Les résultats presque complets du référendum turc du dimanche 16 avril 2017 (95,80% des bulletins dépouillés) donnent le OUI à Recep Tayyip Erdogan vainqueur avec 51,94% des voix pour donner plus de pouvoirs au président contre 48,06% de NON.
C’est une nette victoire pour l’homme qui est au pouvoir avec son parti islamiste, l’AKP, sans discontinuer depuis 2002 et déclarait dans la campagne vouloir apporter de la « stabilité ».
Il semble y avoir eu des fraudes: un homme, responsable local de l’AKP accompagne un électeur dans l’isoloir. Il ressort pour glisser 5 bulletins dans l’urne sous l’œil impassible des assesseurs. La scène se passe dans le village de Çatbaşı à Muş (Est de la Turquie). Ce responsable de l’AKP s’appelle Mehmet Koçlardan. La vidéo publiée sur une page Facebook kurde est reprise par http://www.habererk.com/gundem/akp-li-muhtar-mehmet-koclardan-tek-basina-5-oy-birden-kullandi-h29689.html . Mais, Erdogan a déjà félicité son parti pour sa victoire…
Fondamentalement, la réforme de 18 articles de la Constitution transforme fondamentalement la démocratie parlementaire turque établie par Mustafa Kemal Ataturk, le « père de la patrie » en 1923. Elle instaure un régime présidentiel proche de celui des Etats-Unis, sur le papier du moins.
Suppression du poste de premier ministre, c’est le président qui est aux manettes pour tout, en ce compris la désignation d’une partie des juges de la Cour Suprême et des juges des cours les plus importantes. Erdogan va pouvoir gouverner par décret, sans devoir passer par le parlement. Ca s’appelle une dictature…
Cela va plus bien plus loin que les Etats-Unis, mais ce qui inquiète les Turcs « occidentalisés » qui se considèrent comme les héritiers de l’état laïc voulu par
Ataturk, c’est le non-respect des règles démocratiques par Erdogan et son parti : temps d’antenne incroyablement disproportionné à la télévision, muselage de la presse avec – en plus – des dizaines de journalistes en prison, fermeture des journaux d’opposition, intimidation de l’opposition et des défenseurs du NON au référendum, 100.000 personnes arrêtées après la tentative de coup d’état, etc…
En Belgique aussi, la communauté turque a voté pour Erdogan. Il faut dire que la pression de l’AKP sur les expatriés et les « cadeaux » offerts par Erdogan aux doubles nationaux sont irrésistibles
Avec le nouveau système, cela devient très improbable que l’opposition, même en coalition, puisse à nouveau former une majorité au parlement. Les pouvoirs du président Erdogan, qui se prend pour un nouvel Ataturk « inversé », comme le dit l’ancien ambassadeur américain à Ankara James Jeffrey, pourraient le maintenir au pouvoir jusqu’en 2029. Vingt sept ans de pouvoir, c’est encore la démocratie ?
Plus de 100.000 arrestations par la police d’Erdogan… L’opposition est muselée bien au-delà de la secte de Gulen: professeurs d’universités, intellectuels, journalistes, opposants kurdes sont enfermés et attendent leur jugement.
La tentative de coup d’état en juillet 2016, peut-être du fait d’une autre secte islamiste, celle de Fethullah Gulen, est venue à point nommé pour permettre à Erdogan de nettoyer l’armée aussi de tous ses éléments laïcs anti-AKP. Les dizaines de milliers de procès expéditifs en cours, avec peine de mort possible pour délit d’opinion, sont totalement inacceptables pour nos démocraties.
La corruption a atteint des niveaux incroyables, notamment du fait de la famille du grand homme (ses fils et beaux-fils)… Les manifestations à Istanbul pour sauver le seul parc de la ville des bulldozers des promoteurs a été violemment réprimées en 2013: 3 morts.
La Turquie a connu, c’est vrai, une superbe croissance économique au cours des 20 dernières années, mais aujourd’hui l’économie végète. Le tourisme est très malade : peur des attentats et perte (en partie recouvrée) du tourisme russe, après qu’Erdogan ait voulu jouer au bras de fer avec Poutine en abattant un avion russe sur la frontière syrienne… Mal lui en a pris : il a dû descendre de 3 tons pour retrouver des relations normales avec la Russie et sauver son tourisme et son économie…
La Turquie d’Erdogan est en guerre contre les Kurdes, et plus seulement le PKK. En effet une frange importante de la population kurde de Turquie
n’accepte plus l’action brutale du gouvernement d’Ankara et de nombreux Kurdes syriens sont réfugiés en Turquie.
Louis Michel et le MR, chaud partisan de l’entrée de la Turquie dans l’Europe, continue de prétendre qu’il ne faut que « postposer » les négociations d’adhésion
La Turquie voit s’éloigner son entrée dans l’Union européenne, demandée en 1987 et commencée en 2005 grâce à quelques incompétents absolus comme Louis Michel (MR), le parrain du gouvernement de Charles Michel.
Aujourd’hui Erdogan, menace, traite l’Europe avec une arrogance incroyable, vu l’inefficacité totale de la Commission européenne, de la présidence du Conseil et de leaders comme Merkel ou Hollande. Même si l’Europe n’a fait que « reporter » la poursuite des négociations d’adhésion, l’entrée de la Turquie dans l’UE est toujours bien officiellement en route…
L’islamisation de la société turque est en marche; dans l’enseignement, dans l’armée, à l’université, dans la rue. Ils sont quelques 80 millions: on ne sait pas combien exactement parce qu’il n’y a pas de recensement. Ils sont musulmans à 99%. Le port du voile est rétabli dans les universités : Ataturk doit se retourner dans sa tombe, lui qui avait lutté avec force contre les religieux. Même à Istanbul, des quartiers entiers sont maintenant peuplés de femmes en noir, à la manière iranienne.
Au Limbourg, à Anvers et Bruxelles, les Turcs manifestent bruyamment en Belgique. A Istanbul, l’opposition annonce qu’elle demandera un recomptage et dénonce des fraudes.
C’est un retour à un islam fondamentaliste que veut Erdogan. Et pas d’opposition… Dans son palais présidentiel délirant et de très mauvais goût, le nouveau sultan n’a pas l’ombre d’un doute. Il est l’homme providentiel. Allah Akbar !
LR