Selon la Banque mondiale, il ne faudrait pas moins de 56 ans pour que le Congo-Kin retrouve le niveau de son économie des années 1960, à condition que le PIB continue à s’accroître au rythme moyen de 5% par an.
Gaston Mutamba Lukusa
Avant le 30 juin 1960, le Congo Belge est une colonie prospère. Dynamique à l’époque coloniale, l’économie s’est affaiblie dès l’indépendance du pays en 1960 à la suite de l’instabilité politique et des troubles sociaux. Les Congolais souhaitaient une indépendance immédiate et totale. L’ancienne puissance colonisatrice comptait maintenir sa domination durant encore plusieurs années. Pour ce faire, elle a appuyé la sécession de la province du Katanga et plusieurs conflits tribaux. Le Congo est ainsi devenu une utopie dès la première semaine de son indépendance. Qui pouvait imaginer à la veille de l’indépendance que le pays se caractériserait par un tel gâchis? Tous les politiciens prédisaient un avenir radieux. Quelques passages de l’hymne national prophétisent même que nous bâtirons un pays plus beau qu’avant, dans la paix. C’est le contraire que la population a vécu. Cette situation de détresse économique est aussi la résultante d’une mauvaise gouvernance et du non-respect des droits de l’homme. Le Rapport mondial sur le développement humain 2020 du PNUD situe l’indice de développement humain de la République Démocratique du Congo à 0,480 ce qui classe le pays au 175ème rang mondial sur 189, soit parmi les pays à faible développement humain.
La criminalisation de l’économie
Après les troubles qui ont suivi l’indépendance, une reprise économique s’est amorcée à la faveur de la hausse des cours des matières premières à la fin des années 1960. Avec l’organisation instaurée par le gouvernement du président Joseph Mobutu à partir de 1965 et à la faveur de la haute conjoncture des cours mondiaux du cuivre, l’économie se consolide. Le PIB (produit intérieur brut) ou richesse nationale connaît alors un taux annuel de croissance de 7% en moyenne. Cette situation dure jusqu’en 1975, année aux environs de laquelle l’économie s’effondre à cause non seulement de la récession mondiale du début des années 1970 mais aussi des mauvaises politiques mises en place. C’est le cas notamment de l’expropriation des commerces et des industries appartenant aux étrangers (zaïrianisation), de la nationalisation de certaines sociétés et du recours à la planche à billets pour financer les déficits budgétaires. L’activité économique intérieure poursuivit son déclin à la suite du gaspillage des ressources, de la baisse des investissements et de l’amenuisement des moyens de paiement extérieur consécutif à la baisse des cours de certaines matières premières traditionnellement exportées. Pour faire face à la crise, plusieurs programmes d’ajustement furent signés avec le FMI et la Banque mondiale au cours des années 1980. Mises à part quelques exceptions comme sur la période 1983-1986, ces programmes se traduisirent par des échecs par suite d’un manque de volonté politique de conduire à bon terme les réformes économiques. A ceci, il faut ajouter la corruption généralisée et la prévarication. Les tensions sociales atteignent leur point culminant avec la destruction des infrastructures industrielles et commerciales lors des pillages de 1991 et 1993, consacrant ainsi l’effondrement total de l’économie nationale. Entre 1990 et 1994, la production enregistre une baisse de 47,3%, soit en moyenne 9,5% par an. De même, entre 1990 et 1993, les recettes d’exportation accusent un recul de 51,3% et les investissements régressent de 12,8% à 2,3% du produit intérieur brut. Consécutivement, le volume des emplois dans le secteur privé chute de 60% entre 1991 et 1994. Chaque année, l’Etat devient un peu plus pauvre et incapable de financer les dépenses indispensables : sécurité, éducation, santé et infrastructures. La misère s’accroît et le pays est confronté au recul de la croissance économique. La pénurie des billets de banque qui commence à s’observer à la fin de 1990 prend une ampleur considérable avec les pyramides financières, appelées « Bindo », qui vident les banques de leurs encaisses au profit des circuits parallèles. Avec la