Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication et Archiviste-Expert international, Bob BOBUTAKA est chercheur en Archivologie et enseignant en Archivistique à l’Institut Supérieur de Statistique de Kinshasa, à l’Université de Kinshasa et à l’Université Pédagogique Nationale basée à Kinshasa. Il a aussi un Diplôme d’Etudes Approfondies en Sciences de l’Information et de la communication dans les orientations archivistique et bibliothéconomie (Bac+7) et un Diplôme de troisième cycle professionnel en bibliothéconomie (Bac+7). Il a deux Licences (Bac+5) en Archives, et en Bibliothéconomie-Documentation ainsi qu’un Diplôme de graduat (Bac+3) en Sciences et Techniques Documentaires.
Introduction
Les éléments de ce texte constituent fondamentalement l’expression de notre exposé présenté lors du colloque organisé à Bruxelles par le Musée de Tervuren et les Archives Royales de la Belgique ayant un axe essentiel sur les archives des anciennes colonies belges en 2010.
Ce faisant, nous avons écrit qu’« en août 1910, il s’est tenu à Bruxelles un congrès international sur les archives et les bibliothèques dont l’une des missions était de consolider les métiers d’archiviste et de bibliothécaire. Ce congrès international organisé conjointement par les Archives Royales de Belgique et la Bibliothèque Royale de Belgique avait eu lieu à l’occasion de l’exposition universelle »[1].
Un siècle plus tard, il y a eu un colloque international organisé par les Archives générales du Royaume et le Musée royal de l’Afrique centrale sur le thème principal : Archives, Afrique et Europe avec un accent particulier sur les perspectives des archives et des archivistes des anciennes colonies belges, nommément de la République Démocratique du Congo, du Burundi et du Rwanda. Ces trois pays sont regroupés au sein de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs Africains (CEPGL).
Il sied de rappeler que « Lors de cette rencontre, nous avons ainsi réussi à consolider la taxonomie des archives avec lesarchives de souveraineté à côté des archives dites d’organisation ou opérationnelles et des archives de la gestion. Si les archives opérationnelles sont l’émanation des activités au quotidien manifestant la production d’une entreprise ou un organisme, voire une institution, les archives de gestion, quant à elles, mettent l’accent sur le cadre légistique (lois, décrets, arrêtés, etc.) d’une personne morale; et enfin, les archives de souveraineté sont celles qui garantissent ou protègent l’existence d’une nation, d’un pays, d’un royaume, etc. Par ailleurs, nous avons conçu le néologisme archivophile pour désigner une personne ayant une passion pour les archives, comme le Roi des Belges [Léopold II] »[2].
Dans cette optique de la bibliologie africaine, « Ne serions-nous pas en mesure de poser la question portant sur la conservation et la communication des déclarations des indépendances des pays africains? Une chose est certaine, la création de l’Organisation de l’Unité Africaine et maintenant de l’Union Africaine a comme base légistique les documents de la décolonisation que la plupart des pays africains ignorent lors de la célébration des cérémonies de leurs indépendances, et ce, excepté les rares pays africains qui n’ont pas été colonisés »[3].
A propos de la connaissance de la déclaration de l’indépendance de la RD Congo par l’élite congolaise, une étude[4] archivologique réalisée par Bobdiane Bobutaka en 2021 mettant en évidence le fait que ce document d’archives de souveraineté, voire de la légistique nationale n’est pas du tout connu par la population de la République Démocratique du Congo. Par conséquent, nous estimons que le résultat de cette enquête sur un échantillon de l’élite congolaise peut être extrapolé à l’ensemble de l’Afrique. Cette dissertation académique interdisciplinaire intégrant l’histoire, la légistique, la statistique a permis d’analyser un fait archivologique.
1. L’état des lieux des archives en Afrique
1.1 Les archives en Afrique pendant la période précoloniale
Avant son contact avec l’homme Blanc, l’Afrique avait ses archives et ses archivistes. Ses archives étaient les traditions orales, tandis que ses archivistes étaient les griots et les parents.
Les traditions orales sont inhérentes à la plupart des cultures humaines qui se sont développées sans autre moyen de transmission de l’information que la parole humaine ; et sans autre moyen de stockage que la mémoire individuelle.
De par leur essence, « les traditions orales concernent des systèmes socioculturels extrêmement différents. Elles mettent en jeu des phénomènes essentiels du fonctionnement mental humain, quant aux modes de communication et de mémorisation, sur lesquels nos connaissances sont surtout conjecturales »[5].
Du point de vue du laboratoire de l’oralité, les traditions orales comprennent les témoignages oraux, les contes, les devinettes, les fables, les mythes, les chants, les épopées, les généalogies, les proverbes et les énigmes.
Les archivistes africains traditionnels étaient les émetteurs de la tradition orale ou de tous les types de témoignages transmis verbalement afin de reconstruire le passé d’un peuple. Si les griots étaient les mieux connus, il faut également citer les parents et les grands-parents dans la panoplie de transmetteurs de la tradition orale. Les griots pouvaient être considérés comme un service d’archives d’autant plus qu’ils jouaient aussi le rôle de gestionnaires de la mémoire sociale du groupe.
S’agissant des parents, on peut retenir que très fréquemment en Afrique, c’est le père qui instruit son fils, et la mère, sa fille. Les grands- parents, quant à eux, ont la responsabilité de transmettre à leur postérité la sagesse, le savoir-être, le savoir-faire, le savoir-vivre. Bref, ils sont les encadreurs pour l’intégration sociale et la prise en charge individuelle et collective.
Le griot est un « historien oral africain, [et il] est également un gardien de l’histoire du village et de la généalogie de ses habitants. Il est un membre respecté du clan qui, avant l’apparition de l’écriture, retenait par cœur tous les événements marquants de la vie d’un village : les naissances, les morts, les mariages, les chasses, les saisons et les guerres ; assurant ainsi la continuité du patrimoine collectif, de la culture et de la généalogie du clan. Un griot pouvait parler des heures, voire des jours, tout en faisant appel à la mémoire d’une histoire transmise de griot en griot pendant des générations »[6].
Pour justifier davantage l’importance des archivistes africains, ne serions–nous pas tenté de nous référer à la sagesse d’Amadou Hampâté Bâ qui a dit qu’en Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.
Pour «toutes fins utiles, l’Afrique considérée à tort ou à raison d’un continent à oralité, la République de Djibouti a démontré que l’oralité peut être gérée à travers sa bibliothèque nationale et les Archives nationales. Pour ce faire, nous retenons cette intelligence qui exprime au mieux l’oralistique (ensemble des techniques de gestion de l’oralité) ou l’oralogie (la discipline scientifique ayant comme objet épistémologique l’oralité) »[7].
Cette période précoloniale de l’Afrique met aussi en exergue la civilisation pharaonique que nous avons schématisée en quatre strates[8].
Pharaon qui est au centre de ce schéma est à la fois l’expression de la divinité, du roi tout-puissant et du gestionnaire de la cité. Et pour mener à bien tous ses qualificatifs, il devait être le garant de la communication divine, de la communication avec les prêtres, de la communication bibliologique par le hiéroglyphe et de la communication initiatique.
A ce stade, nous notons que nos échanges fructueux sur les archives à l’époque des pharaons avec le professeur Mpay[9] (égyptologue de l’Université de Kinshasa).
Enfin, ces attributs de communication démontrent la consignation des activités créant ainsi les archives pendant la civilisation pharaonique.
1.2. Les archives en Afrique pendant la période coloniale
Nous avons retenu quelques illustrations pour mettre en évidence l’approche managériale des archives africaines pendant la colonisation. En effet, Saliou Mbaye nous renseigne que les archives coloniales françaises intéressaient au premier plan la métropole, en ce sens qu’en « 1816, la France inaugure un nouveau type de colonisation. Le Gouvernement gère lui-même les colonies (…). Les archives, désormais, restent sur place et sont confiées à la garde du Contrôleur colonial. Le Secrétaire-archiviste du Gouvernement en assure la gestion. Des répertoires sont élaborés »[10].
Dans l’ancien Congo-Belge, il nous revient de relever que le Service d’archives a vu le jour en pleine colonisation. En effet, « Les Archives nationales de la République Démocratique du Congo (AR.NA.CO) remontent au 1er/07/1947 grâce à un arrêté du Régent. Dès cette année, un envoyé du musée du Congo-Belge à Tervuren, du nom de Neven[11], va être affecté à une section nommée « Section Archives du Congo-Belge. Cette section était sous la houlette du deuxième personnage de la colonie, c’est-à-dire le Secrétaire général du Congo-Belge »[12].
Du point de vue de la légistique archivologique, Antoine Lumenganeso a écrit que « les premières instructions concernant les archives datent du 1er décembre 1888. A cette date, la Troisième Division du Département de l’intérieur, spécialement chargé du Secrétariat et du Cabinet, se voit confier la Bibliothèque et les Archives de ce département »[13].
Et il renchérit qu’en « 1891, H. Van Neuss, Administrateur général du Département des Finances, prend, à son tour, les mêmes dispositions pour son secteur. La même année, Charles Notte, Chef de la Troisième Division, est chargé de classer, analyser et coordonner les archives de l’œuvre africaine »[14].
Grosso-modo, « l’histoire du service des Archives Nationales du Zaïre [RD Congo] comporte une série de dates clés : 1888, 1891, 1947, 1960, 1974, 1977, 1979, 1981, etc. »[15].
Somme toute, il y a lieu de souligner que déjà à l’époque coloniale, les colons archivistes avaient aussi des collaborateurs noirs, en l’occurrence Isambasa et Omokoko.
1.3. Les archives en Afrique pendant la période postcoloniale
A l’accession des pays africains à leur souveraineté internationale, des efforts ont été consentis par les gouvernements locaux pour doter les pays des services d’archives. Le développement de la nation et celui des archives ont été soutenus comme une nécessité au service de la mémoire aussi bien de l’institution que du pays.
Pour consolider cette approche, les services d’archives africains sont rattachés, soit à la Présidence de la République, soit à la Primature, ou encore au Ministère de l’intérieur, ou à ceux de la culture, de l’éducation, etc.
A ce stade, il faudrait aussi souligner que certaines écoles des métropoles telles que l’Ecole des Chartes pour la France et les écoles britanniques sont venues à la rescousse pour la mise à niveau des archivistes africains. A des fins de formation, des établissements ont été créés vers la fin de la décennie 1960 dans le domaine des archives pour former les archivistes africains.
En Afrique, la plus vieille organisation de formation dans le domaine des archives se trouve être « l’Université El Azhar du Caire avec son département de bibliothéconomie et des archives (…) [qui] date de 1951 »[16].
Certes, il sied de signaler que bien avant dans les années 1930, l’Afrique du sud organisait déjà ce genre d’enseignement.
Dans la liste des structures de formation d’archivistes africains subsahariens francophones, il y a lieu de citer l’EBAD de Dakar dont l’historique se présente comme suit : « En 1953 à Ibadan, Nigéria, a été soulignée pour la première fois, lors du stage d’étude sur le développement des bibliothèques publiques en Afrique, la nécessité de dispenser une formation professionnelle tenant [compte] de spécificités des bibliothèques africaines. En 1961, à Addis-Abeba, en Ethiopie, lors de la conférence des Chefs d’État africains sur le développement de l’éducation en Afrique, l’UNESCO insista sur la création des Centres régionaux et nationaux. Le 28 mars 1962 fut créé au Sénégal un Centre Régional de Formation des Bibliothécaires (CRFB) de langue française. En 1967, le CRFB deviendra, par décret N°67-1235 du 15 novembre 1967, l’Ecole des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes ayant un statut d’institut universitaire »[17].
En Afrique centrale, c’est en République Démocratique du Congo qu’on enregistre la plus vieille institution de formation dans le domaine des archives. En effet, cette filière a vu le jour, d’abord dans le département d’Histoire des Universités de Kinshasa et de Lubumbashi, avec le cours d’Archivéconomie animé par le belge Emmanuel Neven.
En 1977, la formation supérieure d’archivistes, de bibliothécaires et de documentalistes a été instituée au sein de l’Institut Supérieur de Statistique de Kinshasa. Cette institution académique a été étatisée en 2002 mais n’a jamais bénéficié d’une attention particulière des bailleurs des fonds ; alors qu’elle a formé plusieurs archivistes et archivologues aussi bien nationaux qu’étrangers provenant d’autres pays africains.
Au Cameroun, c’est l’Ecole Supérieure des Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication (ESSTIC)[18], créée en 1982, qui organise également la formation en documentation et en archivistique. En Côte d’Ivoire, « En octobre 1987, il y a eu l’ouverture du département des Sciences de l’Information Documentaire dont le siège est à Abidjan »[19].
Et dans la continuité de cette stratégie formative, il faudra aussi noter l’Université de Djibouti avec son département des Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication.
Dans l’espace anglophone de l’Afrique, les archives sont aussi socialisées et constituent l’objet de la formation universitaire au sein du Commonwealth africain.
En Afrique du Nord, il faudra noter que le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte sont avancés dans la formation académique et professionnelle dans le domaine des archives. Leur expérience pourra soutenir le reste de l’Afrique.
Il sied de noter que les établissements qui, organisent la filière dans le domaine des archives en Afrique, continuent à accroître, et ce, pour l’africanisation de la formation et de l’heuristique scientifique et opérationnelle des archivologues et archivistes africains. Il serait utile que des études sur la formation dans ce domaine de la mémoirologie (science de la mémoire) soit menées pour la connaissance holistique de ces établissements d’enseignement.
S’agissant de la formation même de l’archiviste, il y a de cela un siècle, Joseph Cuvelier avait soutenu que « (…) la grande majorité des archivistes seront partisans de l’enseignement universitaire plutôt que d’une école professionnelle d’archivistes »[20].
Ce précurseur de l’archivéconomie faisait déjà évoluer la formation en archives du paradigme du métier ou de la profession au paradigme académique et de l’heuristique.
Enfin, nos recherches sur l’archivologue, contrairement à celles menées sur l’archiviste, se consolident de plus en plus. En effet, si l’archiviste est un professionnel œuvrant dans un service d’archives, l’archivologue peut avoir le même profil de formation que l’archiviste mais, après la formation universitaire, il évolue beaucoup plus dans la recherche épistémologique des domaines des archives.
