Par Oscar BISIMWA
Pendant près de 10 jours, sous la supervision de Pascaline Zamuda, présidente du Cadre de Récupération et d’Encadrement pour l’Epanouissement integral des Jeunes (CREEIJ), des intervenants outillés en la matière partagent leurs connaissances et
analysent avec les bénéficiaires, les rapports de pouvoirs entre les femmes et les hommes, l’assignation des rôles au sein de la société en fonction du sexe.
« Cette répartition des rôles, des responsabilités, des activités et des ressources entre femmes et hommes est source d’inégalités et limite la liberté des femmes à jouir des droits humains » a souligné Annie Modi, principale intervenante sur la question. L’oratrice a fait observer que dans certaines zones de la RDC et du monde, les femmes restent des « mineures juridiques ». Quand bien même les cadres juridiques qui instaurent l’égalité des femmes et des hommes sont en place, les femmes ne bénéficient pas forcément des mêmes droits réels et continuent à subir des discriminations liées aux coutumes et aux traditions. Elles subissent des inégalités dans l’accès et le contrôle des ressources, par exemple dans l’accès à la terre, ou sur le contrôle du budget familial, dans leur liberté de parole et de mouvement, ainsi que dans leur liberté à faire des choix à toutes les étapes de leur vie.
En tant qu’objectif, l’approche Genre promeut l’égalité des droits, ainsi qu’un partage équitable des ressources et responsabilités entre les femmes et les hommes.
Dans une approche résolument participative, l’animatrice a soumis ses auditrices à une analyse comparée de la situation des femmes et des hommes tant d’un point de vue économique que social, culturel et politique. Elles ont tour à tour partagé leurs expériences individuelles et collectives sur des pratiques inégalitaires favorisant plus les hommes que les femmes devant des opportunités de développement.
« L’approche Genre promeut des droits formels et réels égaux pour les femmes et les hommes, l’amélioration de l’accès aux espaces d’expression et de pouvoir, au capital humain incorporé (santé, éducation) et aux facteurs de production. L’approche genre comprend aussi la prévention et la répression des violences fondées sur le sexe, un partage équitable des ressources et des responsabilités, ainsi qu’un développement humain plus complet et durable pour tous et toutes », a souligné Anny Modi à l’attention de ses auditrices.
La formatrice s’est appuyée sur les instruments juridiques nationaux et internationaux entre autres la constitution de la RDC qui consacre la parité homme-femme dans son article 45, et le protocole de Maputo qui pose l’égalité des sexes comme un principe fondamental et reconnaît les femmes en tant qu’êtres humains individuelles et non en tant que membres de la communauté ou de la famille. Joignant l’acte à la parole, il établit des droits équitables à l’héritage et le droit de chaque femme à choisir son époux. Les mutilations génitales sont interdites, de même que toutes les formes de discrimination basée sur le genre, tant dans les sphères publiques que privées et politiques, a-t-elle martelé.
Visiblement transformées par ces enseignements, les filles de Pakadjuma, revêtues d’une nouvelle robe de courage et de foi en elles-mêmes, ont dit toute leur satisfaction pour ces outils intellectuels importants dont elles ont été dotées : « fini le complexe ! les enseignements que nous venons suivre nous donnent de croire désormais en nos capacités, nous ne sommes pas des êtres inutiles ou moins importantes par rapport aux hommes, nous savons désormais que tout ce qu’ils font, nous pouvons le faire aussi, que nous pouvons même faire mieux qu’eux. Nous avons été habitués que les hommes travaillent, ils font de l’argent, et nous nous attendons leurs miettes qu’ils nous apportent moyennant des conditions. Nous pensions n’avoir que notre corps à mettre à la balance, alors que nous avons des capacités physiques et intellectuelles parfois supérieures ou égales à celles des hommes. Avec cette formation nous ne sommes plus les mêmes », rapporte Vastine Lafa.
LA PROTECTION DE L’ENFANT
La protection de l’enfant a aussi fait l’objet de formation à l’intention des professionnelles de sexe et filles mères de Pakadjuma, ce quartier à la réputation d’une prostitution abondante et de natalité précoce.
