire est obligatoire et gratuit dans tous les établissements publics”.

Or, cette disposition constitutionnelle ne s’applique pas sur l’étendue du territoire national, entraînant un taux d’analphabétisme de 27,1% avec un taux encore plus élevé de la population incapable de formuler une phrase en français plus ou moins correcte ou d’effectuer une opération arithmétique.

SUD-KIVU : LES FRAIS SCOLAIRES ANNUELS VARIENT ENTRE 30.000 et 150.000 FC PAR ÉLÈVE POUR 2020-2021

Un arrêté du gouverneur du 5 novembre 2020, publié dans la soirée du 9 novembre, fixe les frais de scolarité des élèves dans les écoles publiques et privées agréées du Sud-Kivu et, pour l’année 2020-2021.

Aux termes de cet arrêté, ces frais sont ceux du fonctionnement, d’internat, les frais de minerval, les frais de bulletin ainsi que les frais des épreuves de fin de cycle (TENAFEP), jury des cycles courts et Examen d’État.

Ces frais sont fixés pour les élèves de la section maternelle à 30.000 FC par élève et pour toute l’année, en raison de 10.000 FC par trimestre.

Pour l’enseignement secondaire de la 7e, 8e et les humanités non techniques, les frais sont fixés à 120.000 FC pour toute l’année avec une répartition de 40.000 FC par trimestre.

Pour l’enseignement technique, chaque élève devra payer un total de 150.000 FC pour cette année en raison de 50.000 FC par trimestre.

Le même document précise que ces frais seront payés à moitié dans les écoles de l’intérieur de la province et entièrement dans les 4 villes du Sud-Kivu qui sont Bukavu et ses environs, Uvira, Baraka et Kamituga.

Toutefois, cet arrêté ne précise pas le montant des frais de participation aux examens de test de fin de cycle primaire et de l’Examen d’État, indiquant que ces frais seront rendus publics le moment venu.

KASAÏ CENTRAL : TAUX SCOLAIRES POUR L’EXERCICE 2020-2021

L’autorité provinciale du Kasaï Central a publié, 20 novembre 2020, l’arrêté provincial portant fixation des taux des frais scolaires dans des établissements d’enseignement maternel, primaire, secondaire et technique publics et privés pour l’exercice 2020-2021.

Aux termes de cet arrêté, l’enseignement est gratuit au niveau primaire, les frais de fonctionnement alloués par l’État aux écoles primaires devant répondre à ce besoin à l’école.

Ces frais prendront en compte, par ailleurs, la prise en charge provisoire des enseignants nouvelles unités suivant des quotités raisonnables à disponibiliser par l’école en concertation avec le conseil de gestion en attendant leur mécanisation par le trésor public. Par contre, les frais de minerval à l’enseignement maternel qui n’est pas gratuit, sont fixés à la somme de 1000FC par élève et par an.

Le bulletin est vendu à 1000FC par élève du cycle matériel au cycle secondaire, précise le même arrêté.

Un montant de 1000FC sera destiné à la prise en charge de nouvelles unités, tandis que 200FC par élève et par mois serviront à la production des mobiliers. Quant aux écoles privées agréées, les taux des frais scolaires seront fixés par l’assemblée générale des parents d’élèves en présence d’un représentant de l’Etat.

La pension d’internat dans les établissements d’enseignement public est fixée conjointement par le gestionnaire de l’école avec le comité de parents. Pour les frais minervals, ils seront versés au compte des fonds national de promotion d’éducation (FNPE) ouvert à Trust Marchant Bank « (TMB) ou auprès des recouvreurs munis d’un ordre de mission.

GRATUITE DE L’ENSEIGNEMENT : L’IMPOSSIBLE RÉFORME ?

Entre pandémie de Coronavirus et réforme en cours de l’éducation nationale, l’entrée 2020 se fait dans des conditions particulières en RDC, analyse Tom de Herdt, professeur à l’Institut de politiques du développement à l’université d’Anvers, dans un entretien avec Marine Henriot de Radio Cité du Vatican.

En RDC, les cours reprennent progressivement et partiellement après la fermeture de nombreux établissements en raison de la pandémie de Coronavirus.

Mais, cette rentrée 2020 est également particulière en raison de la réforme en cours du système éducatif : il y a un an, à la rentrée scolaire de 2019, le président Félix Tshisekedi annonçait mettre en place la gratuité de l’enseignement primaire. Une promesse phare de sa campagne, inscrite dans la Constitution congolaise de 2004, mais peu appliquée dans la réalité.

En effet, pour pallier le manque de financement de l’État, de nombreuses familles congolaises doivent s’acquitter d’une charge envers les professeurs, pour que leur enfant puisse se rendre à l’école.