2. Le vieillard en Afrique entre les schèmes d’Amadou Hampâte Bâ et de Bob Bobutaka
Pour les aspects mémoriels de l’Afrique, « nous avons émis cette rationalité sur l’activité d’un vieillard en Afrique »[21].
Pour ce faire, le journaliste Martin Enyimo a écrit qu’« Et [le professeur Bob Bobutaka] a affirmé : Donc, le fait de dire ‘Archives de droit, de politologie et de légistique’, c’est vraiment l’expression du parcours de Léon Kengo Wa Dondo et lorsqu’on met l’accent sur les archives, c’est pour démontrer qu’à lui seul, c’est un document d’archives qu’on doit gérer avec dextérité dans ce pays »[22].
Ce journaliste enrichit ses propos en ces termes : « Quant à sa motivation à écrire ce livre, le Pr Bob Bobutaka a soutenu : Je me suis rendu compte que je pouvais enrichir le dicton d’Amadou Hampâte Bâ qui dit que lorsqu’en Afrique un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui brûle. J’ai réfléchi autrement pour dire si l’un de plus grands sages africains utilisait une approche mortem, je veux utiliser une approche interactive. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité enrichir la sagesse d’Amadou Hampâte Bâ[23] en ces mots : En Afrique, un vieillard qui vit constitue un référentiel mémoriel interactif pour ses contemporains »[24].
Martin Enyimo relate aussi que « Kengo wa Dondo, comme il est encore en vie, constitue pour nous Congolais, les universitaires, les scientifiques, les chercheurs, les politiques, un contexte d’échange, d’interactivité sur tout ce qu’il connaît sur ce pays, d’autant plus qu’il est actif depuis 1958. Après la publication du livre, le Pr Bob Bobutaka a eu un entretien enrichissant avec Kengo Wa Dondo »[25].
Par ailleurs, pour le réveil et l’éveil de l’Afrique, « Nous sommes convaincu que l’Afrique est un continent qui a été longtemps en hibernation, et ce, depuis le déclin de la civilisation pharaonique. Mais, la colonisation et surtout les deux guerres mondiales sont des événements qui ont occasionné son réveil au XXe siècle »[26].
3. La Belgique et les archives africaines
Le Royaume de Belgique a contribué positivement à la consolidation des pratiques et à la construction du savoir sur les archives en créant notamment le concept Archivéconomie. En effet, « En 1910, lors du premier congrès international des archivistes et des bibliothécaires, Cuvelier et d’autres employaient le terme archivéconomie »[27].
Le professeur Bruno Delmas, quant à lui, souligna que « (…) pour la partie pratique et appliquée de l’archivistique, Henri Pirenne, en 1910, emploie le terme d’archivéconomie dans la préface du Manuel pour le classement et la description des archives de Cuvelier (…) »[28].
Comme l’a souligné Eric Ketelaar, on peut aisément constater que la Belgique est le premier, sinon parmi les premiers pays à pouvoir organiser un congrès international sur les archives. L’apport des archivistes belges est significatif de par le monde.
On peut citer le cas d’Emile Théodore Joseph Hubert Banning[29] archiviste, bibliothécaire et bibliographe belge dont l’expertise a permis au Roi Léopold II de diriger efficacement l’Association Internationale Africaine, l’Association Internationale du Congo et l’Etat Indépendant du Congo : un territoire aux dimensions d’un sous-continent. On peut affirmer que Banning était la mémoire du roi des Belges.
Pour manifester l’intérêt des archives dans la gestion de ses anciennes colonies et particulièrement en République Démocratique du Congo, « les archives africaines sont devenues la propriété du ministère belge des Affaires étrangères en vertu d’une convention signée le 26 août 1960 par le ministre des Affaires africaines, A. de Schrijver, et l’archiviste général du royaume, E. Sabbe, convention s’inscrivant dans le cadre d’un arrêté royal relatif à l’ensemble de l’héritage du patrimoine du ministère des Colonies et répartissant les attributions ministérielles en matière d’affaires africaines »[30].
L’importance des archives chez le roi Léopold II était tellement éloquente que « (…) pour avoir accès aux archives, peu avant sa mort, Léopold II céda son Congo à la Belgique, mais brûla toutes les traces (…) ; et ce qui a subsisté est resté classé secret jusqu’au début des années 1980 »[31].
4. Le mapping de l’archiviste africain
Un archiviste n’est rien d’autre qu’un médiateur actif entre le chercheur et les archives. Pour l’Association des Archivistes Francophones de Belgique (AAFB), l’archiviste est un professionnel qui partage une passion et un métier communs : la gestion et la valorisation d’archives.
Nous tenons à mettre en exergue l’archiviste par rapport à notre contribution théorique sur la traçabilité managériale et la traçabilité historiographique.
Dans la première, l’archiviste est un acteur indéniable au management qui met à la disposition du staff dirigeant d’une institution les informations sur l’organisation ou l’institution en vue de motiver la prise des décisions cruciales, de renforcer la bonne gouvernance, de favoriser l’administration de la justice, de maîtriser les mouvements des flux financiers, de contrôler les effectifs de l’administration publique, d’asseoir un système de contrôle et d’audit crédibles, etc.
Dans la seconde, l’archiviste est un conservateur qui exploite une approche passéiste. L’archiviste est alors chargé de collecter, analyser, conserver, restaurer et communiquer les documents d’archives dont l’utilité administrative (managériale) n’est plus assurée par la personne morale ou physique qui les a créés.
Par conséquent, ils sont susceptibles d’être communicables au public. Cette catégorisation des archivistes rejoint l’approche anglo-saxonne, qui différencie le Records Manager[32] de l’Archivist.
Les archives et les archivistes ne sont pas seulement la matière première au service des historiens, mais également d’autres corps tels que les politologues, les juristes, les sociologues, les psychologues, les psychiatres, les médecins pour retracer les épidémies, les architectes, les économistes, etc.
Le droit à l’information et le droit de l’information sont autant des considérations de la légistique pour assurer la sauvegarde et la protection des archives. Dans les pays en développement et en Afrique en particulier, les législations sur les archives existent, mais elles ne sont pas respectées.
Par ailleurs, en Afrique, l’archiviste est réduit au rôle d’un gardien de vieux papiers. Les services d’archives sont considérés comme des lieux de pénitence pour les agents qui se sont mal comportés face à la hiérarchie. Cet état des choses n’augure pas de meilleures perspectives pour les historiens et d’autres usagers des services d’archives de demain. Ces derniers risquent de ne pas avoir des matériaux d’analyse.
Ainsi, « parmi les archivistes africains qui ont participé à la promotion des archives, on peut citer : le Zimbabwéen Peter C. Mazikana, le Tunisien Moncef Fakhfakh, le Marocain M’Barek Bidane, l’Algérien Abdelmadjid Chikhi, le Sénégalais Babacar Ndiaye, les Congolais de Kinshasa Pierre-Aimé Mobembo Ongutu[33] et Bob Bobutaka, le Congolais de Brazzaville Albert Mban, etc. »[34].
Aussi, faudra-t-il signifier qu’en prônant des réflexions réflexives dans le domaine des archives, il y a certains Africains qui se distinguent en participant à la consolidation de l’archivologie à travers leur publication scientifique.
A ce stade, point n’est besoin de rappeler que si l’archiviste s’intéresse fondamentalement au fonds d’archives, l’archivologue, quant à lui, a comme matériaux d’opérationnalisation essentiellement les publications et les documentations souterraines (Article scientifique, Revue scientifique, livre, thèse de doctorat, mémoire de fin d’études universitaires, etc.) sur les archives.
« Enfin et pour davantage d’ancrage, l’archiviste s’opérationnalise principalement sur les pratiques archivistiques, alors que l’archivologue construit son heuristique et sa communication pédagogique moyennant l’exploitation rationnelle des livres, des articles scientifiques et de la production documentaire universitaire, etc. dans la thématique de recherche sur les archives »[35].
5. Quelques considérations sur les Archives nationales africaines
Les Archives nationales sont des organes conseils de l’État et les gestionnaires de la mémoire collective nationale. « En 1968 s’est tenue à Niamey, du 22 au 23 janvier, la conférence des Chefs d’Etat et des Gouvernements de l’Organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM). De cette rencontre, il en est sorti la résolution n°18 qui demandait aux Etats membres de : (1) Mettre en place un Service d’Archives National relevant dans la mesure du possible de la Présidence de la République ; (2) Se doter d’une loi archivistique et d’une réglementation appropriée ; (3) Susciter et encourager, par tous les moyens, les vocations d’archivistes, notamment en promulguant les statuts particuliers régissant lesdits services »[36].
La plupart des pays africains, sinon tous, ont chacun, de nos jours, un service d’archives et ils sont membres des organisations internationales dans les domaines des archives : l’Unesco, le Conseil International des Archives, etc. On peut également retenir que l’Afrique regorge de nombreuses associations professionnelles d’archivistes.
Dans les lignes qui suivent, nous allons mettre l’accent sur les trois pays les plus concernés, voire les grands bénéficiaires de travaux de Bruxelles de 2010: le Burundi, la RD Congo et le Rwanda.
Pour ce faire, l’institution des Archives nationales du Burundi date de septembre 1977. Ce service burundais fut créé « au sein du Ministère des Sports et de la Culture. Le Département des Archives et de la Documentation comprenait deux services dont celui des Archives nationales. Ce service ne fonctionna effectivement qu’en 1978 (…). Le décret n° 100/49 du 14 mars 1979 organise la gestion des archives du Burundi »[37].
Le décret n° 100/174 du 20 septembre 1989 donna au Département des Archives nationales et de la Documentation l’appellation de Département des Archives Nationale et de la Bibliothèque nationale. L’ordonnance ministérielle n° 670/1358/90 du 6 décembre 1990 définit les attributions de ce Département. A partir du 12 février 1991, ce service changea de tutelle et fut placé sous le Département de la Culture.
Quant aux Archives Nationales de la République Démocratique du Congo ont été initiées « Lors du séminaire national organisé du 17 au 22 août 1977 au campus de l’Université de Lubumbashi ; il a été proposé, entre autres, qu’une loi soit promulguée sur la conservation des archives et la création d’un Institut des Archives pour centraliser la gestion des archives au niveau de l’ensemble du pays (…). En 1978, (…) l’autorité décida un jumelage provisoire avec l’Institut des Musées nationaux qui ne durera que quelques mois »[38].
En réalité, c’est la loi n°78-013 du 11 juillet 1978 en son article 19 qui a prévu la création d’un service dénommé : Archives nationales du Zaïre. C’est l’ordonnance présidentielle n° 089 du 20 janvier 1989 qui l’a institué.
Au Rwanda, les Archives nationales ont vu de façon non formelle le jour le 22 juin 1976. En effet, « du 8 août au 8 septembre 1977, un recyclage des agents chargés du bureau Courrier et Archives du secteur privé et mixte fut organisé à Kigali par le Ministère de la Fonction Publique et de l’Emploi. (…) Comme recommandé lors de ces diverses rencontres, le Service des Archives nationales fut créé par l’arrêté présidentiel n° 166/06 du 22 juin 1979 signé en même temps que l’arrêté présidentiel n° 167/06 du 22 juin 1979 instituant la Commission Nationale des Archives»[39].
Il sied de souligner que les fonds d’archives de ce service de mémoire sont l’œuvre des activités générées par l’Allemagne, la Belgique et le Rwanda.
Pour ce faire, Joy Kanyange relève que « la source allemande est du temps de l’occupation du Rwanda par les Allemands simultanément au Tanganyika et à Urundi, de 1885, date de la Conférence de Berlin, à 1919, date de la signature du Traité de Versailles sur la cession de l’ancienne Afrique orientale allemande à la Grande Bretagne et à la Belgique. La source belge, c’est sous le mandat puis la tutelle belge sur le Ruanda-Urundi, de la première guerre mondiale jusqu’à l’indépendance. Et enfin, la source contemporaine comporte les archives (…) créées après l’indépendance nationale en 1962 »[40].
Ce service de mémoire national rwandais était rattaché, à sa création, à la Présidence de la République et, par la suite, il avait pour tutelle le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique.
Les services d’archives des pays de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs africains n’existent que du point de vue de la forme que de fond. La conclusion d’une de nos réflexions sur les archives de la République Démocratique du Congo est aussi valable, mutatis mutandis, pour les deux autres pays de la CEPGL.
En effet, nous avons soutenu que « la trinité archivistique congolaise souffre de beaucoup d’incohérences. La législation archivistique est obsolète ; le bâtiment ne répond pas aux normes architecturales archivistiques universelles ; on note une carence du point de vue quantitatif et qualitatif des effectifs affectés aux Archives nationales»[41].
Ce diagnostic sur les Archives nationales des anciennes colonies belges se veut un cadre pour poser des nouvelles pistes en vue de repositionner les archives et les archivistes africains, surtout pour que les précieuses archives des anciennes métropoles coloniales puissent être mises au service des politiques et des recherches « (…) en matière de filiations, de preuves, de migrations, de frontières, de gestion des ressources ou de données pour la recherche internationale »[42].
Enfin, nous tenons à souligner que la décennie 1970 a été significative en termes d’opérationnalisation des services d’archives de ces trois pays. Aussi, pour démontrer la corrélation entre les Archives nationales et la Bibliothèque nationale, nous avons conçu le schéma bibliologique ci-après en 2012.
Schéma de la Bibliologie institutionnelle de conservation et de communication[43]
6. Les perspectivespour les archives en Afrique
Après avoir dressé un diagnostic sur l’état des lieux des archives en Afrique, nous pensons que le devoir de dégager quelques pistes des solutions en termes de perspectives serait un atout pour la socialisation et la prise en charge réelle des archives par les politiques africains.
Cette démarche va s’appuyer entre autres sur la proposition de mise en place de nouvelles politiques nationales en la matière.
Elle aborderait les axes suivants : les archives et le pouvoir politique, l’actualisation de la législation archivistique, la réhabilitation du bâtiment d’archives, l’étude de la tutelle des Archives nationales, le service d’archives et les entités administratives décentralisées, la réhabilitation de l’administration publique, l’informatisation et la numérisation des archives, le contentieux archivistique, la création des ordres nationaux des archivistes, notamment.