La thematique a consisté à renforcer les connaissances de ces femmes vulnerables premièrement sur les généralités relatives au concept enfant et enfance ainsi que les acteurs sociaux en charge de la protection. 100 participantes ont, à l’issue de la formation été capable de définir l’enfant comme toute personne agée de moins de 18 ans. C’est à dire à partir de la conception.
Débattant sur la définition les participants ont compris les raisons d’être de la repression sur les avortements. Elles ont aussi compris qu’une femme anceinte mariée ou non, est protégée par la loi de 2009 portant protection de l’enfant qui reprime sévèrement quiconque aura porté des coups et blessures sur une femme enceinte. S’agit aussi d’indiquer à l’intention des participants que le fait que la définition de l’enfant qui n’est pas admissible à un contrat de travail s’étend jusqu’à 16 ans, et l’irresponsabilité pénale pour un enfant en conflict avec la loi se limite à 14 ans.
Deuxièmement, les participantes ont été capables de retenir que les acteurs sociaux de protégér l’enfant sont les parents, l’Etat, la communauté (Eglise et école). Ainsi concernant les parents les participants ont compris la nécessité d’enregistrer l’enfant né à l’Etat Civil dans les trois mois de sa naissance afin d’obtenir l’acte de naissance sans frais auprès de la commune, dépasser ce délai la procedure est longue et payante. « La loi portant protection de l’enfant exige à chaque parent de faire vacciner l’enfant et de l’allaiter jusqu’à la fin requise pour l’allaitement. Il est interdit à toute personne de renier et de rénoncer à sa paternité à l’enfant. Il est aussi interdit aux parents, sous peine de repression pénale sevère, de pratiquer la mutilation et autres coutumes barbares sur l’enfant. La loi punit quiconque aura favorisé les fiancailles et le marriage de l’enfant mineur. Tout parent qui aura maltraité son enfant, l’État pourra le lui ravir », a martelé M. Arthur Omar, président du parlement des jeunes.
Concernant l’État, l’orateur a indiqué que la loi protège les enfants vulnérables : enfant de la rue, orphelins , enfant en rupture familiale … et exige l’État, par les organes des affaires sociales, d’aider les parents pauvres pour garantir le bien-etre de l’enfant. À la communauté et à l’église de veiller à ce qu’aucun enfant ne soit appelé sorcier sous peine de repression pénale.
À l’attention de ces femmes issues d’un milieu où la prostitution se pratique de gré ou de force dès le bas âge, l’intervenant a fait savoir que la loi de 2009 réprime aussi les personnes qui auront commis les relations sexuelles avec les enfants mineurs, ou les exposeront aux images pornographiques, ou les auront utilisés à des fins de trafic et d’abus des drogues… ».
Finalement, les participants ont découvert que toutes les questions relatives à la paternité, identité, enfants en conflits avec la loi… sont desormais de la compétence des tribunaux pour enfants, qui peuvent être saisis par l’OPJ, le parquet et même le juge d’enfants.
Dans le cadre de l’interaction avec les participantes, plusieurs cas personnels ont été revelés en lien avec les viols, l’abus des drogues, images pornographiques, utilisation des enfants pour la protection, violence sur femmes enceintes, etc …
Les organisateurs se sont réjouis de l’impact de cet encadrement au profit des jeunes filles et femmes de Pakadjuma : Yves MBU, Directeur du groupe d’information pour le renforcement du bien être, GIRB en sigle, s’est dit satisfait de ce que la vie ne sera plus la même pour ces filles qui, non seulement, connaissent leur place au sein de la société, connaissent les pratiques à éviter pour leur bien être et celui de leurs progénitures, mais aussi connaissent leurs droits et les moyens de leurs défenses.
Il convient de rappeler que cette formation entre dans le cadre d’un vaste projet d’autorisation de la jeune fille de Pakadjuma mis sur pied grâce au partenariat Nord-Sud entre le Cadre de Récupération et d’Encadrement pour l’Epanouissement integral des Jeunes, CREEIJ en sigle et l’ONG Belge GIRB, avec l’appui financier de la Wallonie Bruxelles internationale WBI. Le projet bénéficie de l’appui financier de la coopération Suisse.