Avec le regain de tensions aux relents de guerre froide autour de l’Ukraine, l’Union européenne craint pour son approvisionnement en gaz. La Russie fournit plus d’un tiers du gaz consommé par les 27 et l’Ukraine est un pays de transit du gaz russe. Alors en parallèle des tractations diplomatiques, Bruxelles et même Washington cherchent des sources alternatives pour l’Europe.
L’Europe est plutôt bien positionnée géographiquement parlant. De ce point de vue, « aucun continent n’a autant d’alternative que l’Europe », explique Pierre Terzian, le directeur de la revue Petrostratégie,car elle est au centre de grande réserve en mer du Nord, en mer Caspienne, en Afrique du Nord…
Elle est d’ailleurs reliée par « des gazoducs qui viennent de Norvège, d’Algérie, d’Azerbaïdjan », ajoute Thierry Bros professeur à Sciences Po Paris et spécialiste des questions gazières. Mais cela n’est pas vraiment une option pour le court terme car « ces pays n’ont pas de capacité de production supplémentaire », tempère-t-il.
Les yeux se tournent donc vers le gaz naturel liquéfié. Le GNL peut arriver en bateau du monde entier et offre davantage de flexibilité. Une flexibilité relative. L’Europe doit tout de même avoir des terminaux disponibles. Les capacités moyennes de regazéification du continent, Royaume-Uni compris, permettraient, dans l’absolu, de compenser une bonne partie du gaz russe. Mais, la consommation de gaz est « saisonnière » nuance Pierre Terzian. Résultat : actuellement, en plein hiver, l’utilisation des terminaux est beaucoup plus importante que l’utilisation moyenne annuelle.
En France par exemple, les terminaux sont « saturés », indique Vincent Demoury, délégué général du Groupe international des importateurs de gaz naturel liquéfié à l’AFP. Toutefois, « il reste des pays avec des capacités significatives disponibles, notamment l’Espagne et le Royaume-Uni », précise-t-il. Le gaz qui entrerait par ces terminaux pourrait ensuite être redistribué sous forme gazeuse, via le réseau de gazoducs du continent, vers les pays qui en ont besoin.
Rediriger des livraisons de GNL ?
Encore faut-il que les grands pays exportateurs puissent fournir du GNL. Parmi les trois mastodontes, l’Australie dit être prête à envoyer de la marchandise en Europe, « mais son GNL est cher à produire et il y a beaucoup de transport », souligne Thierry Bros. Le tiercé est complété par les États-Unis et le Qatar. Le Qatar dont l’émir, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, a été reçu ce lundi à la Maison blanche. Et l’énergie faisait partie des dossiers à l’ordre du jour.
Des négociations sont en cours selon une source qatarienne. Mais Doha n’a pas de « baguette magique », indique Bill Farren-Price, directeur du cabinet de conseil en énergie Enverus à l’AFP. L’Emirat n’a pas de capacités pour un approvisionnement supplémentaire, pas plus d’ailleurs que les autres grands producteurs de GNL. Il s’agirait donc de rediriger des livraisons prévues pour l’Asie. L’opération aurait des répercussions sur le marché asiatique et pourrait coûter encore plus cher aux Européens qui paient déjà des factures record.
Diversifier
À plus long terme, « on peut imaginer qu’avec cette crise l’Europe commence à signer des contrats longs-termes avec d’autres fournisseurs », envisage Thierry Bros qui cite le Qatar, les États-Unis, l’Algérie et le Nigeria.
L’option privilégiée, aux yeux de Pierre Terzian, c’est un approvisionnement depuis l’Algérie ou la Libye. L’essentiel à ses yeux est d’éviter des « longs transits » en gazoduc pour ne pas multiplier les risques liés à de potentielles tensions géopolitiques.
Cela dit, mais même si l’approvisionnement depuis la Russie a été historiquement bas en janvier, le risque d’une fermeture totale des robinets reste un scénario jugé peu probable par plusieurs analystes. « Cela impliquerait des risques graves à long terme pour la stabilité financière de la Russie et son influence politique en Europe, » explique le cabinet Eurasia Group.
Par :Pauline Gleize (,RFI)