En fait, « La mise en place des nouvelles politiques dans le domaine des archives va concerner aussi bien le pouvoir central que les entités décentralisées. Aussi va-t-elle consister en un ensemble d’actions de l'[Etat visant à revaloriser les archives. Celles-ci pourraient s’orienter notamment vers la socialisation des archives en prônant la bonne politique d’archives comme support de la bonne gouvernance (…)pour la traçabilité managériale et la conservation de la mémoire nationale pour la traçabilité historiographique »[44].
Concernant le lien entre les archives et le pouvoir politique, il est évident que les archives sont, par essence, l’expression des activités organisées par le pouvoir politique qui est aussi bien le géniteur des archives que son grand utilisateur.
Par conséquent, il est censé redéfinir sa vision sur les archives pour que le présent soit présent demain et que l’avenir ait un passé.
En Afrique, les archives semblent être l’enfant mal aimé du pouvoir politique parce qu’elles lui rappellent la mauvaise gouvernance et lui en donnent, par conséquent, une mauvaise conscience.
En outre,il a été démontré que presque tous les pays africains ont chacun une législation archivistique élaborée au cours de la décennie 1970. Plusieurs études réalisées sur la légistique archivistique ont mentionné la nécessité d’actualiser ces textes légaux sur les archives en y intégrant les nouvelles donnes de la gouvernance mondiale, comme la transparence, voire l’accès à l’information du citoyen, etc.
Quant à ce, nous tenons à fleurir le Sénégal[45] qui a réussi à actualiser sa loi sur les archives. En effet, la loi n° 81-02 du 2 février 1981 est modifiée et devenue la loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents administratifs.
A propos des bâtiments d’archives en Afrique, on constate qu’ils sont souvent vieux. En outre, il y a nécessité de penser à leur réhabilitation de façon à prendre en compte, surtout la conservation des nouveaux supports émanant de la révolution technétronique ou de la révolution numérique.
Certes, il faudra noter positivement les efforts de l’État djiboutien d’avoir construit un nouveau bâtiment jumelant les Archives nationales et la Bibliothèque nationale.
Concernant la tutelle des Archives nationales, plusieurs études scientifiques et académiques ont essayé d’apprécier l’autorité de tutelle du service d’Archives nationales.
Parmi les conclusions, on a mentionné que la tutelle des Archives nationales par le Ministère de la culture était de moins en moins appréciée ; car en Afrique, ce ministère est relégué au bas de l’échelle des moutures gouvernementales. Pendant ce temps, ce service de l’Etat qui devrait aussi contrôler les archives sensibles et hypersensibles de l’Etat, éprouverait d’énormes difficultés liées à sa tutelle.
Nombreux sont les pays africains qui misent sur la décentralisation. Nous pensons à ce sujet que l’intégration du volet mémoire institutionnelle avant l’installation des administrations décentralisées serait un atout de taille pour éviter l’erreur de créer des services d’archives au sein des administrations bien après leur établissement.
En outre, plusieurs projets financés par les bailleurs des fonds cherchent à réhabiliter l’administration publique africaine. Cependant, le volet gestion de la mémoire n’a souvent pas été exploité ; du coup, un déficit s’établit à cause de l’impossibilité de réhabiliter l’administration publique sans la maîtrise des effectifs, etc.
Les services d’archives des pays africains sont à peine informatisés. Cette situation ne favorise pas la gestion intégrée de l’information, ni la digitalisation des archives, surtout historiques, pour en faciliter une large diffusion à travers les instruments de recherche. Ce volet sur l’informatisation des archives devrait bénéficier notamment d’un apport important des bailleurs des fonds.
En somme, la gestion des archives consolide l’Etat de droit, par conséquent elle est l’axe central pour asseoir des institutions fortes en Afrique. Ce faisant, nous avons noté que « Lors de sa mémorable visite au Ghana, peu après son élection, le président américain Barack Obama avait fait connaître le fond de sa pensée sur la démocratie en Afrique en prônant des institutions fortes plutôt que des hommes forts »[46].
7. Le contentieux archivistique entre la Belgique et ses anciennes colonies
Le contentieux archivistique n’est pas une exclusivité de la Belgique et de ses anciennes colonies. De par le monde, on a enregistré plusieurs contentieux archivistiques, comme entre la France et ses anciennes colonies, entre la Belgique et le Pays-Bas, entre l’Algérie et la France, entre le Kenya et le Royaume-Uni, etc. Le contentieux archivistique reflète, toutes proportions gardées, les relations entre le colon et le colonisé.
Une étude de l’Unesco a révélé qu’« aucun accord sur des principes directeurs qui permettraient de régler les contentieux archivistiques et la question de la restitution des archives n’a encore été conclu, malgré toutes les résolutions et recommandations que I’ONU, l’UNESCO et l’ICA ont formulées en la matière. Ni la question de la restitution, ni celle de la succession d’Etats au regard des archives n’ont fait l’objet de règles de droit international (…). Les litiges devraient se régler exclusivement par accord bilatéral – ou multilatéral, dans certains cas. C’est là une attitude dont il faut tenir compte quand on traite des problèmes que pose la restitution d’archives et des documents »[47].
Ces réflexions devraient poser les jalons pour que la Belgique et ses ex-colonies puissent favoriser, dans le cadre de la coopération bilatérale, la levée des options fondamentales relatives à la gestion partagée ou à la restitution à travers la duplication des archives coloniales.
8. Les pistes pour l’archiviste africain
Les perspectives d’avenir pour l’archiviste africain peuvent être résumées par les points suivants : la nouvelle définition de l’archiviste africain, la gestion des services d’archives avec la traçabilité managériale et la traçabilité historiographique, la formation des archivistes et archivologues (stages internationaux, formations professionnelles, formation supérieure et universitaire), l’élaboration des projets bancables, la mise en valeur des corporations des archives (des associations aux ordres des archivistes), la création des réseaux sectoriels d’archivistes ainsi que la prestation du serment par les archivistes.
Ainsi, l’archiviste africain doit être formé sur base d’un programme au contenu à la fois professionnel et académique. C’est pourquoi l’identification et le renforcement des capacités des établissements de formation en Afrique seraient un tremplin pour le développement de la prise en charge de l’archivologue africain pour l’heuristique et la quête de l’épistémologie du savoir et de la connaissance scientifiques sur les archives africaines.
L’archiviste africain peut également s’inspirer de différentes politiques d’informations, notamment celles de la Banque mondiale en vigueur depuis juillet 2010, Information Act des USA, etc., de manière à mieux définir le droit à l’information et le droit de l’information.
Cette approche lui éviterait le risque de tomber dans le libertinage informationnel aux conséquences énormes, comme c’est le cas avec Wikileaks[48]et la gestion de mémoire stratégique américaine.
Par ailleurs, il serait opportun d’encourager un mouvement associatif en réseau des archivologues africains.
En même temps, l’organisation des forums sur les archives aussi bien dans le cadre de la coopération bilatérale entre les anciens pays colonisateurs et leurs anciennes colonies que dans le cadre d’autres coopérations multilatérales avec la Banque mondiale, le Pnud, l’Unesco, l’Union Européenne, le Conseil International des Archives, etc. pourrait être exploitée en vue de l’élaboration des pistes de solutions pour le développement durable de la fonction des archives dans les pays africains.
La prise en compte de la gouvernance en Afrique nécessite un soutien important de la communauté internationale pour obtenir des résultats durables (la prise en compte des archives comme support à la bonne gouvernance, la consolidation d’un Etat de droit, etc., au premier degré ; et la conservation de la mémoire historique au second degré) serait d’un apport important pour renforcer l’existence de ces pays dans la société de l’information.
Nous sommes convaincu que les résultats de ce colloque de Bruxelles serviront de cadre pour élaborer des plaidoyers auprès de pouvoirs politiques africains et de la communauté internationale afin qu’ils soutiennent la réhabilitation des archives.
Ce qui peut aussi être un vecteur pour la consolidation de la paix dans les pays des Grands Lacs Africains. Et, à ce stade, nous nous inspirons de cette sagesse chinoise qui dit : Hier : c’est l’histoire, demain : c’est un mystère et aujourd’hui : c’est un cadeau, c’est pourquoi ça s’appelle présent. Donc, les archives sont l’expression du temps et de l’espace.
Nos contemporains et notre postérité nous apprécieront de par notre engagement en faveur des perspectives nouvelles pour les archives et les archivistes africains. Les archives sont autant un outil au service de la consolidation de la démocratie, de la maîtrise des effectifs de la Fonction publique, de la réalisation des audits responsables et efficaces pour le contrôle institutionnel, de la gouvernance, du contrôle citoyen, de l’administration de la justice, du respect de l’intégrité territoriale et de la traçabilité généalogique.
Les archives constituent alors une rampe de propulsion susceptible de soutenir la restauration d’une paix durable dans les pays des Grands Lacs Africains après une longue période de méfiance et d’instabilité régionale.
9. La méconnaissance de la mémoire de recherche en Afrique subsaharienne
La recherche désigne l’effort intellectuel entrepris pour parvenir à une maîtrise intellectuelle de la science et de la technologie. La recherche scientifique, quant à elle, se caractérise par l’ensemble des actions entreprises en vue d’améliorer les connaissances scientifiques. La recherche académique désigne les activités de la recherche scientifique entreprise dans les universités, les organismes et instituts de recherche.
Le concept archives a plusieurs définitions parmi lesquelles, nous retenons celle qui soutient que c’est un ensemble des documents, peu importe, leur nature, leur support et leur date, produits et reçus par une personne morale et physique, un organisme public ou privé dans le cadre de ses activités. Les archives constituent ainsi l’expression des activités d’une personne.
Les archives de recherche sont les documents émanant des activités de la recherche ; ce qui justifie la présence des services d’archives au sein des universités et centres de recherche.
Mais, quel est l’état de gestion des unités de conservation et de communication des archives en Afrique Subsaharienne ?
L’Afrique en général éprouve de difficultés pour la gestion de sa mémoire universitaire. Ces archives sont délaissées et ne les sont que du point de vue de la forme qu’un impératif de gestion de la recherche académique.
Ces réflexions doivent s’intéresser notamment au contexte des archives de recherche, aux paradigmes taxonomique des archives universitaires, aux archives comme support de l’épistémologie, aux problèmes et enjeux des archives de la connaissance et du savoir scientifiques, aux conséquences de la méconnaissance de la mémoire de recherche en Afrique et à la protection des archives médicales africaines.
10. La médiatisation des archives[49]
La médiatisation consiste à utiliser les Technologies de l’information et de la Communication, entre autres les différents médias, afin de véhiculer les informations. Elle est aussi un outil de la socialisation des archives. C’est ici l’occasion de louer les efforts de l’Unesco qui a créé le Conseil International des Archives pour la mondialisation des archives à travers le réseau planétaire des archivistes et archivologues au service de la promotion des archives.
Dans les domaines des archives, la communication se définit autour des trois axes : l’élaboration des instruments de recherche, l’organisation des activités culturelles et la présentation des statistiques relatives aux archives. Aussi faudra-t-il mentionner que la communication des archives est différente de la diffusion des archives.
L’élaboration des instruments de recherche est une démarche endogène et une technique dans les domaines des archives. Celle–ci consiste en une exploitation du principe d’universalité (avec l’approche méthodologique déductive) permettant à l’archiviste de rédiger ces outils de médiation entre le fonds d’archives et l’utilisateur. L’organisation des activités culturelles s’intéresse à l’animation ou au marketing du service d’archives avec les journées portes ouvertes, la formation sur le tas, etc.
La présentation des statistiques sur les archives est un outil important pour la communication du management et de la recherche.
Pour les organes de presse qui participent à la médiatisation des archives, nous avons retenu la Radio Okapi des Nations-Unies, le Journal Le Potentiel de Kinshasa et la Radio France Internationale comme instruments par excellence de l’africanisation médiatique des archives.
Le rôle des médias est essentiel. Ceux-ci assurent, notamment aux citoyens, le réductionnisme planétaire en disséminant les informations sur une vision globale du monde qui nous entoure. Les médias jouent aussi le rôle d’éducateur.
Au pays de Lumumba, les archives sont encore un phénomène peu socialisé ; et pour pallier cette insuffisance, il existe des médias qui se sont spécialisés dans l’exploitation des archives comme message.
En République démocratique du Congo, dans la panoplie de médias, nous avons retenu la Radio Okapi et le journal Le Potentiel paraissant à Kinshasa qui sont reconnus comme les rares médias congolais qui font une diffusion des informations sur les archives. Certes, on pouvait allonger la liste avec les journaux le Phare et Les Dépêches de Brazzaville ainsi que le média en ligne Congo profond, notamment.
Cette reconnaissance est importante dans la mesure où pour la Radio Okapi, elle est considérée par les professionnels et les scientifiques des archives comme la spécialiste de la célébration de la Journée internationale des archives proclamée par le Conseil International des Archives (organe de régulation, d’orientation de la politique archivistique internationale).
En effet, depuis 2008, le monde commémore la journée du 9 juin, date de la création, par l’Unesco, du Conseil international des archives en 1948. En 2010, cette journée a été célébrée pour la troisième fois sur le plan international. Cette commémoration peut être un élément de persuasion pour les décideurs pour prendre à cœur l’importance de la gestion des documents et en faire une condition essentielle de la bonne gouvernance.
En outre, en considérant les archives comme un gage de la démocratie, elles doivent permettre la transparence et encourager le contrôle citoyen. Les décideurs doivent également mettre l’accent sur la conservation des archives : mémoire collective des nations et des sociétés.
10.1. La Radio Okapi
La Radio Okapi[50] a été fondée en février 2002 à l’initiative et avec le soutien des Nations-Unies au travers de la « Mission de la paix de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo »[51] et de la Fondation Hirondelle, Organisation non Gouvernement suisse active dans le soutien aux médias dans des contextes de crise.
Nous avons participé à sa création. En effet, lorsque nous étions Expert-Documentaliste et chargé de communication du bureau du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme à Kinshasa, il avait plu aux autorités du système de l’ONU de solliciter notre expertise en la matière, en participant dans plusieurs réunions au siège de la mission de paix des Nations-Unies en RD Congo, pour ainsi soutenir les efforts de la communauté internationale dans la mise en œuvre de ce média alternatif en République Démocratique du Congo.
Pour des raisons scientifiques, nous avons eu à construire un schème sur ce média onusien intitulé : « Radio Okapi de la Mission d’Observation des Nations-Unies en République Démocratique du Congo comme Média alternatif »[52].