Cette charge devient directement le salaire des professeurs, et varie en fonction des établissement et des provinces.

Depuis les années 1990 et l’implosion de l’État zaïrois, l’éducation, pourtant publique, fonctionne comme un système privé, détaille Tom de Herdt, professeur à l’institut de politiques du développement à l’université d’Anvers.

UNE RÉFORME COLOSSALE

Depuis l’annonce du président congolais et la mise en place progressive de la gratuité, 2,5 millions d’élèves supplémentaires ont pu rejoindre les bancs de l’école, sans s’acquitter de leur charge auprès des professeurs.

Cependant, dans de nombreuses écoles, on note un manque de place, de professeurs et d’argent pour payer les enseignants.

Lors de la rentrée du 9 août 2020 à Bukavu, chef lieu du Sud-Kivu (Est de RD Congo), une marche de protestation a été organisée: les enseignants de Bukavu reprochent au gouvernement de ne pas avoir respecté son engagement d’harmoniser leur salaire de 185.000 francs congolais, avec celui d’un professeur d’une école de Kinshasa qui gagne 360.000 francs congolais.

Le corps enseignant critique également l’État pour ne pas avoir payé 22.000 enseignants nouvellement recrutés.

Avec 36 millions d’habitants âgés de moins de 14 ans, soit 46% de la population totale, la réforme de l’enseignement primaire est pharaonique, et son coût est estimé à plus d’un milliard USD par an.

FÉLIX PROMET LA GRATUITE DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

La promesse du présidenr Félix Tshisekedi de la
“suppression de tous les frais de scolarité dans tous les établissements publics” avait réveillé un immense espoir en République démocratique du Congo, où des millions d’enfants pauvres sont privés d‘éducation : la gratuité de l’enseignement primaire dans les écoles publiques dès la rentrée des classes le 2 septembre 2019.

Une table-ronde avait été organisée en août 2019 pour examiner et définir “les modalités pratiques qui permettent l’effectivité de la gratuité de l‘éducation de base dès la rentrée scolaire 2019-2020”, avait expliqué le ministre par intérim de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel, Emery Okundji.

Annoncé, le chef de l’État, Félix Tshisekedi, s’était fait représenter par un simple conseiller.

La veille, le ministre avait annoncé devant la presse la suppression de “tous les frais de scolarité dans tous les établissements publics d’enseignement de l’éducation de base”.

“Conformément à notre Constitution, la gratuité de l’enseignement fondamental doit être une réalité”, avait déclaré le président Tshisekedi dans son discours d’investiture, le 24 janvier 2019.

La RDC “reste l’un des pays avec le plus grand nombre d’enfants non scolarisés”, avait relevé, en mai 2019, le Partenariat mondial de l‘éducation (PME).

ASSURER LES PRÉALABLES

“On estime que 3,5 millions, soit 26,7 % des enfants en âge de fréquenter le primaire, ne sont pas scolarisés”, avait ajouté cette structure d’aide à l‘éducation dans les pays pauvres.

La RDC a tout de même progressé, avec 70 % d‘élèves achevant le primaire en 2014 contre 29 % en 2002, d’après le PME.

La table-ronde avait étudié le “financement” de cette promesse onéreuse.

Dans son discours d’investiture, le président de la Republique avait dénoncé le fait que les parents d‘élèves doivent “payer le salaire des enseignants”.

“Depuis 27 ans, les parents ont eu à supporter le système éducatif congolais”, avait confirmé à l’AFP Cécile Tshiyombo, enseignante depuis 29 ans.

La prise en charge des enseignants par les parents “a avili l’enseignant” et conduit le système éducatif dans un “trou”, avait-elle regretté.

UN PIB MOYEN PAR HABITANT DE 495 USD/AN, SOIT 1,35 USD PAR JOUR

“La gratuité est possible (…). Mais, il y a des préalables : un barème spécifique doit être donné à l’enseignant pour qu’il travaille” dans des conditions acceptables, avait-elle souhaité.

La RDC compte environ 80 millions d’habitants dont plus de la moitié ont moins de 20 ans. Le PIB moyen par habitant est de 495 dollars/an, soit 1,35 dollar par jour, avec d’immenses disparités.

UN BUDGET 2020 DE L’EPST FAIBLE POUR FINANCER LA GRATUITÉ DE L’ENSEIGNEMENT DE BASE

Le Premier ministre, Sylvestre Ilunga, avait présenté, le lundi 18 novembre 2019, à l’Assemblée Nationale le projet de loi de finances 2020 et les priorités de son gouvernement.

