En République démocratique du Congo, alors que l’élection présidentielle est prévue dans moins de six mois, les évêques catholiques du pays ont fait part de leur inquiétude face au processus électoral en cours. Réuni vendredi 29 juin 2018, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a réitéré ses craintes face au climat politique tendu et à la situation sécuritaire, tout en reconnaissant les avancées accomplies dans le calendrier électoral.
Dans cette déclaration, qui intervient à la fin de 55e assemblée générale de la Cenco, les évêques ont insisté sur le fait que Joseph Kabila ne peut pas briguer un nouveau mandat.
« Il s’en suit que tout président qui a épuisé le deuxième mandat ne peut plus en briguer un troisième, précise à RFI l’abbé Donatien Nsholé, secrétaire général de la Cenco. C’est le cas de l’actuel président de la République. »
Aucune annonce n’a été faite sur une éventuelle manifestation, mais la Cenco a demandé à la population de maintenir la pression pour obtenir des bonnes élections au 23 décembre 2018 : « Ne cédons ni à la peur, ni à la résignation, encore moins à la violence. Résistons à l’achat des consciences et aux manipulations politiciennes. »
Et pour plus de transparence du processus électoral, les évêques demandent notamment à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de publier au plus vite les listes provisoires des électeurs, en autres pour lever les soupçons sur les 6,7 millions d’électeurs enrôlés sans empreinte digitale.
Les évêques demandent également à la Céni d’accepter une expertise nationale et internationale sous la fiabilité de la machine à voter qui va être utilisée par l’administration électorale pour les élections de décembre.
Kabila appelle à « s’accrocher »
Le président congolais Joseph Kabila s’est lui aussi exprimé ce vendredi, dans une allocution diffusée à la télévision publique, à la veille de la célébration du 58e anniversaire de l’indépendance.
Faisant fi des critiques et des inquiétudes de l’opposition et de la société civile sur la fiabilité du fichier électoral, et le choix d’utiliser une machine à voter – un système de vote par ordinateur – le chef de l’Etat s’est félicité du processus électoral en cours.
Il a demandé à la classe politique et au peuple congolais de s’y « accrocher » : « Je vous exhorte à vous y accrocher et à démontrer s’il en était encore besoin que c’est bien vous les souverains et que c’est à vous de décider du sort et de l’avenir de notre cher et beau pays. Personne d’autre. J’invite pour se faire, toute la classe politique et toutes les forces sociales à s’impliquer sans réserve dans la matérialisation de ce rendez-vous historique en vue, une fois de plus, de consolider notre jeune démocratie, laquelle ne souffre du reste d’aucun complexe. »
Le président Kabila doit également prononcer d’ici le 19 juillet un discours à la nation devant le Congrès, soit avant l’ouverture du dépôt des candidatures pour la présidentielle. Pressé de toutes parts pour dire publiquement et clairement qu’il ne sera pas candidat en décembre prochain, le président Kabila s’est jusqu’à présent refusé à le faire, tout en répétant qu’il respecterait la Constitution qui ne lui autorise pas à briguer un troisième mandat.
Le chef de l’Etat n’a pas évoqué la question hier, mais a plutôt dénoncé à demi-mots les pressions exercées sur lui, évoquant des « pesanteurs de tous ordres » visant, selon lui, à maintenir la République démocratique du Congo « dans l’asservissement ».
. Tout semble être mise en œuvre, en effet, pour promouvoir le révisionnisme et maintenir notre pays dans l’asservissement au mépris de l’évidence qu’implique notre indépendance.
30 juin 2018 : on s’accroche à un processus incertain
Les chercheurs du Projet d’Application des Droits Civils et Politiques (PAD-CIPO) demandent au Président de la République de réconforter le processus électoral, car la population ne peut s’accrocher à une situation incertaine. A l’instar de l’Eglise Catholique, l’Institut de Recherche en Droits Humains (IRDH) estime qu’il est urgent de rassurer l’alternance politique, pierre angulaire de la démocratie et de l’Etat de droit, en toute responsabilité devant la Nation, au regard de la Constitution et de l’Accord de la Saint Sylvestre.
En effet, dans son message du 30 Juin 2018 (la nuit du 29), le Président de la République a invité la classe politique et toutes les forces sociales à s’impliquer dans les élections en vue de consolider la jeune démocratie. Cependant, l’incertitude se lit dans les messages des autres institutions publiques appelées à rassurer la population. Tenez.
Le jour même du discours du Président de la République, le Président OLENGA NKOY Joseph du Conseil National du Suivi de l’Accord (CNSA) sème le doute sur ledit processus, en invitant quiconque détiendrait des informations sur « la dangerosité de l’utilisation de la machine à voter et de son caractère peu fiable», à contacter son institution, au plus tard le 2 juillet. On ne peut amorcer une investigation, sans renseignements préalables sur le crime.
Le 22 juin 2018, le Président de la CENI, Monsieur NAANGA Corneille, répondant à une question de la Radio France Internationale (RFI) relative à la crise de confiance sur le processus électoral, il dit que sa mission n’est pas de créer la confiance avec la population. Ceci revient à dire qu’il ne se préoccupe pas de la population appelée ce jour à s’accrocher audit processus.
Le 07 juin 2018, le Porte-Parole du Gouvernement rapporte que le Conseil de Ministres a peaufiné une stratégie de création d’une coalition politique électorale (Front Commun pour le Congo, FCC) préoccupée par la conservation du pouvoir. Les chercheurs de l’IRDH se demandent comment le Gouvernement, Pouvoir Exécutif de la République servira la population, si sa mission devient la conquête du pouvoir « démocratiquement », mission dévolue aux parties politiques.
Par ailleurs, en dépit du fait que la Constitution interdit au Président en exercice de postuler pour un troisième mandat, le Secrétaire Général de son parti politique harangue des foules les incitant à soutenir une troisième candidature de KABILA à sa propre succession, sans que le Parquet Général n’ouvre une enquête judiciaire pour incitation à la trahison, appel du public à violer la Constitution ou rébellion contre l’ordre constitutionnel.
Afin de permettre au peuple congolais de s’accrocher au processus électoral, les chercheurs de l’IRDH recommandent au Président de la République d’évacuer la série d’incertitudes, en disant sans tergiverser que :
1. Il n’est pas candidat à un troisième mandat présidentiel, contrairement à la campagne amorcée par son parti politique et les tentatives des membres de l’actuel Gouvernement mu en coalition électorale ;
2. Il respecte les Accords de la Saint Sylvestre, en libérant les prisonniers politiques emblématiques et en arrêtant le harcèlement judiciaire dénoncé par les évêques Catholiques ;
3. En tant que Garant de la Nation, il écoute les critiques de la population contre la machine à voter et invite la CENI à rétablir la confiance avec celle-ci, en abandonnant ce projet.
RFI/CR