Les autorités congolaises souhaitent que les matières premières soient transformées sur place. La République démocratique du Congo espère ainsi pouvoir mettre en place des unités de transformation.
La RDC espère mettre sur pied des unités de fabrication de véhicules électriques grâce notamment à ses réserves de lithium, de manganèse ou de cobalt. Mais les experts sont sceptiques sur la capacité du pays à bloquer l’exportation de minerais hautement stratégiques.
80% du cobalt utilisé dans le monde
La République démocratique du Congo fournit environ 80% du cobalt utilisé dans la fabrication des batteries de véhicules électriques dans le monde. Mais ce pays, acteur indispensable de cette industrie, est absent du marché au niveau des produits finis.
D’où sa décision de stopper l’exportation de matières premières stratégiques comme le lithium ou le cobalt. D’ailleurs, le code minier interdit déjà cette exportation, comme l’explique Julien Paluku Kahongya, ministre congolais de l’Industrie.
« On avait accordé un moratoire de trois ans aux entrepreneurs et aux investisseurs pour qu’au-delà de ces trois ans, la RDC commence à transformer elle-même ses propres minerais. Et les trois ans sont arrivés à terme cette année 2021″, a déclaré le ministre.
Mais le gouvernement congolais n’explique pas comment il compte mettre en place des filières industrielles lourdes en si peu de temps.
Une date toutefois laisse apparaître que le projet n’est pas pour demain : Kinshasa affirme que « au cours des dix prochaines années », environ 145 millions de véhicules électriques pourraient être fabriqués à partir de minerais issus de RDC. Mais sans expliquer comment.
« Qu’il s’agisse du cobalt, qu’il s’agisse du lithium, qu’il s’agisse du manganèse, qu’il s’agisse du graphite, qu’il s’agisse du cuivre, ces minerais-là, pour le président de la République, sont très importants parce qu’ils permettent de faire face à une demande croissante à travers le monde de ce qu’on appelle les voitures électriques », a préciséJulien Paluku Kahongya, ministre congolais de l’industrie.
Des experts sceptiques
Les déclarations du gouvernement congolais laissent donc de nombreux experts sceptiques quant à la capacité du pays à bloquer les exportations ou à mettre en place des sites de production. Du moins à court terme.
« Nous sommes habitués à ces politiciens qui ne font que parler et dont les actions sont souvent le contraire de ce qu’ils ont dit. Je n’y accorde aucune confiance tant que je ne vois rien. Nous avons jusqu’ici des dirigeants qui restent irresponsables par rapport à leur rôle. C’est ce qui fait que le Congo ne se développe pas », a expliqué le professeur Nkere Ntanda de l’Université de Kinshasa.
LA RDC VEUT AUGMENTER LA vALEUR DE SES EXPORTATIONS MINIÈRES
Avec son nouveau gisement de lithium, la RDC veut augmenter la valeur de ses exportations minières, mais au-delà de la simple exploitation des matières premières, le pays souhaite développer une industrie de la batterie automobile, et donc mettre sur pied des filières de transformation.
Pour Julien Paluku, ministre congolais de l’Industrie, avec les minerais stratégiques comme le cobalt et le lithium, la RDC veut inciter les industriels à opter pour une transformation locale de ces minerais. Ce qui aura un impact positif sur l’économie du pays et va favoriser la création d’emplois. « À la date d’aujourd’hui, nous ne profitons qu’à concurrence de 8 % de nos exportations. Par contre, si la transformation a lieu en RDC, le pays pourrait bénéficier de près de 50 % des dividendes de ces minerais stratégiques, à savoir le cobalt et le lithium », explique-t-il.
La RDC dispose d’atouts certains avec, entre autres, un gisement important de nickel, autre minerai stratégique pour l’industrie automobile mondiale. Reste à passer des discours à la pratique selon Leonide Mupepe, expert en développement minier. « Il ne suffit pas seulement d’avoir ces ressources avec nous, encore faut-il savoir ce que nous recherchons, prévient-il. Le nickel n’est pas exploité, le lithium le sera peut-être dans un avenir proche. Est-ce qu’il y a un plan, une échéance par rapport à leur mise en exploitation ? Et la seconde question : est-ce que nous nous arrêtons seulement à l’étape de producteur ou avons-nous d’autres objectifs, à savoir nous engager dans l’industrie de la transformation de ces métaux et ensuite dans celle de la fabrication ? »
Pour sa part, Jean-Pierre Okenda, membre de la coalition « Le Congo n’est pas à vendre », appelle le gouvernement congolais à assainir d’abord le climat des affaires s’il veut réussir ce pari, et ensuite mener un processus inclusif avec la participation de la société civile et du secteur privé. « Il faut un cadre normatif institutionnel mettant l’accent sur la question de gouvernance parce que la corruption et les conflits d’intérêts dans le secteur minier sapent généralement les efforts menés par le pays et effritent la confiance des investisseurs. Dans le cas contraire, on risquerait de passer à côté de cette opportunité. »https://9e78709efbc64a222fd2ec2ff8152364.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html?n=0
Le gouvernement congolais lui, reste plutôt optimiste sur les résultats de ce forum. Selon le ministre de l’Industrie, un plan d’industrialisation du pays ainsi qu’une feuille de route sur l’amélioration du climat des affaires ont déjà été adoptés afin d’attirer d’avantage d’investisseurs. Mais les acteurs de la société civile pensent que ce forum ne permettra pas une réflexion approfondie sur le sujet. Il faut, selon eux, créer un cadre plus approprié.
Avec DW/Denise Maheho (RFI)