Le bilan pourrait s’alourdir puisque les « prélèvements de tous les détenus sont en cours » d’après le dernier bulletin épidémiologique des autorités sanitaires vendredi. La prison militaire de Ndolo compte 1.900 à 2.000 prisonniers selon les sources.
La RDC enregistrait officiellement en moyenne 10 à 20 nouveaux cas par jour depuis l’apparition du virus sur son sol le 10 mars (604 cas depuis cette date, dont 579 à Kinshasa, pour 32 décès).
Le virus serait rentré en prison« par une dame qui est venue déposer de la nourriture« , selon le ministre de la Santé Eteni Longondo, qui veut isoler les cas positifs et désinfecter les cellules.
« Les prisons surpeuplées et insalubres de la RDC présentent un grave risque de propagation de l’épidémie de Covid-19« , avait prévenu dès le 17 avril l’organisation de défense des droits de l’homme Human Right Watch (HRW).
« Les prisons congolaises sont parmi les plus surpeuplées du monde« , avec « un taux de surcapacité moyen de 432%« , ajoutait HRW, qui prenait l’exemple de la prison de Goma (600%) ou de l’autre centre pénitentiaire de Kinshasa, la prison centrale de Makala (461%).
Promiscuité
Dans son communiqué, HRW diffusait des photos de prisonniers qui dorment à même le sol dans une cellule à Makala, « entrelacés comme des sardines dans une boîte de conserve« , selon un détenu.
« Dans le pavillon où j’étais jusqu’à récemment, nous étions au moins 850 personnes dans un espace prévu pour 100« , a déclaré à HRW un détenu. « Quand il faut dormir, personne ne peut avoir plus d’un mètre carré d’espace. Si le coronavirus atteint Makala, il n’y restera plus personne« .
Il n’y a encore aucun cas à Makala, a assuré le ministre de la Santé.
Mais avant même la pandémie, début janvier, au moins onze détenus y sont morts à cause d’une rupture de stock en nourriture et en médicaments, avait indiqué à l’AFP une source pénitentiaire. D’autres sources ont avancé un bilan plus lourd de 25 morts.
Des centaines de détenus meurent chaque année dans les prisons congolaises (201 en 2017 et 223 en 2018 d’après les Nations unies), faute de nourriture et de soins.
« La quantité de nourriture ne peut pas même suffire à un enfant de 2 ans« , témoigne Augustin, un condamné à mort en 2005 détenu à Agenga (Equateur, nord-ouest) dans un rapport de l’ONG Ensemble contre la peine de mort publié fin 2019.
« Trois toilettes pour 500 détenus »
« Dans la majeure partie des établissements pénitentiaires visités, les détenus ont expliqué qu’en dehors du paracétamol et des traitements contre le paludisme et la tuberculose, il n’y avait aucun médicament disponible« , ajoute l’ONG.
Elle dénonce également l’absence de sanitaires, avec « trois toilettes pour 500 personnes » à Goma ou« trois toilettes pour 200 personnes » à Kindu (est).
Comme toutes les administrations du pays, les prisons souffrent de problèmes budgétaires et de retard de paiement de la part du Trésor public. En début d’année, le ministre de la Justice a accusé son collègue des Finances de bloquer des fonds destinés à améliorer l’état des prisons.
Les prisons congolaises regroupent 500 personnes condamnés à mort dans un pays qui observe depuis 2003 un moratoire sur la peine capitale, d’après Ensemble contre la peine de mort.
Ces condamnés à mort côtoient d’autres détenus qui sont pour la plupart en détention préventive, dans l’attente d’un procès. « En RD Congo, environ 71% des détenus sont toujours dans l’attente d’un procès« , selon Human Right Watch.
« Au moins 1.200 détenus » sont sortis des prisons congolaises« afin de freiner la propagation du coronavirus« , avait indiqué le 8 avril le ministre de la Justice Célestin Tunda. De nouvelles libérations pourraient intervenir dès lundi.
Rien « n’a été mis en place financièrement pour soutenir ces mesures« , déplore l’ONG congolaise de défense des droits de l’homme Justicia, qui a accusé vendredi le gouvernement de« négligence notoire » dans l’apparition des 43 premiers cas à la prison militaire de Ndolo. « Le gouvernement doit s’investir pour éviter l’hécatombe« , prévient l’ONG.
Par La Libre Afrique/AFP