La Radio Okapi qui se définit comme la fréquence de la paix s’est imposée au premier plan des organes d’information en RDC. Les émissions sont diffusées dans les principales langues du Congo (Lingala, Swahili, Ciluba et Kikongo). La diffusion des programmes sur Internet et satellite lui permet de toucher également les communautés congolaises de l’étranger. Cet organe entre en ligne de compte de nos investigations médiologiques et médialogiques, c’est pour autant, nous l’avons défini comme média alternatif.
Sur ce, il sied de noter que « Cette radio qui est au service de la pacification de la République Démocratique du Congo est dans une certaine mesure un média alternatif concurrentiel dans la mesure où de par sa couverture médiatique, elle est en rivalité avec la Radio-Télévision Nationale Congolaise. En outre, elle sert de support à la socialisation non seulement à cause du profil des producteurs de l’information qui est quasi entièrement congolais, mais elle desservit essentiellement la population congolaise »[53].
La Radio Okapi est un outil d’information important pour les Congolais, d’autant plus que pendant les élections de 2011, elle a couvert cet événement presqu’en temps réel pour l’ensemble de la République Démocratique du Congo.
10.2. Le quotidien « Le Potentiel »
A propos de ce média congolais, nous avons noté que le « 3 octobre 2011, c’est la date anniversaire du journal Le Potentiel qui totalise ses 30 ans d’existence, 30 ans de dur labeur. Il s’agit en réalité d’un parcours de combattant qui a permis à ce quotidien de se tailler une place de choix parmi les journaux paraissant en RDC. Depuis son lancement jusqu’à ce jour, le journal Le Potentiel est animé d’un souci : celui d’informer correctement et objectivement ses lecteurs. Un travail difficile. Surtout, au regard du contexte dans lequel ce quotidien évolue. Un contexte politique et économique difficile »[54].
Le journal Le Potentiel a son siège établi à Kinshasa au n° 873 de l’avenue Bas-Congo dans la Commune de la Gombe, dernière la Banque Commerciale du Congo (BCDC); à sa création, le journal s’appelait Safari aux pays des Grands Lacs et paraissait sous forme de magazine d’informations touristiques et sociales. En octobre 1985, après une interruption de plus d’une année, le journal renaît sous une nouvelle dénomination. Il s’appelle désormais Le Potentiel.
Ce changement est inspiré par les potentialités du sol et du sous-sol dont regorge la République Démocratique du Congo. Il a commencé d’abord comme un mensuel au contenu essentiellement économique. Il importe de souligner que ce quotidien n’est pas un tabloïd[55]. Il ne s’empêche pas de publier quelques informations à caractère social et culturel. Une autre localisation de ce média est alors située au n°20 de l’avenue Kianza dans la commune de Makala, toujours à Kinshasa ; devenu plus tard le siège d’exploitation de l’imprimerie recto-verso, propriété du journal.
Avec l’avènement de la démocratisation de l’ancienne République du Zaïre, le 24 Avril 1990, accompagné de la libéralisation de l’espace médiatique, Le Potentiel change de périodicité. Il devient ainsi hebdomadaire et élargit en même temps ses rubriques ; ce qui le conduit à changer aussi sa ligne éditoriale. Très vite, le tabloïd gagne en notoriété et devient un trihebdomadaire d’informations générales, avec un plus gros tirage de plus de 15.000 exemplaires.
Dans l’agitation des années 1990-1993 consécutive au conflit au sommet de l’Etat entre le Président Mobutu et le Premier Ministre Tshisekedi, son imprimerie Recto-Verso est plastiquée. Le 17 septembre 1996, Le Potentiel change encore de périodicité. Cette fois-ci, il devient un quotidien d’informations générales. Son 823ème numéro est la première édition de la mutation.
Aujourd’hui, après 40 ans de parution, Le Potentiel est devenu un Groupe de presse produisant les journaux ci-après : le Compatriote sportif, l’Intrus, l’Apostrophe, Economica qui sera remplacé par le journal VSM (Vedette du Sport et de la Musique). Le supplément sera remplacé par le Compatriote du Kasaï vendu exclusivement dans les deux Kasaï.
Du point de vue de la gestion des ressources humaines, il sied de mentionner que Le Potentiel emploie une trentaine de journalistes, composée en la majeure partie de vieux journalistes (Elima et Salongo) ainsi que des jeunes venus de l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (IFASIC), de l’Université Catholique du Congo (UCC) et de l’Université de Kinshasa (UNIKIN). Il a recruté deux documentalistes : Ntangu Lihau et Delphin Bateko : les produits de l’Institut Supérieur de Statistique de Kinshasa (ISS/ Kin).
Quotidien d’informations générales, sa ligne éditoriale se veut indépendante et privée, n’appartenant ni à un groupe de pression, moins encore à une obédience politique. Il n’est pas subventionné par l’Etat, mais privilégie dans toute son indépendance du droit à l’information dans le strict respect de l’éthique et de la déontologie professionnelle.
Par ailleurs, il se bat, dans la conjoncture politico-économique actuelle, pour la défense des valeurs républicaines par l’information vraie et objective.
Le Potentiel, quotidien kinois, est un canal d’informations sur les archives. A cet égard, ce périodique quotidien de Kinshasa s’est distingué par le fait qu’il joue le rôle d’éducation, de sensibilisation, d’alerte des archives pour inciter leur prise en compte dans la gestion managériale et historiographique en RD Congo.
D’après certaines études menées sur la médiatisation des archives et la documentation dans son ensemble, ce quotidien de Kinshasa, créé par le Ministre Modeste Mutinga, avec plus de trente articles publiés depuis 2006, se place au top des médias congolais.
Ce mérite est aussi la conséquence du professionnalisme de son documentaliste-archiviste, Delphin Bateko Moyikoli qui a un pré-acquis universitaire éprouvé en Sciences de l’Information et de la Communication, précisément en Sciences et Techniques Documentaires de l’Institut Supérieur de Statistique de Kinshasa.
De l’analyse thématique de ce média, il s’avère que parmi les thèmes exploités pour la socialisation des archives, on peut citer les archives et le cinquantenaire de la République Démocratique du Congo, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et Universitaire et la prise en charge des archives, les archives bancaires, les archives à l’époque coloniale, les établissements d’enseignement des archives en RDC, les séminaires sur les archives, la Belgique et les archives de la RDC, le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) et l’organisation des archives de la Primature de la RDC, les Archives nationales du Congo, les archives judicaires, le plaidoyer pour le financement de la réhabilitation des archives au Congo-Kinshasa, la section des Sciences et Techniques Documentaires de l’Institut supérieur de statistique de Kinshasa : pionnier dans la formation académique des archivistes en Afrique centrale depuis 1977, etc.
Les scientifiques des médias (médialogues ou médiologues) sont d’avis que le journal Le Potentiel, de par ses analyses telles que publiées et ses recherches de l’information, permet à la République Démocratique du Congo de disposer de bons éléments pour une presse congolaise tant d’investigation qu’événementielle.
Nous sommes d’avis que les actions relatives à la socialisation des archives au Congo-Kinshasa, par ces deux médias, portent déjà des fruits ; le citoyen congolais s’approprie, au fur et à mesure, les archives comme support de la bonne gouvernance, au premier degré et de la mémoire collective d’une nation, au second niveau.
A la lumière de tout ce qui précède, la Radio Okapi et le quotidien Le Potentiel font exception en organisant également les services d’archives. Certes, on peut allonger la liste avec la Radio 7, le quotidien le Phare, etc.
Nous encourageons ces médias pour la socialisation des archives et dans leur optique managériale de conserver les produits d’archives au travers de la virtualité et en support audiovisuel, multimédia et papier.
Pour les théoriciens des archives, l’on serait tenté de créer un nouveau métier d’archiviste, celui du journalisme des archives ? Pour ce métier, le journaliste aura comme termes de référence, l’investigation, la promotion et la socialisation des archives au moyen des mass-médias ou des réseaux sociaux.
10.3. La Radio France Internationale
La Radio France internationale est une radio publique francaise qui diffuse à Paris et partout dans le monde. C’est l’une des stations de radio internationales les plus écoutées au monde, avec BBC World Service, Voice of America, Deutsche Welle, etc.
Elle a été créée le 6 janvier 1975. Cette radio est financée par la redevance, et elle appartient au groupe Radio France depuis la loi d’août 1974. L’orientation de la station change : au lieu d’émettre sur la planète entière, elle doit désormais se concentrer sur l’Afrique ; ce qui lui permet de faire des économies. En effet, RFI dispose de 20 émetteurs sans aucun relais ; ce qui rend sa réception facile.
S’agissant de la relation entre la Radio France Internationale et l’Afrique, pour beaucoup de communicologues africains, la RFI est un média africain par excellence ; d’autant plus qu’elle se montre capable d’informer les Africains de divers pays de l’actualité de leur continent.
En outre, elle leur permet de savoir ce qui se passe à travers le monde. Dans ses émissions, l’Afrique occupe une place de choix ; et concernant les archives, il y a des tranches qui exploitent la mémoire du continent africain, en l’occurrence : Mémoire d’un continent par Elikia M’bokolo, Archives d’Afrique avec Alain Foka, les pitreries de Mamane, etc. Ces émissions constituent l’une des plateformes de la mémoire des Africains.
Pour la première émission, chaque semaine, Elikia M’Bokolo proposait la Mémoire d’un Continent, une tranche qui était dédiée à l’histoire de l’Afrique. « Plusieurs siècles d’histoire, depuis les temps héroïques des Lucy et des Toumai jusqu’aux péripéties actuelles d’un continent confronté aux défis de la mondialisation. L’Afrique sur ses terres et l’Afrique des diasporas : diasporas nées des contraintes d’hier ou des émigrations volontaires d’aujourd’hui. Des archives sonores signées Radio France Internationale ou l’INA, des archives inédites que nous cherchons sur les cinq continents. Des témoignages et débats sur un continent qui veut rester debout ! » [56].
La deuxième émission a comme crédo : L’histoire contemporaine de l’Afrique à travers ses grands hommes, illustrée par les archives sonores et les témoignages des acteurs encore vivants. Nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple; car un peuple sans histoire est un monde sans âme »[57].
Alain Foka[58] offre le coffret contenant une collection de 17 Cédéroms intitulé : Archives d’Afrique-les pères fondateurs, qui présente des facettes méconnues des premiers dirigeants du continent noir, est annoncé comme le premier d’une longue série visant à vulgariser l’histoire du continent des Noirs.
Si Elikia M’bokolo[59] et Alain Foka exploitent les considérations historiques, il importe de souligner que le premier est dans l’approche anthropo-historique tandis que le second mise sur une stratégie socio-historique.
Pour la troisième émission intitulée : Le coq chante, la quintessence se résume en ces termes : « En Afrique, ils sont trop occupés à travailler aux champs, à faire des kilomètres pour rejoindre la case de santé, à courir les marchés, à lutter contre le désert qui avance. Les villageois et les villageoises ont bien des choses à raconter, loin du tumulte des villes, au cœur de la forêt dense, sous le soleil ardent du Sahel (…). Donner la parole à ceux que l’on n’écoute jamais, prendre le temps de s’asseoir dans la fraîcheur d’un arbre et délier les langues avec humour et respect, c’est le pari que seul un enfant de la savane pouvait réussir. Avec Sayouba Traoré[60], dès que le jour paraît, le coq chante et tout le monde s’active au village »[61].
S’agissant de la quatrième émission retenue, c’est une chronique : « il regarde l’actualité de biais, d’en haut, d’en bas, de côté ; il la retourne dans tous les sens, la soupèse et nous la rend complètement décalée, tordue et tellement tordante. Mamane[62] vous présente une actualité (…) différente »[63] avec sa République très très Démocratique du Gondwana.
Du point de vue de l’explication archivologique, les quatre éléments radiophoniques sont l’expression de l’anthropo-sociologie culturelle africaniste. Les deux premières émissions reflètent la dimension des archives dont la première mise sur les archives historiques lointaines et le second exploite les archives historiques contemporaines pour ne pas dire immédiates. L’approche utilisée est griotique. Les deux dernières sont des éléments radiophoniques ayant un soubassement de laboratoire de l’oralité.
En effet, le premier est l’expression des échanges des Africains en milieu traditionnel mettant en exergue leur vie au quotidien. Et le dernier est l’expression de la sagesse africaine qui relate des situations événementielles avec une approche proverbiale et énigmatique d’autant plus qu’il s’agit du roi ou de l’empereur, illustré par le président fondateur qui caractérise certains présidents africains.
Au-delà de la distribution des boîtes d’archives par Alain Foka, la Radio France Internationale est riche en tradition africaine pour promouvoir les archives. Ces émissions à caractère archivistique avec une sémantique journalistique méritent des études approfondies au sein des structures de recherche sur la mémoire africaine pour la théorisation de nouvelles thématiques dans le domaine des archives, à savoir : le journalisme archivistique et l’archivistique journalistique.
Par ailleurs, un autre élément de la mémoire de l’Afrique est animé par Claudy Siar[64] avec son émission, Couleurs tropicales, qui est diffusée depuis 1995 en donnant le pouvoir aux musiques afro. Il exploite aussi la mémoire avec l’Archive du jour. Cette appellation du concept archive au singulier est dans la logique des philosophes et des anthropologues ; c’est pour souligner que l’écriture archivologique de ce concept est Archives.
En définitive, la RFI contribuerait à la revalorisation des archives africaines en mettant à la disposition des Archives nationales des pays africains, surtout francophones, les boîtes d’archives d’Alain Foka pour accroître leurs fonds d’archives audiovisuelles.
11. Les Archives et les médias de la RD Congo[65]
Delphin Bateko Moyikoli, Archiviste de formation, chercheur et animateur à la « Radio 7 » émettant à Kinshasa affirme que les organes de presse meurent en silence dans le pays, faute d’organisation. Aussi met-il en exergue les quatre piliers de leur fonctionnement, notamment Informer, Promouvoir, Administrer et Conserver.
Les médias se meurent en silence en République démocratique du Congo (RDC), relève Delphin Bateko, dans une étude publiée dans son blog personnel. Dans son rapport de la première journée de la rencontre de Bondeko à Kinshasa, en septembre 2003, l’Union nationale de la presse au Congo a fait remarquer que la génération actuelle des journalistes évolue en amateur en quête du sensationnel et s’illustre dans la mauvaise gestion des organes de presse, souligne d’emblée le chercheur.