baisse du pouvoir d’achat, les recettes des entreprises tarissent et avec elles, le flux des versements quotidiens en banque. La situation des banques devient aussi précaire quand l’économie se trouve confrontée non seulement à une pénurie de billets de banque mais aussi à l’hyper-inflation. Le pays enregistre alors un taux d’inflation record de 4.651,7% en 1993 et de 9.796,9 % en 1994. Le rythme de dépréciation de la monnaie devient si accéléré que plus personne ne veut garder par devers soi la monnaie nationale. Il faut vite la changer en dollars. Les versements de l’argent en banque deviennent aussi rares. Ce qui conduit à la faillite du système bancaire. Elle entraîne dans son sillage les coopératives de crédit qui étaient obligées par la Banque centrale de verser une partie de leurs encaisses en monnaie nationale auprès des banques agréées. Pour combler le vide laissé par le secteur officiel, un secteur informel prend de plus en plus forme. C’est en fait la réaction de la population pour assurer sa survie. C’est dans cette atmosphère délétère qu’une rébellion armée est créée par des pays voisins qui va faire tomber le régime de Mobutu
Les grandes espérances
Avec l’arrivée de Laurent Kabila au pouvoir en mai 1997, le dirigisme économique est instauré. Une nouvelle monnaie, le franc congolais, est émise. L’économie se caractérise cependant par des pénuries. En 1997, le taux d’inflation est négatif à -0,4% tandis que le PIB régresse de 5,4%. En août 1998, la guerre reprend entre les anciens alliés. En 1999, le PIB recule de 10,3% et le taux d’inflation se situe à 526,6%. Plus que jamais, le secteur informel refait surface. Selon un rapport de la Banque centrale du Congo, les employés du secteur formel ne représentent plus que 3,1% de la population active en 2000. Après la mort du président Laurent Kabila, en janvier 2001, le nouveau président, Joseph Kabila, reprend la politique de libéralisation économique. Le FMI et la Banque mondiale soutiennent le programme économique avec des financements importants. Ce retour des institutions de Bretton Woods catalyse aussi les promesses d’aide des bailleurs de fonds extérieurs. Le pays connaît un redressement économique puisque le taux de croissance du PIB est de 5,6% en 2003 et 6,7% en 2004. Quant à l’inflation, elle n’est plus que de 4,5% en 2003. Ces résultats économiques ne sont pourtant pas suffisants pour amorcer le développement économique du pays. Selon la Banque mondiale, il ne faudrait pas moins de 56 ans pour que le Congo retrouve le niveau de son économie des années 1960 à condition que le PIB continue à s’accroître au rythme moyen de 5% par an. La précarité demeure généralisée. Le pays est confronté à des cas de malnutrition sévère. L’Etat est déliquescent. L’espérance de vie à la naissance est de 60,7 ans en 2019 suivant le PNUD (Programme des nations-unies pour le développement). Dans certaines contrées, hommes, femmes et enfants se promènent nus faute de moyens pour s’acheter des habits. Les infrastructures de base sont dans un état de détérioration avancée. Le réseau routier est complètement détruit. Nous assistons à un phénomène de « ruralisation » des villes. Celles-ci ressemblent de plus en plus à des villages. Elles se caractérisant par un secteur informel prépondérant, par la rareté de l’électricité et de l’eau courante, par le manque d’urbanisation, par l’absence de voirie urbaine etc. Certains hôpitaux et des dispensaires ne fonctionnent plus par manque de médicaments, d’infirmiers, de médecins. Des fléaux surgissent çà et là : maladie du sommeil, fièvre hémorragique Ebola, malaria, tuberculose, choléra, rougeole, méningite, peste, onchocercose, SIDA, COVID-19…. C’est cela le Congo. Un pays promis au rôle de puissance économique à son indépendance mais qui a été trahi par son élite. Le pays reste fragile : insécurité à l’Est, mauvaise gestion des finances publiques, corruption, mauvais climat des affaires, pratiques économiques prédatrices, bradage des actifs miniers etc. Depuis janvier 2019, le pays est dirigé par M. Antoine Félix Tshisekedi Tshilombo. Les attentes sont immenses. Il affirme qu’il a une vision pour le Congo.
Par Gaston Mutamba Lukusa