Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, vient de rencontrer le chef de la diplomatie belge à Washington où il se trouvait en visite de travail (mercredi 3-vendredi 5 avril 2019). Cette coïncidence est assez troublante vu le rôle que la Belgique a toujours joué dans les affaires intérieures de notre pays. D’aucuns pourraient penser à une autre cabale belge dans laquelle on veut entraîner le chef de l’état, même si officiellement ils ont parlé de la normalisation des relations entre les deux pays.
La coopération avec la Belgique n’a jamais rien rapporté au Congo. Il y a un verrou psychologique entre la RDC et ce pays qui refuse de reconnaître les crimes de la colonisation, ce malgré l’appel récent des Nations-Unies et des organisations de défense des droits de l’homme. Plus prosaïquement, la Belgique a un problème d’attitude envers la RDC, qu’elle toise d’un regard congénitalement condescendant. Ses ingérences répétées et son influence pernicieuse au sein de l’Union Européenne lorsqu’il s’agit des affaires souveraines de la RDC sont là pour témoigner de cette pathologie diplomatique qui frappe ce pays.
Dès le lendemain de notre indépendance jusqu’à ce jour, les relations avec notre ancienne métropole coloniale ont toujours été tumultueuses et son interventionnisme au Congo à fait énormément de dégâts : assassinats de dirigeants (Lumumba et consorts, complicité dans l’assassinat de LD Kabila etc.), massacres des populations lors de la répression de la rébellion dans les années soixante à Kisangani, isiro et Buta par les parachutistes et mercenaires Belges etc.
J’exhorte le chef de l’état à ne pas trop écouter les chants des sirènes de Reynders, même s’il faut maintenir de bonnes relations diplomatiques et économiques. Mais comme par le passé, il est à craindre que la coopération avec la Belgique ne rapporte pas grand chose de positif, sinon des ennuis pour lui-même et pour notre pays. Qu’il se rappelle qu’au lendemain de son élection la Belgique a été en pointe dans la contestation des résultats, appuyant ouvertement un autre candidat qui avait manifestement ses faveurs, et allant jusqu’à à lui faire un coup bas sur l’affaire du diplôme…
Qu’il se rappelle également qu’aucun dirigeant congolais n’a été en bons termes avec la Belgique jusqu’au bout. Même Moïse Tshombe qui fut un homme-lige de la Belgique eût des problèmes avec les dirigeants belges lorsqu’il fut désigné Premier ministre du Congo. Dans ses mémoires il raconte comment il ne supportait plus leur ton comminatoire à son endroit et le fait qu’il soit traité comme leur employé alors qu’il était chef de notre gouvernement.
Avec le président Mobutu ce ne fut pas mieux. Il ne cessa de dénoncer leurs ingérences et alla jusqu’à la rupture diplomatique, alors qu’il fut lui-même au début de sa carrière un obligé de la Belgique. Beaucoup se remémorent encore le fameux débat de clarification qui eût lieu à la télévision belge au début des années 80, opposant un trio brillant de dirigeants congolais et la presse belge.
Il semblerait qu’encore aujourd’hui la Belgique demeure en quelque sorte le « référent » en ce qui concerne les affaires congolaises. Son avis garde une certaine prépondérance au sein de l’Union Européenne et les américains la consultent pour des décisions importantes. C’est ainsi qu’elle s’octroie un « droit de regard » sur notre vie politique et influence les autres pays occidentaux dans le sens de ses intérêts. Le fait qu’elle ait été reconduite à l’unanimité des pays de l’espace Schengen pour continuer à piloter le Centre européen des visas en Rdc n’est pas anodin. Cette position lui procure un pouvoir considérable sur la classe dirigeante congolaise et la possibilité d’interférer dans l’espace politique grâce à une forme de chantage qu’elle peut exercer sur la mobilité des dirigeants congolais.
Ainsi à travers cette position prépondérante de l’ancienne métropole coloniale et son influence subjective sur les autres pays occidentaux, notre diplomatie se trouve en quelque sorte bridée, limitée dans l’espace et le temps.
Bien qu’il soit légitime pour tous les pays de vouloir avoir accès aux minerais stratégiques de la Rdc et à ses importantes ressources naturelles, nous devons garder la maîtrise de notre patrimoine et refuser toute forme de chantage et de sujétion diplomatique. À ce sujet plusieurs options nous sont ouvertes et il nous appartient de faire le choix d’une politique de coopération privilégiant nos intérêts à court et à long terme.
C’est pourquoi, le chef de l’état devrait embrasser le nouveau paradigme de la diplomatie Sud-Sud et privilégier la coopération économique avec les pays émergents, qui disposent d’une expertise très pointue dans tous les domaines et offrent des biens et services beaucoup plus compétitifs. Des pays comme le Brésil, l’inde ou la Corée du Sud peuvent nous apporter les solutions techniques et technologiques utiles et en phase avec nos besoins en terme de développement. Sans parler de la Chine avec laquelle notre partenariat est très avancé et qui dispose d’une capacité de financement supérieure à celle de toute l’Europe réunie.
PAS DE TEMPS A PERDRE
Notre pays est en pleine renaissance, il est engagé sur la voie du progrès en matière de gouvernance et il dispose d’un code des investissements ambitieux. Certes, nous avons encore beaucoup de progrès à faire, et du coup nous ne pourrons que difficilement satisfaire à tous les critères exigés par les investisseurs américains ou européens, qui se montrent souvent très pusillanimes quand il s’agit d’investir dans notre pays.
Or, nous n’avons pas de temps à perdre tant les défis du développement sont immenses au Congo, et surtout les attentes des populations en détresse sont sans commune mesure avec la satisfaction des intérêts diplomatiques de certains pays qui ont toujours voulu contrôler nos richesses et ceux de certains milieux d’affaires.
C’est pourquoi, nous devrions donner priorité à ceux qui veulent nous aider à nous améliorer et qui souhaitent investir chez nous sans tergiverser.
N’a-t-on pas dit « Le peuple d’abord ? »
Me Charles KABUYA