Cette situation est toujours d’actualité, car, dit-il, les médias congolais n’ont pas d’avenir, faute d’organisation. Et leur chiffre d’affaires est en baisse, selon un constat fait sur le terrain. Ils sont devenus des médias d’annonces ou de faits et non des médias qui veillent sur les événements.
Pour sortir de cette situation, les médias sont obligés de faire l’auto-évaluation de leur organisation, en se fondant sur quatre verbes, piliers de leur fonctionnement, à savoir : informer, promouvoir, administrer et conserver.
Ces quatre verbes-clés déterminent la gouvernance, l’efficacité des médias et, surtout, l’augmentation de leur chiffre d’affaires. Un média ne peut fonctionner sans informer, sans promouvoir ses annonceurs, sans administrer son personnel et sans conserver sa documentation et ses archives, soutient Delphin Bateko, convaincu qu’en RDC, les médias ne font qu’informer et promouvoir.
11.1. Informer
Historiquement, rappelle-t-il, les médias au Congo existent depuis l’époque coloniale: la presse écrite en 1891, la radio vers 1940 et la télévision (sa nationalisation) à partir de 1966. Les médias en ligne, eux, sont apparus dans le pays vers la fin des années 1990 et depuis 2020, la télévision numérique terrestre est opérationnelle.
Les nouveaux médias, note Delphin Bateko, exigent plus d’émulation et de rapidité que le journalisme classique. Mais jusque-là, aucune institution universitaire en RDC n’a encore pris en compte sérieusement les médias sur la base des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la formation des étudiants, stigmatise le chercheur.
Au cours d’une conférence au Centre culturel américain, les participants voulaient savoir ce que gagnent les éditeurs des journaux en Afrique lorsque le site web américain www.allafrique.com utilise leurs informations. William Strassberger, du bureau Afrique du Département d’Etat américain, déclarait le 6 mai 2009 : Ce site web avait pris des engagements avec certains éditeurs africains afin que leurs informations y soient placés, mais payant.
Delphin Bateko a également parlé de la mutation du journalisme classique vers le journalisme scientifique, alors que la formation journalistique s’oriente beaucoup plus vers la presse audiovisuelle qu’écrite.
C’est pour cette raison que la presse écrite est en train de disparaître, faute de journalistes qui maîtrisent l’écriture journalistique, constate-t-il. Et, de faire savoir que certains observateurs pensent que la formation actuelle est plus du domaine de la médiologie (science qui étudie les médiations, voire les médias) que dans l’écriture journalistique.
Pourtant, l’écriture est la racine pivotante des Sciences de l’Information et de la Communication.
11.2. Promouvoir, Administrer et Conserver
S’agissant de la promotion, souligne Delphin Bateko, les médias n’ont que des services de publicité et non de marketing. Ce service de marketing est parfois incapable de faire la chasse aux publicités.
Pour ce faire, il mentionne le mémoire de licence (Bac+5) de Galvanie Pinzi, à l’Université catholique du Congo. Celle-ci constate que la majorité de publicités diffusées dans les médias de Kinshasa n’est pas l’effort des agents de marketing, mais plutôt des annonceurs eux-mêmes et parfois des journalistes.
Pour ce qui est de la recherche de la publicité, les agents de ce service sont sédentaires, attendant la publicité au bureau. C’est la notoriété de ces médias qui fait que les annonceurs viennent jusqu’à leurs bureaux avec leurs annonces, fait-elle savoir.
Et, Bateko d’attester : Scientifiquement parlant, l’immobilisme du service de marketing dans la presse serait dû au manque de méthodes et techniques de marketing appropriées, comme l’analyse Swot qui consiste à étudier les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces dans l’organisation.
Il revient aux patrons des médias de réorganiser le service de marketing afin d’augmenter le chiffre d’affaires de leurs entreprises, conseille-t-il. En outre, poursuit-il, parmi les sources financières d’une entreprise de presse, il y a aussi la vente de journaux. Actuellement à Kinshasa, les journaux ne se vendent plus, faute d’acheteurs. Même les institutions officielles ne sont plus abonnées, à cela s’ajoute, selon lui, l’inexistence de la culture de la lecture libre et responsable dans le pays.
L’administration est un cas très négligé dans la majorité de médias de Kinshasa, indique-t-il, précisant qu’elle est le cerveau moteur d’un système, mais il est parfois difficile à ces médias de trouver des dossiers sur les identités de leur propre personnel.
Selon le rapport d’activités de l’ONG African media institute 2004, le service du personnel est quasiment inexistant dans les médias congolais. Très souvent, le directeur de publication fait office de chef du personnel. À ce titre, il doit remplir les formalités de déclaration aux impôts et à la sécurité sociale, mais comme les organes de presse privés en RDC fonctionnent sans convention collective, cette fonction est sans importance, stigmatise le chercheur.
Quant à la conservation, Delphin Bateko indique que les médias congolais ont le devoir de tenir leurs archives, prévenant qu’un média sans ses archives est dépourvu de background comme l’indique le blog spécialisé en documentation (archives, bibliothèque, documentation et bibliologie) www. http://archivistebateko.canalblog.com.
À Kinshasa comme dans l’ensemble du pays, la plupart des médias ne parviennent pas à bien gérer et conserver leurs archives, les Congolais en général n’ayant pas cette culture, dit-il. Au moment où les médias à travers le monde luttent pour conserver leur quatrième pouvoir en informant, analysant, rappelant et veillant sur les événements, en RDC, les médias ne font qu’annoncer des informations, laisse-t-il entendre.
Les archives et la documentation dans les médias jouent un rôle de sentinelle et de veille. Elles sont le métaschème de la rédaction. Leur mission est de définir la politique de conservation et de gestion des documents. Dans cette approche, il faut conserver tous les documents utilisés par la rédaction (les conducteurs, les discours, les rapports, les anciennes productions, photo…).
Dans le service de marketing et commercial, il est recommandé de classer les factures avec les pages de photocopie des journaux ou les documents du texte de l’annonceur) et, dans le service d’administration, d’analyser bibliologiquement le dossier du personnel en le classant par rapport aux indices préétablis. Sans oublier la conservation des documents essentiels de l’entreprise, insiste Delphin Bateko.
La vie des médias en RDC évolue dans une période vraisemblablement trouble parce que ceux qui sont censés informer et former le public ne sont pas généralement chevillés sur la rigueur, la compétence et le savoir. Les organisations qui soutiennent des médias congolais s’impliquent dans la sauvegarde et, surtout, la création de la culture de conservation des archives de médias, conclut-il.
Enfin, pour démontrer que cette réflexion du Journaliste–archiviste de la République Démocratique du Congo trouve aussi ses assises en Afrique, en guise d’illustration, « L’Afrique de l’Ouest a connu une évolution audiovisuelle marquée par la démonopolisation de l’espace médiatique avec la création de nouvelles stations de radio et chaînes de télévision. Il ressort de cette croissance une masse incontrôlée et difficilement maîtrisable de documents audiovisuels composés d’images et de sons. La sauvegarde de ce patrimoine est depuis des décennies une préoccupation majeure de ses archivistes »[66].
Le Sénégalais Babacar Ndiaye enrichit son idée en ces termes : « Au regard des difficultés notées dans la prise en charge des archives audiovisuelles dans nos radios et télévisions nationales qui en demeurent les principaux producteurs, mais également au niveau des autres institutions détentrices de ces archives. Ces difficultés ont pour nom : dégradation des supports de conservation, exiguïté et non-conformité des locaux de conservation, formation non adaptée du personnel, négligence des pouvoirs publics (…). Il devient urgent et nécessaire de poser la problématique de cette catégorie d’archives »[67].
En outre, on retient de cet archiviste sénégalais que « Cela certes, ne suffit pas ; car la gestion des archives audiovisuelles du fait de leur spécificité appelle de gros moyens dont les pays de l’Afrique de l’Ouest ne disposent pas encore. Ce numéro du journal de la Warbica consacré aux archives audiovisuelles se veut une contribution dans la conscientisation de nos pouvoirs publics pour corriger l’état alarmant constaté dans la gestion de notre patrimoine audiovisuel. Il constitue également une invitation faite aux gestionnaires des archives audiovisuelles pour tenter de s’approprier les techniques adaptées qui rendraient plus aisée la pratique de leur métier »[68].
Pour la République Démocratique du Congo, le Ministre de la Communication et Média, Patrick Muyaya Katembwe a organisé les états généraux de son secteur. Ces assises se sont tenues du 25 au 28 janvier 2022 à Kinshasa avec 150 participants et ont eu pour thème Médias congolais : quelles perspectives à l’ère du numérique face au développement durable? Notre participation a permis notamment la prise en compte de volet de la gestion des archives audiovisuelles. Il faudra noter que le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a assisté à l’ouverture et à la clôture de cette cérémonie visant la mise en place de la nouvelle politique fondée sur la visibilité positive de l’image de la RDC.
12. La corrélation entre les archives et la culture
Parmi des nombreuses explications du concept Culture, nous avons retenu celle qui soutient que la culture est tout ce qu’on a mémorisé après avoir perdu, donc ce que le cerveau a pu amasser. Et pour les archives, elles sont considérées comme la sève essentielle de la production documentée des activités d’une personne morale ou physique et de tout organisme public ou privé.
De ces deux explications, on peut facilement appréhender la corrélation entre ces deux termes. Pour ce faire, nous retenons qu’il s’agisse de la culture ou des archives, le fondamental est la capacité de rétention des éléments mémoriels ayant une forte expression significative des activités réalisées par une personne.
C’est ainsi que les archives sont souvent liées à la culture. Certes, il faudra noter ici que les archives sont les éléments de la mémoire historique sauvegardés pour la recherche de la collectivité. Point n’est besoin de signifier que la sémantique des archives de la traçabilité historiographique est réduite aux documents essentiels définissant une personne et conservés pour les besoins utilitaires d’information de la communauté.
13. L’historien, l’archiviste et l’archivologue[69]
Un historien est une personne qui étudie ou communique sur l’histoire. L’histoire constitue pour l’historien son objet épistémologique. Il a pour tâche de rapporter les faits passés, de les catégoriser, puis d’en proposer une interprétation équilibrée et justifiée par des sources, sous le contrôle du public informé. Le titre d’historien n’est pas reconnu professionnellement et repose plutôt sur la reconnaissance par ses pairs.
L’historien est souvent comparé au journaliste d’investigation, au détective ou au juge d’instruction, et il a tout intérêt à se conformer à une méthode reconnue. Il en va de la crédibilité de sa contribution et de ses conclusions.
De plus, la société demande aux historiens d’expliquer le présent à la lumière du passé. Face à l’actualité brûlante, elle attend d’eux une analyse qui permet de contextualiser l’événement, de le replacer dans une évolution temporelle et de comprendre les enjeux plus globaux. Bref, le savoir de l’historien est convoqué pour apporter du recul.
Robert Ambelain, dans sa publication sur Les lourds secrets du Golgotha publié en 1974, a explicité la pensée et la praxis méthodologiques de l’historien en ces termes : Mais la méthode historique doit être implacable, car elle ne saurait être arrêtée ou limitée par aucun tabou. De plus, le véritable historien est curieux par nature ; il y a en lui un peu du juge d’instruction. Et, déformation professionnelle, tout silence lui est suspect, car c’est là un refus de répondre. Dès lors ce refus dissimule quelque chose de très important ; c’est donc là qu’il faut creuser. Au contraire, l’historien conformiste n’est alors qu’un banal historiographe, un compilateur docile, et son rôle est très différent.
De par le monde, il existe des Associations des Historiens qui prônent que l’histoire est un outil nécessaire à la compréhension du présent. Elles diffusent les travaux de recherche aussi vers un public non scientifique et offre une approche globale de l’histoire par le biais de grandes synthèses.
Ceci étant, « Ces synthèses donnent des clefs d’analyse pour comprendre le présent. Elles permettent de voir comment un problème contemporain a pu se poser à des époques antérieures et quelles furent les réponses qui lui ont été apportées à travers le temps »[70].
Pour mieux mener ses investigations ou expliquer le présent à la lumière du passé, l’histoire utilise plusieurs supports tels que les fouilles archéologiques, les objets du musée, la tradition orale, les archives, etc.
S’agissant des archives, les historiens reconnaissent que l’histoire est la fille des archives. Donc, ce sont les archives qui ont donné naissance à l’histoire. Mais, il faudra aussi reconnaître que ce sont les historiens qui ont valorisé les archives comme matériaux culturels et patrimoines de l’humanité.
Vincent Duclert explicite les archives comme un matériau commun entre l’historien et l’archiviste en ces mots : « L’objet archives peut susciter une communauté de recherche entre historiens et archivistes et amener des avancées heuristiques substantielles comme en témoignent les exemples des archives judiciaires, des archives scientifiques, des archives dites orales, ou des archives administratives »[71].
Si les archives existent depuis l’homme sapiens sapiens, l’historien en les revalorisant a assujetti l’homme des archives en un sacré et indispensable serviteur au service de l’historien. C’est ainsi que l’archiviste, jusqu’à ce jour, est tenu comme le gardien de la mémoire, sinon de l’histoire.
Il est vrai que l’historien a longtemps joué le premier rôle pour expliquer la lumière de demain, et l’archiviste était relégué à la seconde zone comme son auxiliaire. Ce qui justifie notamment le credo qui lui a été attribué par l’historien : l’Archiviste voit, lit, entend mais ne parle pas ; c’est l’historien qui doit parler ou expliquer.
Cette dialectique du rôle de l’archiviste à côté de l’historien a fait que dans l’évolution même de la formation des archivistes, il y a la première approche qui est celle de l’archiviste –historien. Celui-ci est censé non pas seulement assumer le rôle de gestionnaire de la mémoire collective, mais il est aussi doté de quelques attributs de l’historien pour mieux faciliter la tâche à son mentor.
Il faudra aussi noter que l’historien a tellement influencé les débuts et le développement des Sciences et Techniques Documentaires à telle enseigne que même les bibliothèques étaient l’affaire des historiens. Pour mieux dire, les archives, la bibliothèque et le musée étaient considérés uniquement comme les institutions de la mémoire au service principalement de l’histoire et de l’historien.
