L’Etat de droit, la démocratie et la bonne gouvernance sont des concepts que les Occidentaux nous sortent quand ils veulent régler leurs comptes à leurs mandataires que sont nos dirigeants africains.
Ces concepts obtiennent l’adhésion rapide de la population qui, de manière consciente pu inconsciente croit qu’ils sont le sésame qui ouvriront la porte du développement socio économique.
Ce qui n’est pas faux.
Malheureusement, pour les africains, l’idéal démocratique avec ses corollaires que sont la soumission de tous au droit, la bonne gouvernance politique et économique est manipulé par les pays occidentaux pour éjecter du pouvoir les dictateurs qu’ils y ont placés en vue de protéger leurs intérêts économiques, militaires et sécuritaires.
Dans cet environnement global où les africains sont plus les dindons de la farce, il arrive que des individus, voire des groupes sociaux soient victimes de ces manipulations. Ils peuvent être arrêtés, massacrés, subir des violences sexuelles et d’autres violences graves des droits humains. Les États occidentaux regardent ailleurs, tant que leurs intérêts ne sont pas en jeu.
Il suffit de regarder les pays francophones dirigés par des petits dictateurs soutenus ouvertement par la France et par ricochet par l’Union Européenne. Le cas le plus récent est l’annonce de la candidature de Monsieur Ouattara, pour un troisième mandat, laquelle candidature a reçu contre tout attente le soutien de la France.
Dans notre pays, la RDC, la réaction des occidentaux quant à ce qu’ils appellent « les efforts à la lutte contre la corruption » laisse sans voix plus d’un observateur.
Les observateurs avertis ne sont pas du tout surpris de constater que les occidentaux se dressent en thuriféraires de l’actuel régime pour la condamnation d’un innocent à une peine manifestement cruelle par un jugement qui dégagent des relents nauséabonds des manipulations politiciennes.
L’interpellation du directeur de cabinet du Président de la République, Monsieur Vital Kamerhe par le parquet a fait naître en RDCongo, l’espoir de voir émerger un État de droit. Vital Kamerhe en se rendant au parquet général de Matete était le Premier à croire en cet idéal.
Mais les congolais ont déchanté quand le directeur de cabinet a été conduit à la prison sans aucun indice sérieux de culpabilité et alors que sa fuite n’était pas à craindre. Les aéroports été fermés à cause du Covid19, le contrôle à tous les points de sortie du pays étaient renforcés.
Les désillusions sont devenues plus profondes quand le directeur de la Raw Bank poursuivi dans la même affaire a bénéficié d’une liberté provisoire, refusé 8 fois de suite au directeur de cabinet du chef de l’État. Plus grave, ce prévenu a pu prendre son vol pour rejoindre son pays d’origine. Cela laisse indifférent ses frères occidentaux qui vendent aux africains l’idée d’une justice équitable.
Bien plus, la population qui a suivi le procès a constaté les difficultés ressenties par les magistrats du parquet et les avocats de la République de démontrer la culpabilité de Monsieur Kamerhe.
Au cours de cette procédure expéditive, un juge a été tué aux dires du ministre de la justice. Jusqu’à ces jours, l’opinion nationale n’a pas encore été fixée ni sur les circonstances ni sur les mobiles de ce décès. Cela ne semble pas inquiéter les chancelleries occidentales.
Aussi, le jugement sorti du prétoire a laissé un goût amer d’injustice flagrante qui réveillerait Émile Zola de sa tombe pour rédiger un nouveau: « J’accuse ».
Curieusement ses descendants feignent la cécité et la surdité devant ce document qui nous place aux antipodes d’un État de droit.
L’élévation en grade des magistrats et l’affectation d’un avocat de la République ayant pris part au procès laisse penser que ces personnes ont reçu une gratification pour avoir cautionné une injustice.
Des magistrats honnêtes existent dans ce pays. Ils ne peuvent pas tous attendre de participer à un procès politique pour être reconnus.
On aurait aimé entendre la voix des ténors de l’État de droit devant ce geste qui frise la corruption.
Il apparait de plus en plus évident que l’arrestation de Monsieur Kamerhe répond plus aux impératifs bassement politiciens et géostratégiques.
Impératifs politiciens en ceci que cette condamnation inique débarrasse le parterre des candidats aux prochaines élections présidentielles d’un adversaire de poids. Aussi, elle sert l’opinion congolaise l’illusion que les choses rentrent petit à petit sur la bonne voie.
Impératifs géostratégiques en ce que la condamnation injuste de Vital Kamerhe apparaît comme un simple dommage collatéral pour les USA et les pays occidentaux qui se battent contre la Chine pour reconquérir la RDC et y repositionner leurs intérêts économiques et militaires.
Les félicitations, notamment des USA au Président de la République pour ce qu’ils appellent « bonne gouvernance » et le soutien financier à la soi disant « lutte contre la corruption » ne sont qu’un moyen pour ces pays dits de la liberté de défendre leurs intérêts stratégiques.
Les américains sont prêts à encenser le animateurs du régime actuel pour peu qu’ils soient naïfs et les laissent refaire de la RDC à la fois leur nouveau terrain de jeu et un champ de bataille.
