À l’arrivée, une odeur puante vous accueille. L’air y est pollué comme nulle part ailleurs dans la capitale congolaise. Les installations sanitaires n’existent plus. Il faut se « débrouiller » pour les besoins physiologiques. Des taudis sont rangés en petits couloirs exigus et lugubres.
Chacunes des femmes occupe ce qui ressemble à une petite cabine non aérée, qui leur sert à la fois de résidence et de « lieu » de travail. Le regard est curieux de la vue d’un homme. Une femme est approchée. Elle est hésitante au début. Après une mise en confiance, elle s’exprime: « Je suis une prostituée mais je suis très prudente« . Elle soulève un préservatif et donne des précisions qui donnent froid au dos: « Je couche en moyenne avec 18 hommes par jour. Je reçois 1.500 Francs congolais par client ». 1500FC, c’est moins d’un dollar US. La dame va plus loin, « certains hommes sont très méchants. Après l’acte, il dit, tu n’as pas bien bougé, je ne paie rien« . La pauvre femme montre son bras: des cicatrices des bagarres au quotidien avec des « clients insolvables » sont très visibles.
Dans le couloir suivant, une dame nous attend. Elle affirme avoir 35 ans, mais elle donne l’air d’être plus âgée, fatiguée par la misère et ce « travail » au quotidien, à la sueur de ses cuisses : « Je ne me voile pas la face. Je fais de la prostitution parce que j’ai des enfants à nourrir. Que dois-je faire ? Mon homme nous a abandonnés à notre triste sort ».
A côté d’elle, trois enfants dont l’âge varie entre 12 et 6 ans. La plus jeune, une mignonne fillette de 6 ans a un regarde tristement joyeux, comme pour dire: » S’il vous plaît faites quelque chose pour que je sorte de cet enfer« .
Enfer, le mot paraît juste. Sa sœur de neuf ans justifie le « travail » de sa mère : « Maman n’a pas de choix. C’est la souffrance qui fait qu’elle se prostitue. C’est ce qui nous permet de vivre« .
Ces enfants sont donc témoins du quotidien infernal de leurs mères. Elles voient des hommes faire des mouvements d’entrée et de sortie dans leur studio. Y compris la journée. Des hommes sans nom, des hommes que ces enfants à l’avenir incertain appellent « père« , le temps du coup de passe avec celle qui leur a donné la vie. Oui, papa pour dix, vingt minutes et on ne le reverra plus.
A Pakadjuma, le plus vieux métier du monde contribue à l’expansion démographique
Et la nuit, les ébats de maman sont à la portée de leurs yeux et oreilles. C’est cela Pakadjuma aussi, l’enfance est volée à tous points de vue. Elles ne vont plus à l’école ces filles, faute d’argent. Paka est un autre univers.
Plus dangereux encore, un phénomène : des jeunes filles adolescentes sont « importées » de l’Équateur. On les prépare à prendre la relève. D’autres font simplement objet du proxénétisme. Infocongo.net avance plus loin et trouve un autre petit couloir avec quatre portes. Chacune des dames attend, en position d’alerte…la concurrence est parfois rude.
On s’envoie des quolibets. Et on applique du cosmétique des pauvres, très néfaste pour la peau. Charlotte, appelons là ainsi, a 20 ans, née en 1999, belle, ravissante, mais derrière son sourire un gêné : » Oui je suis sollicitée par les hommes moyennant quelques billets ». Elle ne donne pas le montant mais le « taux » pour un coup de hanche est moins d’un dollar Us par client dans ce flamingo.
La promiscuité est telle qu’en cas d’épidémie, le désastre sera total.
Dans un petit carrefour entouré de flaques d’eau à l’odeur nauséabonde, des jeunes gens écoutent de la musique, d’autres dansent, les yeux rougis par le chanvre. La fumée des substances abusives on se l’envoie sur le visage. C’est très jeune qu’on est initié à la drogue légère. Personne ne s’en offusque ici.
Le soir venu, les danseurs se transforment en Kuluna et prennent d’assaut le quartier et d’autres lieux riverains.
A Paka, la misère a épousé la prostitution. Et le couple a de l’avenir, à l’allure où vont les choses. Chacune des embarcations de fortune en provenance du fleuve déverse ici de nouvelles candidates au plus vieux métier du monde. Et toutes ne sont pas majeures.
Par Gabriel Kwambamba (FDA)