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RDC : un an après l’éruption du Nyiragongo, les gaz volcaniques menacent toujours Goma

Lava from the Mount Nyiragongo volcano flows towards the city of Goma in the eastern Democratic Republic of the Congo.

Le volcan Nyiragongo en ébullition .

Vapeurs toxiques, dioxyde de carbone ou méthane… Les risques restent élevés pour les deux millions de personnes qui vivent coincées entre le volcan et le lac Kivu.

Emmanuel vit de nouveau sous l’ombre du mont Nyiragongo. Malgré l’interdiction des autorités locales, il a été l’un des premiers à se réinstaller dans la vallée en février. Son quartier, situé aux portes de la ville de Goma dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), n’était plus qu’un immense champ de lave brunâtre. Tous les bâtiments ont été engloutis le 22 mai 2021 par la lave descendue des flancs du volcan le plus dangereux d’Afrique. L’éruption a tué 32 personnes et ravagé 3 629 habitations.

Depuis quatre mois, les chantiers se multiplient dans la chefferie de Bukumu. Avec quelques pelles ou à mains nues, plusieurs dizaines d’habitants creusent les fondations de leur nouvelle maison dans la roche volcanique, encore chaude par endroits. « Nous n’avons pas eu d’autres choix que de revenir ici », assure Emmanuel entouré de quelques voisins.Lire aussi  Le Nyiragongo, considéré comme le volcan le plus dangereux d’Afrique

Tous ont passé plusieurs mois entassés dans des familles d’accueil ou dans des camps temporaires. Aucun d’entre eux n’était sur les listes officielles des sinistrés. Après l’éruption, 4 332 ménages ont été pris en charge par les autorités, réinstallés pour la plupart à Kanyaruchinya, en périphérie de Goma. Les autres ont dû se « débrouiller », quitte à regagner des zones à risque.

En avril, des vapeurs toxiques, appelées fumerolles, ont été relevées à la surface des coulées de lave par l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG). « Elles prouvent que la lave ne s’est pas refroidie en profondeur. Lors de l’avant-dernière éruption en 2002, il a fallu attendre trois ans dans certaines zones [pour que le refroidissement soit total] », explique Célestin Kasereka Mahinda, le directeur scientifique de l’OVG.

Le « souffle du Diable »

Les chercheurs jugent « imprudent » le retour des habitants dans les zones dévastées. « D’autant que la reconstruction empêche le suivi des fissures qui ont pu apparaître l’année dernière », s’inquiète Matthieu Yalire, chef des départements géochimie et environnement à l’OVG. En cas de nouvelle éruption, de la lave ou du gaz pourraient jaillir de ces fentes. L’Observatoire serait alors incapable de prévenir ces habitants de la périphérie de Goma. « Le système d’alarme est défectueux. Il émet seulement jusqu’à 500 mètres autour du bureau de l’OVG », glisse un volcanologue.

Même en ville, les scientifiques n’ont pas accès à la plupart des crevasses volcaniques apparues avant 2021. « Ces zones ne sont pas constructibles, mais personne ne respecte ces interdictions », avoue Mitima Dedesi, le chef du Lac vert, un quartier de l’ouest de Goma.Lire aussi  Article réservé à nos abonnésVolcan Nyiragongo en éruption : « On a couru jusqu’au Rwanda, la lave courait derrière nous »

Dans ce secteur, aucun panneau de signalisation n’indique le danger des crevasses. Mais certains chemins, qui traversent des creux recouverts de cailloux, de branchages et parfois d’ordures, ne sont jamais empruntés par les locaux avertis. Plusieurs accidents, parfois mortels, sont enregistrés chaque année.

En avril, un jeune homme a été sauvé de justesse par des riverains alors qu’il était tombé dans le « mazuku », selon l’expression en swahili, la langue majoritairement parlée dans la région. Ce « souffle du Diable », composé essentiellement de dioxyde de carbone (CO2) inodore et incolore, est expulsé par certaines fissures volcaniques. « Il chasse l’oxygène de l’air et peut provoquer l’asphyxie des êtres humains et des animaux », poursuit Matthieu Yalire.