L’historien Robert Estivals a compris que ses recherches en Bibliologie devraient avoir une autre dimension, si et seulement si, la méthodologie de la chaîne, que le cheminement documentaire utilisait et utilise encore dans l’orientation de conservatisme historique, était enrichie, sinon complétée par la méthodologie systémique répondant à l’approche des Sciences de l’Information et de la Communication.
De par l’analyse des opérations documentaires selon une approche successive, elle a été consolidée par l’approche fonctionnelle dans laquelle ces opérations sont regroupées en fonctions utilitaires et essentielles pour la gestion des unités d’information et de communication documentaires.
N’étant pas le vrai gardien des archives, l’historien s’est doté de la méthodologie de la critique historique pour s’assurer que les documents sont authentiques et originaux. En façonnant même l’archivistique, l’historien l’a aussi enrichie avec la législation archivistique et le profil d’homme à gérer les services d’archives avec l’orientation historique.
Les lois sur les archives sont des inspirations positives des historiens. Cependant, il y a quelques incohérences qu’on observe. En effet, dans la législation congolaise, on lit notamment que tous les documents datant de plus de 30 ans doivent être versés aux Archives nationales. Cette disposition de la légistique démontre que pour l’historien, tout doit être conservé pour les recherches historiques ; cet état des choses n’est pas à déconsidérer.
Toutefois, on devrait aussi tenir compte du système de gestion au sein de l’organisation qui est le géniteur et le premier responsable des documents produits ou reçus dans le cadre de leur gestion au quotidien.
Dans cette rationalité, il existe des archives des opérations ou les archives d’organisation et les archives de gestion. Les archives d’organisation sont produites d’une manière récurrente chaque année et justifient ainsi le fonctionnement de l’organisation ou de l’entreprise. Les archives de gestion sont liées à l’existence même de l’entreprise ou de la structure de gestion.
Dans ce lot des documents, il existe aussi les archives à connotation nationale appelées aussi les « archives nationales »[72] : documents de la présidence, de la sécurité d’Etat, les archives des institutions politiques, etc.
Dans la liste de documents susmentionnés, seuls les documents d’archives d’opération doivent être versés après 30 ans ; pour les autres catégories, ces documents doivent, sinon peuvent être gérés par leurs entités de gestion respectives.
L’historien a tellement influencé l’archiviste que même le raisonnement archivistique est resté en grande partie lié à l’histoire, surtout quand on gère la traçabilité historiographique au service d’Archives nationales. Mais souvent, on observe le conflit entre les deux professions : si pour l’historien tout document doit être conservé car susceptible d’éclairer une situation dans le futur, l’archiviste, quant à lui, prône que c’est le tri des documents responsable qui détermine et facilite les recherches ultérieures avec efficacité et efficience.
Si L’Archiviste voit, lit, et entend mais ne parle pas, mais l’archivologue voit, lit, entend et parle ; car il doit rendre compte de ses recherches. Tel est le credo différentiel entre l’archiviste et l’archivologue.
Un archiviste est une personne chargée d’organiser et de conserver les archives. Il est aussi le gestionnaire d’un service de traçabilité aussi bien managériale qu’historiographique.
Un archivologue, quant à lui, c’est un penseur dans le domaine des archives. Le domaine de l’archiviste est l’archivistique alors que le champ de l’archivologue est l’archivologie.
Leurs profils peuvent avoir le même soubassement pédagogique, à la seule différence que l’archiviste est dans la profession et que l’archivologue évolue comme scientifique et chercheur en épistémologie des disciplines des archives.
Avec l’évolution des métiers et la connaissance professionnelle des autres professions telles que celles des avocats, des médecins, etc., nous nous posons la question de connaître l’utilité d’une association des archivistes dans un environnement où les Ordres professionnels ont beaucoup plus de considérations surtout légales vis-à-vis du gouvernement ou du législateur.
En RD Congo, il y a la dynamique associative, notamment dans le champ professionnel des archives, mais qui reste encore sans impact réel face au pouvoir public dans l’utilisation des diplômés universitaires dans le domaine des archives. Ainsi, nous recommandons la création d’un Ordre national des archivistes.
Celui-ci ne doit être constitué que des membres qui sont détenteurs des diplômes universitaires dans les domaines des archives et qui maîtrisent ainsi les rouages et la déontologie professionnelle. En prêtant le serment, l’impact de socialisation de leur profession sera efficient et efficace pour en assurer un marketing judicieux et responsable afin de revaloriser les archives au pays de Lumumba.
14. La traçabilité managériale et la traçabilité historiographique : fondement de la théorie de besoins des archives
Ces deux traçabilités sont en fait, les deux cycles des archives formant le système holistique archivistique, voire archivologique.
L’archiviste américain Theodore Roosevelt Schellenberg[73] a été le premier à mettre en évidence les trois âges des archives : le premier âge, le deuxième âge et le troisième âge. En outre, il est surtout connu pour sa contribution à l’archivistique, notamment pour avoir distingué la valeur qu’un document d’archives peut avoir comme preuve de celle qu’il peut aussi avoir comme source d’information.
Ses deux publications les plus connues sont : Modern Archives : Principles and Techniques en 1956 et The Management of Archives en 1965. Il est le père du Records Management que l’on traduit en traçabilité managériale.
De son côté, le Français Yves Pérotin[74] a formulé le concept trois âges pour le monde francophone dès 1961 avec une certaine théorisation, dans un article intitulé : L’administration et les « trois âges » des archives publié dans la revue Seine et Paris. C’est ainsi qu’il proposa la théorie des trois âges des archives contenant les archives courantes ou les archives actives, les archives intermédiaires ou les archives semi-actives et les archives archivées ou les archives définitives.
Yves Pérotin est surtout connu pour sa contribution à l’archivistique de langue française. On lui doit notamment la première observation de la théorie des trois âges des archives et les premières tentatives d’adaptation au cas français des procédures de Records Management qu’il avait observé aux États-Unis d’Amérique et au Royaume-Uni.
Et, « En citant Schellenberg et Pérotin comme ceux qui ont révolutionné le domaine des archives, l’on ne peut oublier l’archiviste britannique Sir Hilary Jenkinson[75]qui était un ancien élève de l’Université de Cambridge. Il entre en 1906 au Public Record Office, dénomination jusqu’en 2003 des Archives nationales anglaises qu’il dirigera de 1947 à 1954. Il est surtout connu pour sa contribution à l’archivistique de langue anglaise. Le manuel qu’il publie en 1922 sera jusque dans les années 1960 la bible des archivistes dans tous les pays anglophones »[76].
Dans la suite du colloque de 2003 organisé à Paris sur la scientificité de l’archivistique par l’Association Française des Archivistes à l’Ecole nationale des Chartes à la Sorbonne, une année plus tard, soit en 2004, un professeur canadien d’archivistique explicite la dialectique de la théorie des trois âges dans un contexte d’interrogation sur certains fondements de la profession de l’archiviste.
Il soutient qu’ « un savoir comme l’archivistique a grandement besoin de recherche et de chercheurs pour étayer les bases scientifiques de ses pratiques. En filigrane, une autre question préalable se posait aussi, sans qu’elle n’ait nécessairement fait l’objet d’un examen exhaustif. C’est celle des questionnements actuels de l’archivistique en tant que science, et aussi en tant que pratique (…). Notre exploration s’inscrit donc en marge de la recherche archivistique appliquée et rejoint plutôt d’autres types de recherche plus prospective, plus théorique pour laquelle (…) Eric Ketelaar avait proposé le terme archivologie »[77].
Le collègue professeur Marcel Caya tient au réductionnisme de la théorie des trois âges des archives en deux composantes ; et ce en mettant en exergue l’échec du deuxième âge en ce sens que « la remise en question de l’applicabilité de la théorie des trois âges en Europe est venue de l’administration française, elle-même dans son traitement de la notion de pré-archivage qu’avait proposée Yves Pérotin. Dès 1978, en effet, l’abandon par le gouvernement français du service de pré-archivage des Archives nationales de Fontainebleau a marqué un sérieux recul dans l’utilisation du dépôt intermédiaire en gestion mixte par les ministères producteurs et les archives »[78].
Cette dialectique épistémologique nous réconforte dans notre heuristique sur la conception de la théorie des besoins des archives fondée sur les deux sous-systèmes de vie des documents d’archives, en l’occurrence : la traçabilité managériale avec le cycle de gestion et la traçabilité historiographique avec le cycle de recherche.
En plus, une autre remise en question de la théorie des trois âges se fait jour ; car les âges dont il est question ne signifient pas fondamentalement la datation mais plutôt le degré d’utilité des documents d’archives par leur géniteur. D’où, si Marcel Caya a opté pour une dialectique formelle, nous pensons qu’une autre remise en question de fond basée sur l’herméneutique de la sémantique de cette théorie s’impose.
15. Tableau synoptique et différentiel de la traçabilité managériale et de la traçabilité historiographique[79]
Attribut archivologique | Traçabilité managériale | Traçabilité historiographique |
L’orientation managériale | La gestion des archives courantes et intermédiaires | La gestion des archives historiques |
Le fondement | Le records management. | Le fondement historique ou heuristique |
L’outil de travail | Le Calendrier de Conservation et d’Elimination | Les Instruments de Recherche |
Le Profil de besoins | Les besoins plus orientés vers les géniteurs du document d’archives | Les besoins plus orientés vers l’utilisateur extérieur |
La base paradigmatique | L’outil d’aide à la prise de décision pour le Management | L’exploitation du fonds d’archives pour l’explication des phénomènes historiques |
Les collaborateurs de prédilection | Les managers, les employeurs, les employés, les juristes, les historiens, etc. | Les anthropologues, les historiens, les politiciens, les sociologues, les diplomaticiens, les paléographes, etc. |
L’approche légistique | L’exploitation du règlement d’ordre intérieur de l’institution et autres dispositions légales nationales | L’utilisation des dispositions légales nationales. |
Les principes archivistiques en vigueur | Les principes du respect de fonds, de provenance, de l’ordre primitif et de numérotation. | Les principes de restauration, d’universalité et de territorialité |
La valeur des documents d’archives | La valeur probante | La valeur informative |
La discipline scientifique de prédilection | Le management | Les Sciences de l’Information et de la Communication |
Source : Tableau conçu par nous-même
Dans le domaine des archives, le Records Management traduit par la traçabilité managériale est l’expression du mariage entre la gestion et les archives. C’est donc un ensemble de traces mises dans un contexte du processus de gestion.
La gestion de la traçabilité managériale favorise positivement une bonne administration de la justice, le respect des droits de l’homme, la bonne gouvernance, la démocratie responsable, l’accès aux informations publiques, la protection des informations personnelles, la sécurisation des informations stratégiques et sensibles du pays, et elle permet de lutter contre le blanchissement de l’argent sale, etc.
16. La nouvelle définition du terme archives intégrant une approche de dématérialisation
Une définition, par essence, est un énoncé ou une déclaration aux termes desquels un symbole nouvellement introduit signifie ou dénote la même chose qu’une combinaison de symboles dont le sens est déjà connu. Son rôle est de permettre la compréhension des concepts, favorisant ainsi la création du cadre terminologique qui est utilitaire pour une discipline scientifique.
Ainsi, après avoir rassemblé et exploité certain nombre de définitions y relatives, nous avons voulu contribuer en élargissant ce champ notionnel ou conceptuel. Pour ce faire, nous soutenons entre autres que « les archives sont les informations cristallisées émanant des activités de toute personne morale ou physique dans une approche de matérialité, de dématérialisation et d’immatérialité ainsi constituées, traitées, conservées et communiquées à des fins de la gestion, de l’identité et de la connaissance de celle-ci »[80].
Les innovations faites dans cette définition sont de l’ordre à la valorisation des concepts tels que la matérialité, la dématérialisation et l’immatérialité. En effet, pour la matérialité, les archives ont un caractère matériel consistant à un acte ; s’agissant de la dématérialisation, les archives peuvent être effectuées sans recourir au support, notamment papier, donc la virtualité ; et pour l’immatérialité, il est question d’archives qui n’ont pas de substance corporelle, dans cette optique, nous classons les archives orales.
Concernant la dématérialisation, il est aussi question de la numérisation[81] des archives, les archives numériques[82] ou les archives technétroniques[83]. Ces considérations donnant lieu à l’archivologie électronique nous ont permis de noter que « La numérisation est un atout pour la mémorisation utile aux contemporains et elle est un obstacle pour la conservation durable visant la postérité »[84]. Les archives technétroniques exploitent également les archives multimédias et les ordinolingues.
A propos des archives dans les réseaux sociaux ou les médias sociaux, nous retenons de Prince Pungi qu’« Il est à comprendre que le numérique aujourd’hui représente le socle de l’émergence des Technologies Numériques. L’homme pense à dématérialiser tout ce qui l’entoure pour des raisons de développement tant économique que social. Le réseau social Instagram comme tant d’autres réseaux sociaux, à l’instar de Facebook, permet de rendre privées des données soit les crypter ; les messageries, les publications et autres services tels que les stories Instagram. C’est ainsi que les archives numériques deviennent de plus en plus cryptées ou chiffrées de bout en bout, c’est-à-dire, seuls les utilisateurs remplissant les critères du chiffrement ont accès à ces archives »[85].
En outre, ce chercheur congolais de Kinshasa en Multimédia note que « Sur Instagram, les contenus numériques constituent des archives. Dans cette optique, nous pouvons parler de la traçabilité managériale et historiographique. La différence entre ces deux formes de besoins d’archives réside dans la gestion. Si la traçabilité managériale porte sur l’auteur lui-même comme gestionnaire de ses propres archives, la traçabilité historiographique porte sur la gestion des archives par la société Facebook. C’est ainsi que la gestion des archives numériques sur Instagram et autres plateformes numériques dépende de son auteur ou de l’utilisateur du réseau social Instagram qui contrôle sa page et son profil. Il peut les modifier à volonté la présentation de son identité numérique ; c’est-à-dire, supprimer, publier comme il veut. Il sied de rappeler que chaque poste sur Instagram constitue des archives publiques, lesquelles deviennent privées dans la mesure où l’utilisateur fait usage de la fonctionnalité Archives sur Instagram »[86].
