Ernestine Kabuo est rentrée chez elle après avoir fui la coulée de lave à Goma, en République démocratique du Congo, pour constater que son mari n’avait pas survécu.
Cette femme de 68 ans n’a pas pu porter son mari malade hors de leur maison et l’a retrouvé mort brûlé, a-t-elle confié à l’agence de presse Reuters.
Au moins 22 décès ont été confirmés après l’éruption samedi 22 mai 2021 d’un volcan voisin, le Mont Nyiragongo.
Mais la lave s’est arrêtée avant la zone bâtie de la ville.
Cela a permis d’éviter le niveau de mort et de destruction observé en 2002.
Elle a toutefois touché le quartier de Buhene, où se trouvait le domicile de Mme Kabuo.
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« Je me suis dit : je ne peux pas y aller seule, nous avons été mariés pour le meilleur et pour le pire », a-t-elle raconté à Reuters en réfléchissant à ce qui s’est passé samedi.
« J’y suis retourné pour au moins essayer de le faire sortir mais je n’ai pas pu. Je me suis enfui et il a été brûlé à l’intérieur. Je ne sais pas quoi faire. Je maudis ce jour », dit-elle.
Cinq personnes sont mortes asphyxiées en essayant de traverser la lave lorsqu’elle refroidissait dans un endroit situé juste au nord de Goma.
Une sixième personne se trouve à l’hôpital avec des difficultés respiratoires, a indiqué à l’agence de presse AFP un responsable de la société civile, Mambo Kawaya.
Depuis lors, les autorités ont essayé d’empêcher les gens de se rendre dans les endroits où la lave se refroidit, a expliqué Esdras Tsongo, journaliste à Goma, au programme radio Focus on Africa de la BBC.
D’autres habitants de Goma, une ville de 670 000 habitants selon les estimations de l’ONU, sont à la recherche d’êtres chers disparus alors que la ville, et la région, continuent de subir des tremblements de terre.
Plus de 170 enfants sont portés disparus et 150 autres ont été séparés de leurs familles, a signalé l’Unicef, l’agence des Nations unies pour l’enfance, ajoutant que des centres seraient mis en place pour aider les mineurs non accompagnés.https://flo.uri.sh/visualisation/6234647/embed?auto=1
Neuf des décès enregistrés jusqu’à présent par les autorités sont survenus lors d’un accident de la route alors que les gens fuyaient.
Quatre autres sont morts en tentant de s’échapper d’une prison, tandis que deux ont été brûlés vifs, annonce dimanche le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya.
Mais on craint que d’autres décès ne soient confirmés lorsque les gens retournent dans les restes de leurs maisons.
La lave s’est arrêtée dans le district de Buhene, à la périphérie de Goma, ensevelissant des centaines de maisons et même de grands bâtiments. Les efforts de reconstruction risquent de prendre des mois.
« Toutes les maisons du quartier de Buhene ont été brûlées », témoigne Innocent Bahala Shamavu à l’agence de presse Associated Press.
Ailleurs, la lave a traversé la route N2 reliant Goma à la ville de Beni, coupant une route clé pour l’aide et l’approvisionnement.
Cependant, l’aéroport de la ville n’a pas été touché, bien que des rapports précédents aient indiqué qu’il avait été affecté.
Le volcan, situé à 10 km de Goma, est entré en éruption pour la dernière fois en 2002, tuant 250 personnes et faisant 120 000 sans-abri.
Les habitants ont commencé à quitter leurs maisons avant même que le gouvernement n’annonce un plan d’évacuation.
La nuit, des foules ont été vues fuyant à pied avec des matelas et d’autres effets personnels.
Les autorités rwandaises indiquent que plus de 3 000 personnes ont officiellement traversé la frontière depuis Goma.
Certaines ont commencé à revenir dimanche. D’autres se sont rendues sur des terrains plus élevés à l’ouest de la ville.
Un habitant de Goma, Richard Bahati, a dit qu’il était dans sa maison quand il a entendu des cris et qu’il est devenu extrêmement inquiet en voyant le ciel rougir à l’extérieur.
« J’ai vécu le problème avec ce volcan en 2002. Le volcan a dévasté toutes nos maisons et nos biens », a-t-il rappelé.
Un commerçant local, Kambere Ombeni, était parmi ceux qui sont retournés sur les lieux alors que les décombres fumaient encore. « Nous avons vu tout le quartier du territoire de Nyiragongo partir en fumée. Le feu est arrivé jusqu’ici. Même maintenant, nous pouvons encore voir de la lave », a-t-il indiqué.
Un autre résident, Irene Bauma, indique que les gens auront besoin de l’aide du gouvernement pour reconstruire leur vie.
« Il y a des terres, des gens, une population qui a tout perdu, il y a peut-être aussi des morts, qui sait ? Nous demandons au gouvernement de venir aider les survivants de cette éruption. »
Tom Peyre-Costa, du Conseil norvégien pour les réfugiés à Goma, explique à la BBC ce qui s’est passé.
« La lave était assez lente, comme 1km/h, mais elle ne s’est pas arrêtée….. Elle a commencé à brûler les maisons », a-t-il dit, ajoutant que les organisations humanitaires essayaient déjà de répondre aux besoins des gens.
Le Mont Nyiragongo est l’un des volcans les plus actifs au monde, mais il est à craindre que son activité n’ait pas été correctement observée par l’Observatoire volcanologique de Goma, depuis que la Banque mondiale a réduit son financement suite à des allégations de corruption.
Le professeur Mike Burton, volcanologue à l’Université de Manchester en Angleterre, révèle à la BBC que la lave du Mont Nyiragongo est particulièrement fluide et peut se déplacer rapidement.
Dans un rapport du 10 mai, l’observatoire a averti que l’activité sismique du Nyiragongo avait augmenté.
L’année dernière, le directeur de l’observatoire, Katcho Karume, a annoncé à l’émission Science in Action de BBC World Service que le lac de lave du volcan se remplissait rapidement, ce qui augmentait les chances d’une éruption dans les prochaines années. Mais il a également prévenu qu’un tremblement de terre pourrait déclencher une catastrophe plus tôt.
L’éruption la plus meurtrière du volcan a eu lieu en 1977 et a fait plus de 600 victimes.
Avec BBC