Palais de la nation à Kinshasa.
« La loi dit que l’agent de l’ANR a droit à une protection spéciale », a indiqué Kalev Mutond, ancien patron de l’Agence nationale des renseignements (ANR). Invité de Radio Okapi, il s’exprime sur plusieurs questions dont notamment les accusations de tortures et des assassinats attribués à l’ANR sous sa direction.
Interview :
Radio Okapi : M. Kalev Mutond : Le parquet général près la Cour d’appel de la Gombe vous a envoyé une invitation sur base d’une plainte déposée notamment contre vous par Jean-Claude Muyambo. Pouvez-vous le confirmer ?
Kalev Mutond : J’ai vu ce document comme tout le monde sur les réseaux sociaux.
RO : la plainte porte sur des faits de torture, menaces de mort et d’assassinat attribués à l’ANR qui était sous votre direction. Quelle est votre réaction ?
Kalev Mutond : Ce sont des allégations qui sont portées à la connaissance du parquet par un plaignant et vous venez de le citer. Il n’est pas encore dit quel est l’auteur matériel de ces allégations. Et je pense qu’à ce stade je ne peux donner aucun avis.
RO : dans un autre document, le procureur demande à l’actuel administrateur général de l’ANR l’avis favorable pour vous entendre. Quel est le statut administratif et judiciaire de l’agent de l’ANR ?
Kalev Mutond : il faut savoir que l’ANR est un service d’Etat qui fonctionne sur base des textes. Il y a une loi qui organise et régule le fonctionnement de l’ANR. Et cette loi répond parfaitement à votre préoccupation, en son article 20, c’est le statut administratif, tandis que les articles 21, 22, 23, 24vet 25 règlent le statut judiciaire.
RO : pourrait-on dire que l’agent de l’ANR est un intouchable ?
Kalev Mutond : Non. Intouchable c’est le mot que vous sortez. La loi dit que l’agent de l’ANR a droit à une protection spéciale. C’est l’article 21 que vous lirez : Une protection spéciale de son identité, de sa personne et de ses biens. Dire intouchable signifie qu’il peut commettre un crime. Ce qui n’est pas le cas. Il est protégé en ce que dans l’exercice de ses fonctions, il se conforme aux lois et aux règlements du pays. S’il commet une infraction ou un crime, la loi est là pour réprimer les crimes.
Je ne peux pas me permettre de dire qu’à l’ANR il n’y a que des Saints. D’ailleurs, à chaque fois que des agents ont commis des bévues, ils ont été sanctionnés.
Et nous-mêmes, en tant que responsables, nous n’encourageons pas que les agents commettent les bévues. Ce que nous disons aux agents, principalement nos OPJ, ce de faire en sorte que lorsqu’ils sont en face d’un prévenu, c’est d’en faire un ami. Et lorsqu’ils en font un ami, ils ont la possibilité d’obtenir les renseignements dont ils ont besoin. On ne peut pas torturer la personne de qui vous voulez obtenir des renseignements. Ça ne se fait pas.
RO : Qu’est-ce que vous répondez aux organisations des droits de l’homme qui pensent qu’il faut humaniser l’ANR, c’est-à-dire que ses services puissent travailler étroitement dans le respect des droits de l’homme?
Kalev Mutond : Vous faites bien de poser cette question. L’ANR est victime d’une propagande politicienne. Il y a des compatriotes qui, dans l’opinion nationale ou à l’étranger, ont délibérément choisi de salir les services de leur propre pays. On présente les agents de l’ANR comme des assassins, on présente le service lui-même comme n’étant là que pour torturer, pour assassiner. Mais personne ne va vous citer le nom d’une seule personne, je ne parle pas de quatre ou cinq personnes, qui a été tué par l’ANR. On vous parle d’empoisonnement. Je ne connais pas un cas, toutes les années que j’ai passées dans le service, y compris au sommet du service, je ne connais pas un seul cas d’un compatriote ou d’un étranger empoisonné par l’ANR. Tout ce dont vous entendez parler c’est le fruit d’une propagande politicienne qui salit gratuitement les services.
Vous savez, lorsque la population dort et se réveille le matin dans le calme, lorsqu’une journée commence et se termine dans le calme, il y a dans ce pays, les filles et les fils qui sacrifient leurs vies, qui perdent de leurs énergies pour que les institutions et le pays soient stables. A ces personnes-là, je pense qu’on devrait dire merci. Si on ne leur dit pas merci, on devrait se taire. Peut-être que le silence pouvait les encourager. Je pense que l’ANR et ses agents méritent le respect et la considération.
RO : En dehors de cette procédure du procureur général de la République, êtes-vous prêts à témoigner sur des faits commis lorsque vous étiez à la tête de l’ANR ?
Kalev Mutond : Moi je suis prêt parce que c’est la justice de mon pays, je dois collaborer avec la justice de mon pays. Je suis prêt d’aller répondre devant la justice des faits commis par l’individu Kalev. Je ne peux pas, et je ne le ferai nulle part, sauf devant le président de la République, je ne peux pas moi, aller rendre compte des actes commis dans la gestion des services de l’Etat. Aller parler de l’armée, de la police, de la DGM, de l’ANR, je ne peux pas le faire, comme ancien chef de la sureté nationale, je ne peux pas le faire. C’est mettre l’Etat dans la rue.
RO : Terminons par votre engagement politique. On sait que vous êtes membres du PPRD. On vous a d’ailleurs vu il y a quelques mois dans une marche organisée par le FCC, est ce que ça ne sera pas mettre l’Etat dans la rue ?
Kalev Mutond : Non, vous faites de l’amalgame. Comme agent que je fus, comme haut cadre du service que je fus, pendant ce temps-là, je n’étais pas membre d’un parti politique. Mais après avoir été remplacé à la tête de service, maintenant que je ne suis plus administrateur général de l’ANR, et que comme agent, j’ai demandé ma mise en disponibilité en bonne et due forme, et on me l’a accordée, vous n’allez pas interdire à tous les anciens chefs de service à travers le monde d’avoir une vie après le service.
Vous connaissez des anciens chefs de service qui sont des fermiers, des chefs d’entreprise, acteurs politique. Après ma carrière au service, je fais de la politique. J’ai choisi de me battre politiquement au sein du FCC. Et au sein du FCC, j’ai choisi d’être dans le parti politique PPRD. Et je ne l’ai pas fait en catimini. Les plus hautes instances du pays le savent.
Entretien réalisé par Alain Irung (RO)