En d’autres termes, le propriétaire d’un compte Facebook ou Instagram utilise ses traces numériques (traçabilité managériale) jusqu’en une certaine période, à la fin de laquelle, la société Facebook ne permet plus à ce propriétaire d’y accéder et elle considère que ces traces sont devenues son patrimoine numérique qu’elle doit conserver et gérer. D’où l’application des normes émanant de la traçabilité historiographique.
Cet élément met en relief la toute-puissance de ces plateformes numériques qui doit être analysée par les Etats pour la gestion des données personnelles des utilisateurs de ces réseaux sociaux.
Pour consolider les considérations explicatives de notre définition des archives, nous notons que pour le management des archives, nous avons mis en valeur la gestion, l’identité et la connaissance de la personne.
Ce faisant, point n’est besoin de savoir que les archives, sinon les documents de la traçabilité managériale, ou le Records Management, sont des actes indéniables d’accompagnent de la gestion ; d’identité, dans ce contexte, c’est un ensemble des données de fait et de droit (nom, prénom, date et lieu de naissance, filiation, notamment) ; par ricochet, elles sont l’expression des éléments de description ou de présentation d’un individu ; et enfin, pour la connaissance de la personne, les archives facilitent l’appréhension, voire l’appropriation d’une personne physique ou d’une institution.
17. Tableau de la différence entre l’archivistique et l’archivologie[87]
Identification documentaire | Archivistique | Archivologie |
Orientation disciplinaire | Discipline pragmatique ou opératoire des archives | Discipline épistémologique des archives |
Production scientifique | Savoir scientifique des archives | Connaissance scientifique des archives |
Interrogatoire épistémologique | Se fonde sur les questions : Quoi (Que) faire ? et comment faire ? | Répond à la question Pourquoi faire ? |
Comportement bibliologique | Exploitation des fonds d’archives | Exploitation et production des livres sur les archives |
Activité professionnelle | Gestionnaire des archives | Théoricien, scientifique des archives |
Orientation de recherche | Recherche administrative et professionnelle | Recherche scientifique et interdisciplinaire |
Appellation | Archiviste, Records Manager, Archivaire, conservateur des archives | Archivologue, scientifique des archives, épistémologue des archives |
Déontologie professionnelle | Discrétion, communication des archives selon les délais de communicabilité | Pédagogue, communicologue des archives pour des raisons de recherche et d’apprentissage. |
Psychopédagogie professionnelle | Magister dixit, application stricte des normes et des textes légaux. | Dialectique scientifique des normes et des textes. |
Quintessence professionnelle | Métier d’archiviste, maîtrise de la technicité de gestion des archives. | Scientifique interdisciplinaire. |
Psycho-communication | Il ne parle presque pas | Il parle beaucoup |
Orientation épistémologique. | La physique des archives. | La métaphysique des archives. |
Source : Tableau élaboré par nous-même
18. L’archivométrie, l’archivographie et l’archivosociométrie : les méthodes endogènes de l’archivologie[88]
La formalisation de l’archivométrie date de 2013 dans notre livre intitulé : RD Congo-Belgique : Archives, Bibliothèque et Bibliologie publié en Allemagne.
Sur ce, nous avons mentionné « Dans cette logique, nous serons tenté de poursuivre le modèle scientifique prôné par Robert Estivals : Bibliographie–Bibliométrie-Bibliologie et l’appliquer aux disciplines des archives en Archivographie–Archivométrie–Archivologie. Retenons que cette dernière partie du modèle cadre avec notre recherche. L’archivographie serait un cadre de constitution des phénomènes en rapport avec les archives.L’archivométrie est la quantification et l’appréciation quantitative et qualitative des phénomènes relatifs aux archives »[89].
Aussi avons-nous stipulé qu’« Enfin, l’archivologie devrait expliciter le pourquoi du phénomène des archives qu’Eric Ketelaar[90] mentionne comme le maillon manquant pour l’explication des considérations sur les archives. Les archives faisant aussi partie de l’écrit, par conséquent, l’archivologie devrait également être prise en compte dans le macro-ensemble appelé les Sciences de l’Information et de la Communication. L’archivologie doit donc consolider son champ gnoséologique en construisant des concepts tels que l’archivographie et l’archivométrie »[91].
Dans l’objectif d’enrichir la méthodologie propre à l’archivologie, la science des archives, nous avons construit aussi l’archivosociométrie. Elle est l’étude de la mesure quantitative et qualitative de l’impact sociologique des archives dans une société donnée et durant une période déterminée.
19. La théorie scientifique de la connaissance et de l’appropriation des archives[92]
A ce stade, nous rappelons qu’une théorie scientifique est, par essence, une explication d’un aspect du monde naturel et de l’univers pouvant être testé et vérifié à plusieurs reprises conformément à la méthode scientifique, en utilisant des protocoles acceptés d’observation, de mesure et d’évaluation des résultats.
L’archivologie comme discipline validée épistémologiquement est dans la dynamique progressive de son enrichissement scientifique. Du point de vue épistémologique, nous l’avons déjà enrichie avec la théorie des besoins des archives et la théorie de l’inertie des archives.
La première théorie explique les phénomènes des archives en tenant compte les deux cycles de vie des archives, et ce, à travers la traçabilité managériale et la traçabilité historiographique.
Ceci nous amène à souligner que l’explication des phénomènes des archives est ainsi holistique en décrivant et analysant les archives aussi bien dans leur appropriation par leur géniteur en exploitant le credo : Le fonds d’archives est ouvert en termes de son accroissement et il est fermé pour sa communication au grand public. Concernant, la traçabilité historiographique, on explique les phénomènes des archives gérées comme matériaux de la recherche et de la mémoire sociétale.
A ce stade, il y a lieu de souligner que la théorie du Records Management est en fait une partie, sinon la première strate de la théorie des besoins des archives.
Quant à la théorie de l’inertie des archives, elle met en exergue l’explication des phénomènes des archives dans le contexte unique de la traçabilité historiographique.
Ici, les archives produites par le géniteur dans le cadre de ses activités n’ont plus leur pertinence utilitaire de création, mais ces documents trouvent un nouveau contexte dans l’heuristique scientifique et la quête de l’identité ou de la connaissance de la généalogie.
Donc, cette théorie de l’inertie ressuscite les archives mortes par la gestion et valorisées par les chercheurs, notamment. Point n’est besoin de rappeler que l’inertie rime avec la déconstruction des archives à travers leur besoin de création et leur renaissance pour les besoins de recherche.
Cette théorie scientifique trouve son postulat dans la formulation précise dans le principe d’inertie ou première loi de Newton : un corps ne subissant aucune force (ou un système de forces dont la résultante est nulle) reste immobile, ou à un mouvement rectiligne uniforme.
En outre, le moment d’inertie est au mouvement de rotation l’analogue de la masse pour le mouvement de translation : il reflète la résistance qu’oppose un corps à sa mise en mouvement.
La théorie de l’inertie des archives rappelle notre passé de scientifique fait aux humanités avec les enseignements de la physique, biologie, mathématique et chimie. La contextualisation des applications de la physique dans le champ de l’archivologie justifie son interdisciplinarité et sa trans-pluridisciplinarité.
L’inertie des archives est la fin des mouvements rotatifs de l’offre et la demande des traces de gestion : le records management pour des besoins fondamentaux d’excrétion visant l’aide à la prise de décision par et pour leur géniteur.
En toutes fins utiles, cette théorie ne saurait être d’application que dans le contexte de la traçabilité historiographie en étudiant, notamment les Archives nationales.
Enfin, s’agissant de la théorie de la connaissance et l’appropriation des archives, elle a été conçue pour l’imprégnation holistique et parfaite des archives.
Par connaissance, nous entendons une notion aux sens multiples, à la fois utilisée dans le langage courant et objet d’étude poussée de la part des sciences cognitives et des philosophes contemporains. La gnoséologie accumule les connaissances en général, de même que la science accumule les connaissances scientifiques.
Celles-ci sont l’expression du nucléaire d’un domaine scientifique et, par conséquent, le principe de la vérifiabilité est un autre facteur qui caractérise les connaissances scientifiques.
Il faudra aussi signifier la différence qui existe entre la connaissance scientifique et le savoir scientifique. Pour ce faire, nous avons écrit que « L’épistémologie étudie aussi la formation et la structure des concepts et des théories scientifiques en s’appuyant sur les procédures, les méthodes, la rigueur scientifique identifiées et retenues par les scientifiques »[93].
En d’autres termes, « l’épistémologie produit la connaissance scientifique qui est différente du savoir scientifique. A cet effet, on a souvent l’habitude de les utiliser comme synonymes l’un de l’autre. Le savoir scientifique, c’est le fruit d’une maturation au terme de laquelle le sujet se construit une nouvelle approche de la réalité tandis que la connaissance scientifique est intérieure au sujet. Celle-ci se construit à partir des informations qu’il fait siennes par tout un système de recombinaison des éléments cognitifs, affectifs et sociaux »[94].
En guise de synthèse, nous stipulons que la connaissance scientifique constitue le noyau de la science, alors que le savoir scientifique est les constitutifs périphériques de la science.
Concernant l’appropriation, nous retenons que c’est l’action de s’approprier une chose. L’appropriation culturelle désigne à l’origine l’utilisation d’éléments matériels ou immatériels d’une culture par les membres d’une autre culture, dont l’acquisition d’artefacts d’autres cultures par des musées occidentaux.
L’appropriation des archives est, par essence, une appropriation culturelle dans la mesure où les archives sont l’expression de la culture entrepreneuriale, au premier plan et au second plan, elle se focalise sur la culture sociétale.
La notion de l’appropriation des archives prend en compte deux notions dont celle de l’idée d’appropriation d’un document d’archives ou d’un service d’archives à un usage défini d’une part, et l’action visant à rendre propre (personnel, individuel) les archives, d’autre part c’est-à-dire que l’individu jouit pleinement des archives.
Ainsi la quintessence de la théorie de la connaissance et de l’appropriation des archives se trouve dans l’explication des phénomènes des archives dans leur dimension de la connaissance et de l’appropriation.
20. Les présidents africains et la gestion de la mémoire informationnelle stratégique de leur pays[95]
Nous avons toujours affirmé que la colonisation de l’Afrique a été à la fois un désastre pour la société africaine et le peuple africain, et aussi une opportunité pour la cohésion et la revalorisation de l’Afrique dans son intégralité.
Elle est un désastre entre autres parce que l’Afrique est devenue un contexte de vassalité de l’Occident avec la déculturation de l’africain, etc. Cependant, il faudra aussi retenir que la colonisation et grâce aux deux guerres mondiales, les colons se sont rendus compte que l’Africain a aussi beaucoup œuvré pour la déroute de l’Allemagne, notamment.
Ainsi, « Même si la colonisation, avec l’instauration des frontières et la création des Etats africains, a favorisé la séparation des peuples, mais on doit également mettre dans l’actif de la colonisation surtout la revalorisation de l’Afrique comme un tout inséparable du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest »[96].
Les indépendances des pays africains – viellent de seulement à peine plus de soixante ans – ont favorisé aussi la prise en charge de l’Afrique par les Africains valorisant ainsi la gestion de la reconstruction de sa mémoire collective. Avec les indépendances, il y a les phénomènes des pères de l’indépendance et les premiers présidents africains.
Il y a une préoccupation, en effet, « Les Etats africains ont des problèmes pour la gestion de leur mémoire, surtout aussi du fait que les chefs d’Etats, une fois démis de leurs fonctions ou en fin mandat, ne sont pas rassurés d’une vie normale. Et comme motif essentiel, ils ont mal gouverné leur pays. Il est vrai qu’avec la responsabilité sociétale citoyenne, les droits de l’homme, la démocratie, etc. sont des éléments caractérisant la société moderne »[97].
Sur ce, il y a les préoccupations suivantes : Est-ce que les présidents africains sont-ils les seuls à être dans la mauvaise gouvernance ou sont-ils les champions des violations des droits de l’Homme ?
De nos jours avec l’avènement de la société de l’information, nous vivons le partage des informations avec les sources modernes et technétroniques, à travers, les médias qui balancent les informations, surtout du monde presqu’en temps réels.
C’est là que l’Africain lambda est sidéré d’apprendre ce qui se passe de par le monde. Mais, ce qui nous intéresse, est que tous les présidents en fin mandat, mêmes des pays développés n’ont pas été forcement à la hauteur du respect des droits de l’homme, voire de la bonne gouvernance de leurs pays ? Et une autre préoccupation, est-ce pour autant qu’ils connaissent le déboire à la fin de leurs mandats ?
C’est ainsi que « Nous observons que les anciens présidents des pays dits développés sont reconnus et valorisés comme tels, alors que précisément en Afrique, les présidents en fin mandat, ne connaissent pas forcément une vie normale et beaucoup cherchent l’exil. Cette situation n’est guère encourageante pour la continuité des affaires de l’Etat et moins encore pour la gestion de la mémoire collective dont une partie est gardée par cette catégorie de personnes. Il est vrai que le pouvoir peut causer des abus, mais au nom de l’unité et la paix fragiles des pays africains et en tenant compte de l’anthropologie du pouvoir africain traditionnel, la sagesse voudrait qu’il y ait une nouvelle orientation politique de la gestion des anciens présidents pour qu’ils continuent à œuvrer pour leur pays »[98].
Pour la mémoire politique, la gestion orthodoxe des anciens présidents va permettre d’assurer aux Etats africains la gestion de leurs mémoires collectives à travers les différents types d’archives stratégiques que ces présidents ont eu à gérer pendant qu’ils étaient en fonction. Nous sommes convaincu que cette approche aura de l’incidence pour le vrai développement de l’Afrique.
Certes, les efforts doivent aussi être observés positivement quand on est au pouvoir en posant des actes plus constructifs pour la terre aussi bien de ses ancêtres que de ses arrières-arrières petits-fils et petites-filles.
Aucune entreprise humaine n’est parfaite, mais avec une certaine positivité, on peut gérer le présent et prévoir le futur des Etats africains ensemble avec moins de casses.
Tout pouvoir est éphémère, mais dans cette éphéméride, ce qui est important, c’est d’être pleinement au service de sa communauté, quand bien même, en guise de feedback politique aucun dirigeant au monde n’a enregistré le global satisfecit de son entreprise politique de la part de ses compatriotes. C’est aussi l’expression de la dialectique sociétale.