Autant ils ont utilisé Mobutu pour faire face aux tentacules africaines du communisme, autant ils caressent le régime actuel dans le sens des poils pour limiter petit à petit les investissements chinois en RDCongo.
Point n’est besoin de démontrer qu’après la chute du président Mobutu, abandonné, par ses partenaires occidentaux dont les Etats unis, qui l’avait pourtant porté au pouvoir et avait soutenu sa dictature pendant 30 ans, Laurent Désiré Kabila avait préféré orienter sa diplomatie vers les pays de tradition communiste comme la Chine, la Russie, le Cuba etc.
Kabila fils a suivi la voie tracée par son père. Les contrats dits chinois en est l’illustration.
On se rappellera la manière honteuse dont l’Occident et les institutions de Bretton Woods s’étaient unanimement opposé à ce partenariat gagnant gagnant entre la RDC et la Chine.
En renforçant ainsi le partenariat entre la RDC et la Chine et en ouvrant la porte à tous les États du monde, Joseph Kabila avait signé sa mort politique et peut être physique.
En effet, il avait porté un coup dur à ceux qui étaient convaincus d’avoir un droit de cuissage et un droit de préemption sur la République Démocratique du Congo.
Ceux ci ont fait pleuvoir sur lui et sur ses suiveurs une série de sanctions. Il semble même qu’un dossier d’accusation contre Kabila serait en train d’être fabriqué à la Cour Pénale Internationale, ce nouvel instrument de l’impérialisme.
Pendant ce temps, l’Occident, les États unis en tête, réserve une fin de non recevoir aux appels du prix Nobel de la paix pour la mise en place d’un tribunal pénal spécial pour la RDC en vue de rechercher et de punir les auteurs des violations graves des droits humains. Le Docteur Mukwege se retrouve seul à défendre au risque de sa vie le rapport Mapping qui recèle les informations sur ces crimes et leurs auteurs.
On comprend le silence de l’Occident dans la mesure où les États qui ont ouvertement soutenu les agresseurs de la RDC et les auteurs des violations graves des droits humains, ne peuvent appuyer le plaidoyer du Docteur Mukwege sans mettre en évidence leur propre responsabilité dans la commission des crimes graves dans les Grands Lacs.
C’est le même silence coupable, on s’en rappelle, qui a suivi l’assassinat de Monsieur Patrice Emery Lumumba par les congolais manipulés par les services de sécurité et les multinationales occidentaux. 60 ans après sa mort, personne n’a été jugée pour cet acte ignoble qui a plongé la RDC dans un chaos innommable suivi par la dictature la plus cruelle qu’un pays africain ait jamais connu.
Ces exemples montrent bien que le souci de justice, la construction d’un État de droit et l’émergence de la bonne gouvernance ne sont pas les priorités des donneurs des leçons européens et américains.
Les intérêts de la RDC devraient être tout autant stratégiques et ne devraient pas consister à enfermer un innocent pour son propre plaisir ou pour le plaisir des États qui nous manipulent depuis l’indépendance jusqu’à nos jours.
La participation massive des congolais aux prières et autres manifestations organisées en faveur de la libération de Vital Kamerhe est une preuve, s’il en faut, que le peuple congolais est conscient qu’avec le procès de 100 jours, on lui a flanqué de la poudre aux yeux.
Les congolais ne sont pas dupes et exigent que l’État de droit soit aussi celui où les droits de la défense sont respectés et où les innocents ne soient pas maintenus en prison pour servir d’appâts aux investisseurs étrangers ou pour barrer la route aux adversaires politiques.
On ne peut pas vouloir les choses et leurs contraires. On ne peut pas à la fois se lancer dans la construction d’un État de droit et maintenir des innocents en prison.
Garder Vital Kamerhe en prison est manifestement une injustice qui contredit tous les discours sur la lutte contre la corruption, la recherche de la bonne gouvernance ou l’émergence d’un État de droit.
Un État de droit est aussi celui où chaque citoyen devrait se sentir en sécurité, chez lui, indépendamment des promesses fallacieuses et des pressions exercées sur lui par les puissances occidentales. Les congolais ne partagent pas la conception d’une justice qui punit ceux qui n’ont commis aucun crime.
Le maintien de Vital Kamerhe en prison couvre la RDCongo d’opprobre vis à vis de ses citoyens, vis à vis des États africains mais surtout vis à vis de ceux qui font semblant de soutenir le régime actuel pour mieux servir les intérêts stratégiques de leurs États.
Ce procès en appel est une opportunité pour la justice congolaise et les politiciens congolais de redorer leur image et de renforcer leur crédibilité à l’égard des congolais.
Tant que Vital Kamerhe ne sera pas libéré, la population aura la triste impression d’être manipulée par les politiques et les manifestations pour exiger sa libération vont se poursuivre et devenir plus amples au fur et à mesure qu’on avancera vers les prochaines échéances électorales qui sanctionneront les acteurs politiques au pouvoir aujourd’hui.
Innocent BUGANDWA ZIGABE