Le sénateur Jean-Pierre Bemba, président du Mouvement de libération du Congo (MLC) acquitté le 8 juin dernier par la Cour pénale internationale (CPI), a affirmé qu’« il n’y a aucun deal » entre lui et le président Joseph Kabila, lors de sa première sortie médiatique mardi 24 juillet 2018 à Bruxelles (Belgique), soutenant qu’« il faut un changement profond dans la gestion de ce pays (RD Congo) ».
« Nous, opposants, allons-nous aller aux élections en ordre dispersé, au risque de perdre ? », s’est-il interrogé. « Je suis pour une candidature unique de l’opposition ; ce candidat unique ne doit pas être nécessairement moi », a-t-il indiqué aux journalistes réunis dans un hôtel.
A la question sur son retour en RDC, il a répondu : « Je compte arriver à Kinshasa le 1er août (2018) dans la matinée. J’ai prévenu les autorités (congolaises) et l’Onu de mon arrivée. Je rentre pour des raisons familiales, pour voir où est enterré mon père. Vous savez que je n’ai pas enterré mon père. Puis, pour déposer ma candidature à l’élection présidentielle. Mon parti a écrit à l’Hôtel de ville, à la mairie, et a prévenu le ministère de l’Intérieur pour que des dispositions soient prises de manière à éviter des débordements. Il n’y a pas de meeting prévu pour l’instant » avec ses partisans.
« Oui, j’ai reçu mon passeport diplomatique. Quand je suis sorti de prison, j’ai écrit au président du Sénat et aux autres collègues sénateurs afin de solliciter au ministère des Affaires étrangères mon passeport comme tous les autres sénateurs. Et cela a été fait », a précisé Jean-Pierre Bemba, s’agissant de son passeport diplomatique.
Ne voulant « pas entrer dans la polémique », il a souhaité « sincèrement à Moïse Katumbi qu’il puisse rentrer tranquillement au pays ». En ce qui le concerne, « je tiens à rappeler que suis un sénateur toujours en fonction », a insisté Jean-Pierre Bemba.
Par ailleurs, il a déploré le fait que la dépouille mortelle du président défunt de l’UDPS ne soit pas encore rapatriée, plus d’un an après so décès à Bruxelles, le 1er février 2017.
« Dans nos cultures, ce n’est pas digne et honorable que le corps du Président Etienne Tshisekedi, qui est venu me voir deux fois en prison, ne soit toujours enterré un an et demi après sa mort. Je demande au gouvernement et à la famille de faire en sorte qu’il soit enterré dignement’ », a-t-l recommandé.
« SI KABILA SE REPRESENTE, CELA SERA UN DESASTRE POUR LA REPUBLIQUE »
Interrogé sur une éventuelle candidature de Joseph Kabila à la présidentielle du 23 décembre 2018, JP Bemba craint « un désastre pour République ».
« Monsieur Kabila ne peut plus se représenter. La Constitution est claire dessus et je ne l’ai pas entendu dire qu’il se représentera. Si Kabila se représente, cela sera un désastre pour la République. N’oubliez pas que c’est le garant de la Constitution et il dit toujours qu’il va la respecter », a martelé l’ancien vice-Président sous le régime politique 1+4 (2003-2006).
A propos de l’Accord de la Saint-Sylvestre, Jean Pierre Bemba a dit : « Nous, MLC, avions toujours eu beaucoup de doutes sur l’application des accords… C’est pourquoi, nous n’avons jamais voulu en faire partie. Aujourd’hui, ‘avenir nous donne raison. Néanmoins, le MLC est le seul parti qui n’a jamais fait partie du gouvernement de Kabila »’.
Invité à commenter le discours de Joseph Kabila devant l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès jeudi 19 juillet 2018 à Kinshasa, Bemba a répondu que « l’opposition s’est prononcé dessus ».
« Comme les autres opposants, je constate qu’il y a un contraste entre les éloges que Kabila s’est fait et la misère que la population vit », a-t-il constaté, rappelant que « le MLC est une opposition républicaine et considère la Majorité Présidentielle comme adversaire politique ».
« Bien que la MP a été présente au congrès du MLC, la Secrétaire générale Eve Bazaiba Masudi n’a pas mâché ses mots lors de son discours », a-t-il relevé.
Affirmant milite « pour un Congo uni, un peuple uni » ,et refusant « l’on puisse tribaliser la politique », Bemba a fait remarquer que « l’une des erreurs de ce régime est d’avoir tribalisé la gestion du pays ».
« Kabila a remis l’économie du pays, les directions de presque tous les services de l’état entre les mains des personnes d’une région. On doit pas régionaliser ni tribaliser ce pays. Il appartient aux dirigeants du pays de mettre tous les habitants du pays sans tenir compte de leurs origines, en fonction et au même pied d’égalité selon leurs compétences. C’est désolant et cela doit changer », a-t-il déclaré.
S’agissant de la politique de bon voisinage, Jean Pierre Bemba a rappelé que « le Rwanda est un des voisins de la RDC ».
« Je comprends ses inquiétudes en ce qui concerne les groupes armés rwandais qui se trouvent en RDC. Il faut continuer de dialoguer mais la RDC doit savoir mettre aussi ses vraies préoccupations sur la table », a-t-il estimé.
BEMBA A « UN PROGRAMME DE PLUS OU MOINS 200 PAGES »
Poursuivant son plaidoyer pour « une candidature unique de l’opposition » à la présidentielle de décembre prochain, le chairman du MLC aimerait « la primaire au niveau de l’opposition pour les élections ».
« Cela doit être un débat structurel et non personnel. Il nous faut savoir quel est le programme que va présenter l’opposition. Personnellement, j’ai un programme de plus ou moins 200 pages que je vais présenter à l’opposition. Il parle de ma vision sur les plans économique, social, sanitaire, éducatif,… Puis, on verra dans l’opposition qui pourra porter le programme commun de l’opposition », a-t-il expliqué.
De sa candidature, il a dit : « il est tout à fait possible je reçoive un soutien international après tout ce qui s’était passé, parce que j’ai été blanchi et que la vérité a triomphé ».
« Le MLC est toujours dans son rôle de l’opposition. Bien que nous sommes minoritaires, nous ne cessons de crier haut à l’Assemblée nationale comme au Sénat la mauvaise gestion du gouvernement. Pour les fonds de campagne, le MLC, comme tout parti organisé, obtient des fonds des cotisations de ses membres et autres dons. Nous avons déjà lancé la campagne de collecte des fonds », a-t-il rassuré.
Sur ce sujet, il a conclu : « Je n’espère pas être le candidat de l’ouest. Je trouve que c’est désolant de régionaliser ce pays. Ce pays doit être uni ».
« SANS ESPRIT DE RANCUNE NI DE VENGEANCE»
Jean Pierre Bemba rentre en RDC « sans esprit de rancune ni vengeance », ‘envers qui que ce soit :
« Je ne sais vous dire s’il y a eu de mes proches qui ont témoigné contre moi. Dans tous les cas, je reviens au pays sans esprit de rancune ni de vengeance et en ayant mis un trait au passé. J’ai le regard braqué vers l’avenir de ce pays, le passé n’a plus assez de place dans ma mémoire ».
Et Jean Pierre Bemba d’ouvrir un pan de son cœur : « Dix ans en prison vous oblige de réfléchir sur vous-même et sur les causes pour lesquelles vous militez. Cela change votre façon de voir et d’être. Donc Bemba n’est plus le même qu’avant »
Angelo Mobateli