Le gouvernement du Premier ministre Bruno Tshibala, par la voix du vice- Premier ministre, Léonard She Okitundu, ministre des Affaires étrangères, réaffirme la décision de la RD Congo de ne « pas prendre part à la Conférence des donateurs prévue le 13 avril 2018 » pour financer les énorme besoins humanitaires évalués à plus d’un milliard et demi de dollars américains.
«Au début de 2018, la priorité absolue est de protéger la vie de 13 millions de personnes menacées par la catastrophe humanitaire en cours au Kasaï, au Kivu, au Tanganyika et autres provinces du Congo. Et cela passe impérativement par une conférence internationale des donateurs pour financer les 1,68 milliard de dollars du plan de réponse humanitaire des Nations unies pour le Congo », a pourtant plaidé l’ancien Premier ministre Samy Badibanga, en février dernier.
Et lorsque les Nations Unies convoquent la conférence des donateurs, vraisemblablement en réponse à la requête du prédécesseur de Bruno Tshibala, la réponse deu pouvoir de Kinshasa est cinglante :
«Nous ne pouvons pas, nous la RDC, venir assister à cette conférence comme invité des organisateurs. Nous ne pouvons venir que comme partie prenante à l’organisation de la conférence. C’est pour cette raison qu’il aurait été mieux indiqué de la part des organisateurs d’inviter le gouvernement de la RDC à l’organisation de cette conférence. Ce qui n’a pas été fait. Par conséquent, dès lors que ses préoccupations ne sont pas encore rencontrées, notre participation à la Conférence de Genève ne se justifie pas. Par conséquent, nous maintenons notre décision de ne pas participer à la Conférence de Genève. La RDC reste ouverte à toute proposition inclusive », a fait savoir She Okitundu.
Toutefois, il s’est réjoui « le secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des questions humanitaires ait reconnu les progrès réalisés en RDC dans les domaines des infrastructures, de l’éducation et de la santé, ce qui est un atout considérable pour la RDC parce que lui-même, a visité notre pays».
En outre, Kinshasa « tient également à relever le non respect, par les organisateurs de la conférence de Genève, des textes internationaux établissant la responsabilité première de chaque Etat dans la gestion des aides humanitaires, particulièrement la résolution 46/182 du 19 décembre 1991 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence, en ses points 2,3 et 4 et la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, en son article 13 point 1 ».
Samy Badibanga : « Nous demandons l’organisation urgente d’une conférence internationale des donateurs »
Député national de RD Congo depuis 2011, Samy Badibanga a été conseiller d’Etienne Tshisekedi au sein de l’UDPS de 2009 à 2011. Il a été Premier ministre de novembre 2016 à avril 2017.
Alors que la crise humanitaire se poursuit dans le Kasaï, au Kivu et dans d’autres provinces, l’ancien Premier ministre congolais a, dans un plaidoyer publié dans le magazine panafricain Jeune Afrique, appelé la communauté internationale à organiser au plus vite une conférence internationale des donateurs, pour financer le plan d’aide pour le Congo. Ci-après, l’appel pathétique de Badibanga :
Le casse-tête politique des élections nous a tous aveuglé : l’urgence en RDC est autant politique qu’elle est humaine et humanitaire. Oui, il faut tout faire pour que le peuple congolais puisse choisir ses dirigeants à la fin 2018.
Mais, au début de 2018, la priorité absolue est de protéger la vie de 13 millions de personnes menacées par la catastrophe humanitaire en cours au Kasaï, au Kivu, au Tanganyika et autres provinces du Congo. Et cela passe impérativement par une conférence internationale des donateurs pour financer les 1,68 milliard de dollars du plan de réponse humanitaire des Nations unies pour le Congo.
Chaque seconde qui passe, cette catastrophe tue. Elle tue des femmes, des enfants et des hommes qui ont fui les violences, se sont cachés dans la forêt ou plus loin, et qui n’ont plus rien à leur retour. Cette catastrophe pourrait bientôt faire entre un et deux millions de morts si l’aide humanitaire n’est pas financée.
