La représentation de la population congolaise qui est l’Assemblée nationale est parmi les organes les plus importants dans l’instauration de la démocratie et de l’État de droit.
En effet, cet organe, qui a les prérogatives de voter des lois, contrôler le gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et les services publics, participe énormément dans la gestion de la RES PUBLICA en étant, d’abord, la source de provenance du Premier ministre ainsi que des membres de son gouvernement.
Et puis, elle est l’organe qui, avec le Sénat, décide de la mise en accusation du président de la République, Chef de l’État, et, enfin, l’organe de châtiment du Premier ministre et des membres de son gouvernement.
Cependant, l’Assemblée nationale n’est pas omni puissante. En effet, elle est limitée dans ses fonctions là où les prérogatives des autres organes commencent en vertu du principe de la séparation des pouvoir qui s’avère être le corollaire de la lutte contre la dictature, la tyrannie et l’autoritarisme. De ce fait, l’une des sanctions que connaît l’Assemblée nationale est sa dissolution et, dans les lignes qui suivent, nous aborderons le cadre juridique, le droit positif de cette sanction ultime contre l’Assemblée nationale.
De lege lata (La loi en vigueur)
La question de la dissolution de l’Assemblée nationale est prévue dans la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour.
Et c’est dans son article 148 que cette situation est abordée. En effet, l’article 148 al.1 de la Constitution stipule que : en cas de crise persistante entre le gouvernement et l’Assemblée nationale, le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.
La cause de la dissolution
Une seule et unique situation est énoncée comme cause de la dissolution de l’Assemblée nationale. C’est la crise persistante.
En effet, la Constitution, dans sa disposition précitée, dit qu’il faut qu’il y ait crise. Mais au-delà de cela, elle insiste que la crise doit être persistante.
De ce fait, la cause n’est pas l’existence de la crise mais plutôt sa persistance.
Les protagonistes dans la crise persistante
La Constitution parle de la crise persistante entre le gouvernement et l’Assemblée nationale. De ce fait, elle fait du gouvernement et de l’Assemblée nationale les seuls acteurs de la crise.
En effet, la Constitution, dans ses articles 100 et 101, définit l’Assemblée nationale comme l’une des deux chambres du Parlement et dit qu’elle est composée de députés.
De ce fait, l’Assemblée nationale est dirigée et représentée par son président en vertu de l’article 111 de la Constitution.
La Constitution, dans son article 90, précise que le gouvernement est composé du Premier ministre, ministres, de vice-ministres et, le cas échéant, de vice-Premier ministre, de ministres d’État et de ministres délégués (al. 1). Il est dirigé par le Premier ministre, chef du gouvernement, qui le représente (al.2).
En conséquence, la crise persistante doit opposer, d’un côté, le président de l’Assemblée nationale et, de l’autre côté le Premier ministre, chef du gouvernement, chacun dans son rôle de représentant de son organe.
L’organe décisionnel de la dissolution
Un organe est mis en place par la Constitution pour décider de l’opportunité ou de l’inopportunité de la dissolution : c’est le cadre de consultation.
En effet, l’article 148 précité, dans son premier alinéa in fine, stipule que le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents de l’’Assemblée nationale et du Sénat, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.
De ce fait, l’organe, de consultation composé du président de la République, du Premier ministre, du président de l’Assemblée nationale et du président du Sénat, dispose d’un double rôle :
– D’abord, celui de régler la crise qui oppose l’Assemblée nationale et le gouvernement, et ainsi constater la persistance après échec ;
– Et puis, celui de décider de la dissolution de l’Assemblée nationale après constat de la persistance de la crise.
En conséquence, le cadre de consultation, qui est l’organe de prise de décision en la matière, a une spécificité qui est le rôle du président de la République dans cette procédure ainsi que son veto dans une certaine mesure.
Le rôle du président de la République dans la dissolution
Le président de la République, chef de l’État, est le garant de bon fonctionnement des institutions en vertu de l’article 69 al.2 de la Constitution. Il a un rôle important dans la procédure de dissolution.