Dans le cadre du financement de la gratuité de l’enseignement, les crédits budgétaires prévus pour le sous-secteurs de l’enseignement primaire, secondaire et techniques (EPST) étaient évalués à 1,647 milliards USD soit 17,84% de l’ensemble des dépenses du Budget général, selon DESKECO.

Comparativement au budget 2019 voté à hauteur de 720,497 millions USD, on notait un accroissement de 52,9%.

Dans ce projet de loi, le gouvernement prévoyait 1,057 milliards USD soit 64,17% pour la rémunération de 615 882 enseignants du primaire et secondaire en 2020 contre un effectif de 445.024, en 2019.

Cependant, le salaire est toujours fixé à 410.284 FC soit 245 USD.

“Pas de miracle pour l’instant”, avait indiqué une source du ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et techniques.

En plus, la gratuité de l’enseignement de base venait de créer les zones salariales.

Par ailleurs, les enseignants habitant la ville de Kinshasa et Lubumbashi bénéficient d’un traitement spécial [frais de transport et indemnité de logement en dehors du traitement de base], alors que ceux des milieux ruraux continueront à gagner plus ou moins 100 USD, selon le projet de loi de finances 2020.

“Un système combattu depuis plusieurs années, qui refait surface”, s’inquiétaient plusieurs mouvements syndicaux.

FAIBLES INVESTISSEMENTS DANS LE SECTEUR

Pour matérialiser la gratuité de l’enseignement de base, le gouvernement avait promis la construction de 333 écoles sur 1000 prévus en 2020.

Pour ce faire, un crédit de 13 millions USD avait été inscrit dans le projet de loi de finances 2020.

Ces allocations devaient également servir pour équiper ces écoles, la construction de trois instituts de formation des maîtres sur les sept prévus et l’achat des véhicules terrestres.

Suite à la modicité des recettes internes, l’appui de la Banque mondiale, dans le cadre de la gratuité de l’éducation, était d’environ 303 millions USD. Des fonds inférieurs à la lumière de la demande croissante du secteur.

La prise en charge du fonctionnement des écoles et bureaux gestionnaires demeuraient un autre problème sans solution.

Les écoles publiques devaient continuer à bénéficier de moins de 80 USD par mois au titre de frais de fonctionnement.

“Seules 30.000 écoles publiques budgétisées et bureaux gestionnaires sur un effectif de 50.000 auront à une allocation budgétaire jusqu’à nouvel l’ordre”, avait renseigné un membre de la cellule budgétaire de l’EPST.

Pour résorber le gap de 2,466 milliards USD nécessaires pour financer la gratuité totale de l’éducation de base, le gouvernement devrait encore rechercher 819 millions USD pour éviter toute perturbation de l’année scolaire.

“Mêmes les fonds du gouvernement français, dans le cadre du contrat de développement et de désendettement du pays (C2D), ne parviendront pas non plus à trouver une solution efficace aux besoins réel exprimés par l’EPST”, avait-il précisé.

De manière générale, le budget du secteur de l’éducation (Enseignement primaire, secondaire et Technique ; Enseignement Supérieur et Universitaire ; Formation professionnelle ; les affaires sociale) avait été porté à 2,034 milliards USD, soit 21, 78% des dépenses du budget 2020 contre 1, 014 milliards USD en 2019.

L’ENSEIGNEMENT REPRÉSENTAIT ENTRE 20 ET 25% DES DÉPENSES COURANTES DE L’ÉTAT ENTRE 1968 ET 1974

Ainsi entre 1968 et 1974, les dépenses de l’enseignement représentaient entre 20 et 25 % des dépenses courantes de l’État.

En moyenne, 400 millions de dollars étaient consacrés à l’enseignement dont 80 millions environ étaient affectés à l’enseignement universitaire (pour une population universitaire de 17 000 d’étudiants).

Ainsi, il apparaît qu’à cette époque, un effort extraordinairement important avait été entrepris dans le domaine de la production industrielle, la mise en place d’infrastructures économiques (essentiellement dans le domaine de l’énergie et des transports) et l’établissement d’un système d’enseignement et de santé qui permettait d’entrevoir un décollage de l’économie zaïroise.

En dépit de cela, il faut se souvenir qu’entre 1967 et 1974, le Produit Intérieur Brut congolais avait crû à un taux annuel de 7,6 %, cependant que le secteur de l’industrie manufacturière se développait au rythme spectaculaire de 8,6 % par an.

Dans les milieux financiers internationaux, comme au sein du monde politique occidental, on considérait que la République du Zaïre était en passe de devenir avec l’Afrique du Sud et le Nigeria, la troisième puissance régionale en Afrique Subsaharienne.

Par Angelo Mobateli

Oscar BISIMWA

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