2,8 millions de personnes pourraient mourir de faim dans le Kasaï
Ces chiffres, qui donnent le vertige, traduisent pourtant très mal la réalité d’un enfant ou d’une femme qui rendent leurs derniers souffles, puisqu’ils vont mourir. Tués, non pas par les violences, mais par la famine ou la maladie.
Une crise humanitaire moins financée
La crise au Congo est négligée. Aujourd’hui l’une des plus grandes crises humanitaires de la planète, elle est aussi la moins financée, bien que placée au niveau maximum d’urgence humanitaire par les Nations unies. Le conflit entre pygmées et bantous au Tanganyika a déjà, à lui seul, déplacé 500 000 personnes, soit autant que de Rohingyas en Birmanie. Au Tanganyika s’ajoute le Kasaï, avec 1,5 million de déplacés, le Kivu, avec plus de 950 000 déplacés, et d’autres provinces, pour un total de 4,35 millions de personnes, selon l’Unocha.
En RDC, les besoins de financement de l’aide humanitaire s’élèvent à 1,68 milliard de dollars en 2018
En Ouganda, 238 000 Congolais se sont réfugiés pour fuir les violences au Kivu, et mille de plus arrivent chaque semaine. Au Burundi, 7 000 personnes s’y sont réfugié et 330 00 individus sont allés en Angola, pour ne citer que ces pays-là. Qui sait, aujourd’hui, que l’ensemble des déplacements de population au Congo est plus important qu’en Syrie, en Irak et au Yémen réunis ? Combien de ces 4,35 millions de déplacés rejoignent les routes de la migration par la Corne de l’Afrique vers les camps d’esclaves de Libye ?
Alors que le conflit né au Kasaï, en août 2016, a fait 5 000 morts jusqu’à maintenant, 2,8 millions de personnes pourraient y mourir de faim. Comment croire que ces populations, qui ont survécu au conflit et qui reviennent aujourd’hui avec la fin des violences, ne trouvent ni nourriture, ni eau, ni toilettes, ni vêtements, ni toit, ni abri, ni travail, ni écoles, ni service public, mais des villages brûlés, des centres de santé pillés, des routes détruites, le choléra et des plantations agricoles ravagées ?
Pour une conférence internationale des donateurs
C’est cet appel au secours venu des églises, où la population se réfugie, que nous transmettons depuis début novembre 2017, au nom de la coordination Espoir, avec le cardinal Mosengwo pour l’église catholique et le révérend Bokundoa, président de l’église protestante, aux Nations unies, à l’Union européenne, à la France et à l’ensemble de la communauté internationale. C’est au nom de cette population meurtrie, violée, déplacée et abandonnée que nous demandons l’organisation urgente d’une conférence internationale des donateurs.
Le 17 novembre 2016, la Conférence Internationale pour la République Centrafricaine avait permis de réunir 2,2 milliards de dollars. En RDC, les besoins de financement de l’aide humanitaire s’élèvent à 1,68 milliard de dollars pour 2018, selon les Nations unies. Le Congo, dont la population avoisine les 90 millions, vingt fois plus que la RCA et ses 4,59 millions de personnes, a grand besoin du même niveau de solidarité mondiale.
À la fin janvier 2018, le plan d’aide n’était financé qu’à 2 %
Sans conférence internationale des donateurs, le plan de réponse humanitaire des Nations unies pour 2018 ne sera même pas financé de moitié. À la fin janvier 2018, il était financé à 2 %, faisant des Congolais en détresse les oubliés de la planète. Pourtant, une action humanitaire forte peut sauver des millions de vies et redonner l’espoir d’un nouvel avenir.
En ajoutant à l’aide d’urgence des actions post-conflit de réhabilitation des infrastructures socio-économiques, il sera possible d’envisager un progrès vers les objectifs de développement durable, dans un pays de près de 90 millions de personnes dont tout progrès peut avoir un impact majeur dans la région. C’est là que doit nous mener la conférence internationale des donateurs pour le Congo, que nous appelons la communauté internationale à organiser au plus vite.
Angelo Mobateli