L’Eglise du Christ au Congo (ECC) n’apprécie guère les arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant les députés dont la plupart sont de l’Opposition. Pour cette confession religieuse, « la Haute cour a tout simplement violé la loi électorale du fait qu’elle a dépassé le délai de 60 jours lui accordé pour rendre son verdict ».
« L’ECC constate avec regret la violation de la loi électorale, d’autant plus que cette loi dit que les invalidations doivent se faire dans les 60 jours. Que la Cour constitutionnelle puisse invalider les députés au mois de juin, cinq mois après, c’est violer la loi », déclare le directeur de cabinet du Président de l’ECC devant la presse, jeudi 13 juin 2019 à Kinshasa.
Aux dires du pasteur Moïse Gbema, «on se rend compte que la Cour, qui est sensée garantir la justice dans ce pays, a violé la loi ».
«Est-ce qu’il faudra dire que parce que la Cour a violé la loi, ses arrêts n’ont aucun effet ? », s’est-il interrogé.
« LA NATION COURT UN RISQUE »
Pour l’ECC, » la Cour constitutionnelle n’est pas au-dessus de la Constitution et ne peut pas la réécrire ».
« C’est un gros risque que nous courrons comme Nation. A l’allure où vont les choses, il ne faut pas que les institutions perdent leur crédibilité, leur légitimité et leur sens d’autorité », a lâché le révérend Eric Nsenga, porte-parole de l’ECC.
« Lorsque le peuple perd la confiance en ses institutions notamment la Cour constitutionnelle, le risque est que le pouvoir soit extra-institutionnalisé. C’est ce que nous vivons en termes de soulèvement et de déviation. Et c’est un gros risque que nous courons comme nation », a-t-il précisé.
REFORME DE LA CENI POUR LA CREDIBILISER »
Les arrêts de la Cour constitutionnelle prouvent à suffisance que la CENI n’a pas été à la hauteur de sa mission. Face à ce bilan négatif, l’ECC propose que la RDC revoie à la baisse la représentativité des politiques au sein de la Centrale électorale pour la « crédibiliser davantage ».
« Il faudra qu’on puisse diminuer sensiblement la représentativité des partis politiques dans cette institution. Sinon on va se retrouver dans ce que nous sommes en train de décrier aujourd’hui », a préconisé Moïse Gbema, directeur de cabinet du président de l’ECC.
« Nous regrettons tous quand nous avons des fils et filles envoyés à la CENI, qui ne sont pas redevables devant l’Eglise. Là, il y a un problème », déclare Maurice Mondengo, le chargé des relations et médias de l’ECC.
« Nous décrions tous la politisation de la CENI », a-t-il ajouté, avant de reconnaître qu’« on veut utiliser l’Eglise comme casquette ».
« Ce n’est pas l’administration électorale qui pose problème. C’est la possibilité d’avoir une notoriété, l’indépendance d’agir qui pose problème. Il faut dépolitiser cette histoire. Ceux qui prétendent avoir été délégués par l’Eglise, combien de fois ont-ils rendu compte à l’Eglise? », s’est interrogé le porte-parole de l’ECC.
ACAJ : « Les arrêts de la Haute Cour équivalent à un ordre illégal »
L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice, « ACAJ », a, au cours d’un point de presse tenu jeudi 13 juin 2019 à Kinshasa, qualifié d’ » ordre manifestement illégal, tous les arrêts de la Cour Constitutionnelle » rendus hors délai légal. Le président de l’ACAJ, Georges Kapiamba, a fait remarquer que la composition même de la Cour constitutionnelle n’est pas conforme à la loi. Car, a-t-il expliqué, « depuis la fin du premier mandat de trois ans jusqu’à ce jour, il n’y a jamais eu de tirage au sort pour remplacer les juges Kalonda décédé, Jean Louis Esambo et Banyaku ayant démissionné le 09 avril 2019 conformément à la loi ».
« La composition de la Cour Constitutionnelle est illégale. Les arrêts de la Cour Constitutionnelle sont illégaux et équivalent à un ordre manifestement illégal. Les juges de la Cour Constitutionnelle doivent démissionner », a martelé Georges Kapiamba, faisant remarquer par la même occasion que les arrêts rendus par la Haute Cour dans les différents contentieux électoraux ne sont non motivés.
Selon Kapiamba, « ces décisions ont violé l’article 74 de la loi électorale qui fixe à deux mois le délai d’examen du contentieux des élections législatives, provinciales, urbaines, communales et locales, à compter de sa saisine, ainsi que l’article 21 de la Constitution qui impose au juge de ne prononcer qu’une décision écrite et motivée ».
Et, conformément à l’article 28 de la Constitution, » nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal ».
RECOMPTER LES VOIX
Le président de l’ACAJ a déploré également le fait que la Cour constitutionnelle a invalidé des députés proclamés par la CENI sans avoir préalablement procédé au recomptage des voix en présences des parties concernées.
Pour Me Georges Kapiamba, « la Haute Cour a octroyé à des candidats des procès-verbaux non reconnus par la CENI, et donc a fabriqué des élus en lieu et place de ceux qui ont été votés par les électeurs et proclamés par la CENI dans le but de satisfaire une famille politique dont la majorité des juges sont l’émanation ».
Dans un communiqué de presse daté de mardi 11 juin 2019, le vice-président de Ensemble pour le changement, Pierre Lumbi, a indiqué que la Cour Constitutionnelle a déjà invalidé 33 députés nationaux et sénateurs dont 23 parlementaires sont de la coalition d’opposition LAMUKA.
Le coordonnateur du FCC, Néhémie Mwilanya, parle de 10 députés invalidés côté FCC. A la différence que ceux de l’opposition sont invariablement remplacés par ceux du FCC.
En un mot comme en cent, l’ACAJ appelle la population à prendre tout son courage en mains et défendre la Constitution, les droits de l’homme et la démocratie en recourant à tous les moyens légaux.
Par Rachidi MABANDU/Didier KEBONGO (FDA)