En effet :
– Il est celui qui constate la nécessité ou pas de convoquer le cadre de consultation en vue de décider de l’opportunité ou de l’inopportunité de dissoudre l’Assemblée nationale ;
– Il est celui qui prononce la dissolution de l’Assemblée nationale apres décision du cadre de consultation qui constate la persistance de la crise ;
En conséquence, le président de la République, Chef de l’Etat déclenche la procédure de dissolution et met fin à cette procédure soit en prononçant de la dissolution, soit en refusant de le faire. Raison pour laquelle, l’article 148 al.1 dit … peut… prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.
Le veto du président de la République dans la dissolution
Le président de la République, Chef de l’État qui est l’acteur incontournable dans la procédure de dissolution, possède la possibilité de prononcer ou pas la dissolution de l’Assemblée nationale en vertu de l’article 148 qui dit …le président de la République peut … prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.
En effet, le président de la République, qui applique la décision prise par le cadre de consultation dans la procédure de dissolution, peut aller à l’encontre de la décision prise. De ce fait, cela doit être exclusivement dans le cadre de protéger et non de détruire, c’est-à-dire, le président de la République peut refuser de prononcer la dissolution alors que le cadre de consultation a décidé sur la prononciation de la dissolution. Néanmoins, le président de la République ne peut pas aller à l’encontre de la décision refusant la prononciation de la dissolution par le cadre de consultation, c’est-à-dire que le président de la république ne peut pas prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale alors que le cadre de consultation en a décidé autrement.
Donc, le président de la République prononce la dissolution par ordonnance de dissolution en vertu de l’article 148 al. 3 de la Constitution.
Dissolution et article 79 de la Constitution
Le président de la République, Chef de l’État, prononce la dissolution par une ordonnance.
En effet, l’ordonnance du Chef de l’État est régie par l’article 79 de la Constitution. Et, la grande question est de savoir si cette ordonnance se dessine de quelle manière.
L’article 79 al.3 de la Constitution stipule que le président de la République statue par voie d’ordonnance. Il ajoute, dans son dernier alinéa, que toutes les ordonnances du président de la République sont contresignées par le Premier ministre exceptées celles prévues aux articles 78 al.1, 80, 84 et 143 de la Constitution.
De ce fait :
– L’article 78 al.1 parle de l’ordonnance nommant le Premier ministre ;
– L’article 80 aborde l’ordonnance investissant les gouverneurs et les vice-gouverneurs de province ;
– L’article 84 s’intéresse aux ordonnances conférant les grades dans les ordres nationaux et les décorations ; et,
– L’article 143 articule sur l’ordonnance portant déclaration de la guerre en vertu de l’article 86 qui stipule ce qui suit : « Le président de la République déclare la guerre par ordonnance délibérée en Conseil de ministres après avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation de l’Assemblée nationale et du Sénat, conformément à l’article 143 de la présente Constitution ».
En péroraison, le président de la République, Chef de l’État, prononce la dissolution de l’Assemblée nationale par une ordonnance de dissolution contresignée par le Premier ministre en vertu des articles 79 et 148 de la Constitution.
En conclusion, la Constitution actuelle de la République démocratique du Congo a été votée par un parlement de composantes.
De ce fait, elle a été confectionnée dans le sens d’éviter la concentration de pouvoirs sur la tête d’une seule personne, le président de la République, Chef de l’État. Ce qui a eu comme conséquence, de le rendre trop faible. Pour cela, tout Chef de l’État, exerçant sous le régime de l’actuelle Constitution et n’ayant pas la majorité parlementaire avec lui, n’aura qu’à observer, avec amertume, son impuissance prononcée dans la gestion de la Res Publica.
Patrick CIVAVA MBASHA ECIBEGEZA
Avocat inscrit au tableau du barreau près la cour d’appel de Kinshasa/Matete
Président National du parti politique ADN (membre de la DVU, LAMUKA)
Enseignant de droit constitutionnel et institutions politiques