Dans la société de l’information, il sied de noter que le président de la république est le seul citoyen qui détient un nombre exponentiel des informations stratégiques du pays ; par conséquent, il est le gardien de la mémoire de l’Etat, voire le premier archiviste d’Etat. Et la gestion de celle-ci, pour la continuité de l’Etat, nécessite une certaine garantie de la république pour le président en fin de son exercice mandataire.
Enfin, la cérémonie de passation du pouvoir entre les présidents entrant et sortant est un moment important et essentiel pour garantir la continuité managériale du pays, et ce, en termes de la gestion de la mémoire républicaine.
21. Le Conseil International des Archives et sa stratégie d’accompagnement des archivistes africains[99]
Créé le 9 juin 1948, le Conseil International des Archives est une organisation non gouvernementale internationale consacrée aux archives. Ayant regroupé à l’origine les responsables des Archives centrales de l’État des grands pays développés, il s’est peu à peu ouvert à des représentants de tous les types de service d’archives appartenant à la plupart des pays du monde. Les associations professionnelles d’archivistes peuvent également en être membres, ainsi que les archivistes à titre individuel.
Il « a été créé sous l’égide de l’Unesco un Conseil international des Archives, destiné à renforcer dans tous les domaines la collaboration internationale en matière d’archives. Charles Samaran, alors directeur des Archives de France, en fut le premier président. Ce Conseil a pris sa forme définitive lors de son Assemblée générale à Paris, les 21 et 22 août 1950, à l’issue de laquelle Charles Braibant, directeur des Archives de France, fut élu président, Lester K. Borne, chef des services du microfilm à la bibliothèque du Congrès à Washington, secrétaire général, et Guy Duboscq, conservateur adjoint aux Archives nationales, trésorier »[100].
Pour le mandat actuel de quatre ans, soit de 2018 à 2022, le Conseil International des Archives a le comité de management composé de David Fricker pour le poste de président, d’Henri Zuber pour le vice-Président Finance et Normand Charbonneau pour le vice-Président Programme.
Les objectifs du Conseil International des Archives consistent à promouvoir la préservation, le développement et l’utilisation du patrimoine archivistique mondial. Il est divisé en sections correspondant à divers types de service d’archives (archives des villes, des parlements, des entreprises, des universités, des organisations internationales, etc.) ou de fonds d’archives (archives notariales, archives du sport, etc.), et en branches régionales.
Ses deux principaux organes d’information sont la revue Comma et un site internet. « Il importe de signaler que le Conseil International des Archives s’écrit en forme abrégée en français sous le sigle d’ICA au lieu de CIA qui prêtait à confusion avec l’agence de renseignements américains la CIA. L’ICA met l’accent sur la gestion orthodoxe des données personnelles dont la majeure partie possède une valeur administrative et historique durable »[101].
Toutefois, l’ICA ne concerne pas seulement le Conseil International des Archives, il est aussi pour les communicologues à travers l’International Communication Association.
Considérant le Conseil International des Archives, l’Afrique est au cœur de ses stratégies pour ainsi accompagner le renforcement des capacités de gestion des archives et des archivistes africains et surtout soutenir l’appareil dirigeant africain dans la prise en charge des archives comme dispositif essentiel pour la bonne gouvernance et la gestion de la mémoire collective.
En guise d’illustration, l’ICA, lors des assises de Yaoundé, va « (…) proposer des présentations, des tables rondes ou des ateliers liés aux trois thèmes de la Conférence: Gouvernance, Mémoire et Patrimoine. Dans le cadre de ces trois thèmes, la Conférence visera deux axes supplémentaires : les enjeux panafricains concernant les archives et le défi du développement durable »[102].
Aussi pouvons-nous dire que le panafricanisme étant aussi un processus, la prise en compte des archives dans le cadre de la revalorisation de la mémoire collective est un facteur important pour la consolidation de l’identité africaine au sein du concert des continents.
Le développement durable est un contexte futuriste qui nécessite aussi la prise en charge des archives en vue de léguer ainsi à la postérité les différentes traces essentielles pour la gestion contemporaine des Etats africains de nos jours.
Nous encourageons la coopération aussi bien internationale que régionale pour l’assistance, surtout dans la formation des archivistes africains, avec un accent particulier sur les programmes des cours pour qu’ils deviennent les accompagnateurs, voire les vrais acteurs incitateurs de la bonne gouvernance.
22 Le Musée de Tervuren : la mémoire coloniale du Congo[103]
Le musée de Tervuren est aussi une archivothèque et regorge des informations essentielles aussi bien pour la mémoire archivistique ou archivologique que pour la mémoire muséale et autres de l’ancien Etat Indépendant du Congo et du Congo-Belge.
Nous qualifions ces informations de l’âme du Congo colonial. Cette institution de mémoire est à la fois un musée, un service d’archives, une bibliothèque et un lieu de conservation des esprits du Congo (une spirothèque), d’après certaines sources.
Pour la petite histoire de sa création, nous notons de la part d’Isidore Ndaywel que pour consolider sa vision colonialiste, Léopold II « vouait une grande admiration à l’œuvre coloniale hollandaise, impressionné par le revenu important que les territoires occupés pouvaient rapporter à la mère patrie »[104].
Nous avons recueilli d’autres informations que voici sur cette institution de la mémoire coloniale belge.
En fait, « L’origine de musée royal de l’Afrique centrale remonte en 1897 lorsque la section coloniale de l’exposition universelle de Bruxelles est établie à Tervuren. Sous l’impulsion du roi Léopold II, il est intimement lié à l’histoire de la colonisation du Congo par la Belgique. Le musée du Congo, situé au milieu d’un parc somptueux appartenant à la Donation royale, est relié à Bruxelles par une double avenue spécialement créée et par une nouvelle ligne de tramway, était à l’origine destiné à éveiller l’intérêt et la curiosité du peuple belge pour ce qui était à l’époque l’État indépendant du Congo (1885 à 1908) »[105].
Par ailleurs, « Après 1908, il devint le musée du Congo belge puis le musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) en 1960. Jusqu’en cette année de l’indépendance du Congo, les collections ne cessèrent de s’agrandir par les envois d’objets et d’échantillons de toutes sortes effectués par les militaires, les missionnaires, les administrateurs coloniaux, les commerçants et les scientifiques. C’est ainsi qu’il est aujourd’hui propriétaire d’une importante collection de trophées de chasse, don du Baron Lambert. Par la suite, les acquisitions de cette institution muséale furent élargies à l’ensemble de l’Afrique, sinon des ex-colonies belges »[106].
Certes, Léopold II, un roi visionnaire et adepte de la conservation du trésor mémorial de par son aventure au Congo, a permis à son royaume de construire plusieurs édifices : les bâtiments et les monuments, notamment à Bruxelles à Ostende ou en Ardenne. Parmi ses grandes œuvres, nous avons retenu « la construction du Musée de Tervuren, la transformation du Palais Royal et du chateau de Laeken avec la création de ses serres exotiques, la création du Parc du Cinquantenaire. Il fit aussi donation à l’Etat belge des parcs et des propriétés boisées et il incita au traçage des grandes avenues (Avenue de Terveren, Avenue Louise, Boulevard Général Jacques,…)»[107].
En outre, nos recherches sur cette institution de mémoire ont démontré le rôle combien important de conservation de la mémoire muséconomique et muséologique du Congo, surtout à travers « le discours du roi Léopold II aux missionnaires accueillis au Congo belge en 1883 »[108].
En effet, dans l’un des paragraphes, nous avons appris que ce souverain belge avait enjoint en ces termes les religieux (protestants et catholiques) occidentaux basés au Congo d’exécuter les actes ci-après: « Dites-leur que les statuettes que vous gardez chez vous sont l’œuvre de Satan, confisquez-les et allez remplir vos Musées au Vatican ainsi que ceux de Tervuren. Faites oublier aux Noirs leurs ancêtres afin qu’ils adorent les vôtres qui ne les écouteront jamais ; par exemple, les Saintes : la Vierge Marie, Sainte Thérèse, Saint Martin, etc. »[109].
La collaboration entre les Archives d’Etat de la Belgique et le Musée de Tervuren vaut son pesant d’or dans la mesure où ces deux institutions de mémoire gèrent aussi la fonction de la mémoire archivistique ou archivologique. En réalité, « Si les Archives royales de Belgique coordonnent la politique archivistique au niveau national et veillent à une collaboration efficace sur le plan international, nous encourageons l’élan qu’elles ont mis en place avec le Musée de Tervuren pour la revalorisation des archives des anciennes colonies de la Belgique »[110].
Pour le renouvellement du musée de Tervuren, nous notons qu’« Après cinq ans de rénovations intensives dans le Musée royal de l’Afrique centrale (Musée de l’Afrique), l’institution rouvrira ses portes au grand public le 8 décembre 2018 avec une nouvelle exposition permanente sur l’Afrique contemporaine qui traitera également notre passé colonial d’une manière différent. (…). Le point de départ de cette conférence est la reconnaissance d’un passé partagé et d’un profond respect mutuel »[111].
De la lecture complète de la note conceptuelle sur l’organisation de cette rencontre internationale, nous avons noté avec bonheur que le renouvellement du Musée royal de l’Afrique centrale n’est pas seulement matériel, voire infrastructurelle ; mais il est aussi intellectuel dès lors que, les organisateurs ont émis le vœu que « Ce rassemblement veut offrir une réflexion critique sur la manière dont les Africains et les Européens collaborent de manière partagée et durable à l’avenir. Les attitudes vis-à-vis des relations entre l’Afrique et l’Europe du passé, du présent et du futur ne correspondent pas nécessairement entre elles et font l’objet aujourd’hui d’un débat souvent animé, en Europe comme en Afrique »[112].
En tout état de cause, nous pensons que la mise en place d’une politique de recherche archivistique pouvant systématiser l’observation et l’exploitation des fonds d’archives du Congo se trouvant dans ce musée sera bénéfique pour les chercheurs de ce deux pays liés intimement. C’est ainsi que les gouvernements belge et congolais pourront collaborer pour l’effectivité des bourses d’études permanentes à octroyer, surtout aux Congolais pour la connaissance et l’exploitation judicieuses de ces fonds d’archives par les archivistes, archivologues et historiens africains.
23. Les archives : l’âme et l’esprit de l’establishment[113]
Point n’est besoin de réaffirmer que l’establishment est un groupe puissant de personnes en place qui défendent l’ordre établi. C’est pourquoi, la gestion de l’ordre établi exige impérativement la connaissance et la maîtrise des activités comme celles des citoyens. Or, il se fait que ces activités sont consignées dans les archives ; donc, sans ambages, nous considérons que l’establishment doit se servir des archives pour le contrôle de l’ordre établi.
Cet état des choses est palpable dans les pays dits développés qui ont fait preuve d’une certaine archivophilie déterminée, et ce, pour la consolidation de l’ordre établi. Pour les pays dont la gestion des archives pose encore problème, bien d’études ont conclu qu’ils sont sans âme. Dites-nous l’état de vos archives et nous vous dirons l’état d’âme de votre pays, sinon l’âme de votre Etat.
Pour consolider cette optique sur les aspects spirituels des archives pour un Etat, nous exploitons l’épigraphe d’un de nos livres : « Les archives sont pour un pays ce que la mémoire représente pour un être humain. Par ailleurs, si la lecture réduit la pauvreté et favorise le développement, donc, l’exploitation orthodoxe de la mémoire conduit indubitablement au développement durable »[114].
Les archives sont incontournables et mêmes indispensables pour la gestion d’un Etat, quand bien même à un certain moment, l’impression poignante qui se dégage, pour certains pays, est que celles-ci sont jetées dans les oubliettes.
Et pourtant, elles continuent à être utiles au service du pays. En fait, pour bien des chercheurs dans le domaine des archives, la gestion orthodoxe des archives, pour un pays, est aussi un gage de sa souveraineté et de son image positive établie à travers le dévouement, la distinction et l’expression de ses hommes d’Etat face aux inconscients hommes politiques mettant en exergue leur égocentrisme prédateur entretenu par l’utilitaire calculateur.
24. Patrice-Emery Lumumba et l’Afrique
Pour la pérennisation de la personne de P.E. Lumumba, nous retenons d’une citation faite par Viviane Forson de La Pensée politique de Patrice Lumumba, textes et documents recueillis et présentés par Jean van Lierde, préface de Jean-Paul Sartre (Présence Africaine) en 1964 que « Mort, écrivait Jean-Paul Sartre, Lumumba cesse d’être une personne pour devenir l’Afrique entière, avec sa volonté unitaire, ses désordres, sa force et son impuissance »[115].
Et, dans un des documents de professeur Omasombo, il est aussi écrit que La mort violente subie par Lumumba a certes renforcé l’image du personnage.
Nos investigations ont permis de comprendre que Patrice-Emery Lumumba qui se disait non communiste, mais beaucoup de ses amis étaient communistes, voire des ressortissants des pays non-alignés.
Aussi nous soulignons que notre présent livre sur Patrice-Emery Lumumba entre en ligne de compte de l’histoire de l’Afrique.
En effet, « L’UNESCO a lancé en 1964 l’élaboration de l’Histoire générale de l’Afrique pour remédier à l’ignorance généralisée sur le passé de l’Afrique. Pour relever ce défi qui consistait à reconstruire une histoire de l’Afrique libérée des préjugés raciaux hérités de la traite négrière et de la colonisation et favoriser une perspective africaine, l’UNESCO a fait appel aux plus grands spécialistes africains et internationaux de l’époque. L’élaboration des huit volumes de l’Histoire générale de l’Afrique a mobilisé plus de 230 historiens et autres spécialistes pendant plus de 35 années »[116].
Ainsi, s’agissant du Congo Kinshasa, l’égyptologue Théophile Obenga note que « Le peuple congolais et tous ses amis attendaient par conséquent une véritable histoire du Congo, ce pays merveilleux, puissant, plein de promesses pour l’Afrique et pour le monde »[117].
Les éléments susmentionnés sur l’histoire de l’Afrique et du Congo-Kinshasa consolident la science que nous appelons Mémoirologie.
Pour ce faire, celle-ci s’opérationnalise épistémologiquement avec les quatre axes suivants : l’axe historique qui exploite notamment l’historiographie, la paléographie, l’archéologie, la muséologie, etc. ; l’axe bibliologique qui met en exergue.
Par Professeur Bob BOBUTAKA Bateko