Le dioxyde de carbone, danger majeur

Les sites de « mazuku » s’étendent sur une trentaine de kilomètres au-delà de Goma, dans une zone densément peuplée le long des rives nord du Kivu. Ce lac géant de 2 700 km2, à cheval entre la RDC et le Rwanda, renferme l’équivalent de 2,6 gigatonnes de CO2, soit environ 5 % des émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre.

Le dioxyde de carbone, produit par l’activité volcanique et par la décomposition des matières organiques, reste un danger majeur pour les deux millions de Gomatraciens qui vivent coincés entre le volcan au nord et le lac Kivu au sud. Selon l’expression employée en 2006 dans un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), ce lac est l’un des « tueurs d’Afrique » avec le Monoun et le Nyos, situés dans l’ouest du Cameroun.En images : Le réveil du volcan Nyiragongo en RDC, un risque de catastrophe majeure

Ces derniers ont tous les deux connu une éruption « limnique », lorsque les gaz accumulés dans leurs fonds sont brusquement remontés à la surface. La plus impressionnante étant celle du 21 août 1986 lorsque le lac de cratère volcanique Nyos avait soudainement relâché une grande quantité de CO2, provoquant la mort de plus de 1 700 personnes et de 3 000 animaux, selon le bilan des autorités camerounaises.

« Aujourd’hui, les eaux du lac Kivu sont très stables et il faudrait un phénomène exogène comme un large tremblement de terre ou une vaste éruption pour que le CO2 remonte à la surface », rassure le chercheur Matthieu Yalire. Néanmoins, une enclave située au nord-ouest du lac, le golfe de Kabuno, inquiète les scientifiques tant la concentration en gaz carbonique y est élevée.

60 km3 de méthane

En cas de perturbation de l’écosystème, les centres urbains de Saké ou de Minova, peuplés d’au moins 70 000 habitants, pourraient être touchés. Pour limiter les risques, le gouvernement congolais a signé en janvier 2020 un accord avec la société Limnological Engineering pour dégazer cette partie du lac. A ce jour, les travaux n’ont toujours pas commencé.

Au-delà de la menace, ces eaux profondes pourraient aussi se transformer en opportunité puisqu’elles contiennent 60 km3 de méthane. Ce gaz, qui sert à produire de l’électricité, vaudrait jusqu’à 42 milliards de dollars sur cinquante ans. Une manne financière que l’Etat congolais voudrait exploiter. Il a signé en 2019 une convention avec l’entreprise tunisienne Engineering, Procurement & Project Management (EPPM) associée au groupe congolais Ihusi. Le 31 décembre 2021, l’autorité congolaise de régulation du secteur de l’électricité annonçait être en discussion avec Kivupower, la joint-venture née de ce partenariat. Mais là encore, les activités n’ont pas démarré.Lire aussi  Eruption du volcan Nyiragongo en RDC : Goma épargnée par la lave, les habitants inquiets des secousses

Depuis les berges congolaises du Kivu, on aperçoit pourtant un imposant pipeline. Cette installation appartient au voisin rwandais qui exploite le méthane depuis 2016. 30 % de l’énergie rwandaise est produite à partir du lac. Toutefois, certains scientifiques, cités par la revue Nature dans un article de septembre 2021, s’inquiètent des méthodes d’extraction. Elles pourraient modifier la structure du lac et être « la voie du désastre », selon Finn Hirslund, un ingénieur du cabinet de conseil COWI. Pour cet expert, l’intensification de l’extraction pourrait avoir des conséquences à long terme qui ne se manifesteraient qu’après des décennies.

Coralie Pierret(Bukavu, RDC, correspondance de Le Monde)

Oscar BISIMWA

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