À la rentrée parlementaire, mardi 15 septembre 2020, le président du Sénat s’est fendu d’un discours aux accents bien connus. Souveraineté, tribalismes, gestion du pays, mais le point d’orgue de son oraison a sans doute été l’allusion faite aux élections de 2023 qui doivent se tenir, comme on le sait déjà, coûte que coûte.
Le Président du Sénat a plaidé pour l’ouverture d’un compte spécial qui devrait être alimenté au fur et à mesure, pour pas qu‘on se retrouve avec le scénario de l’an 2016 où le Gouvernement criait sur tous les toits que l’état des finances publiques ne permettait pas la tenue des élections dans les délais constitutionnels.
Les paladins de la tenue des élections dans le respect des délais, ici représentés par Thambwe Mwamba, ont raison en ce que la RDC doit s’honorer d’un respect strict de cette disposition fondamentale dans la Constitution, pour éviter de perpétuer la honteuse tradition des glissements. Mais cela a coût. Le prix à payer pour l’organisation ponctuelle de l’élection présidentielle de 2023 passe par une mobilisation efficace des finances publiques, par la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance, et par la rationalisation des dépenses dans les institutions de l’État.
N’est-il pas curieux de constater que ceux qui se découvrent une passion soudaine pour le respect des délais, jusqu’à demander l’ouverture d’un compte pour les élections, sont en même temps des pourfendeurs impitoyables de la Justice, quand celle-ci court après les criminels financiers et s’évertue à remettre au trésor des millions voire des milliards de dollars soustraits des caisses de l’État?
En effet, si en 2016 il n’y a pas eu d’argent pour financer les élections, c’est parce que l’on était plus préoccupé à investir dans des projets extrabudgétaires, à s’accaparer les fonds du projet Bukangalonzo, à faire miroiter aux fonctionnaires l’intérêt d’une bancarisation de la paie dont il s’avère aujourd’hui qu’elle a alimenté quelques poches à hauteur de plusieurs millions de dollars payé à des fictifs, à ouvrir des comptes parallèles à la Banque Centrale, et à accorder des exonérations fiscales irrégulières à des copains.
Que le président du Sénat et sa famille politique réclament la tenue des élections à temps, devrait signifier que le FCC sera du côté de la Justice pour traquer tous les voleurs des deniers publics, à commencer par ceux de leur camp, au lieu de dénoncer la « République des juges » avec la hargne qu’on leur connaît. Ça aurait dû impliquer de la part du président du Sénat l’utilisation de sa jugeote pour privilégier la rationalisation des dépenses au sein des institutions, au lieu de faire réfectionner la salle des plénières du Sénat à coup de 4 millions de dollars américains. D’autres exemples seraient superflus.
Le paradoxe est éloquent : le FCC veut le beurre et l’argent du beurre. Depuis que leur autorité morale a cédé le fauteuil présidentiel, il se passe les nuits blanches se multiplient chez un certain nombre de personnalités qui sont condamnées à vivre au gré des crises de panique qu’occasionnent les convocations devant la Justice et les missions d’inspection de l’IGF. D’où cette agitation pour 2023, échéance par laquelle ils jurent désormais, en espérant un remplacement à la Présidence, pourquoi pas un retour improbable.
Le FCC ne peut pas avoir des élections en 2023 s’il reste dans le même temps arc-bouté sur une posture de méfiance et d’agressivité envers les efforts consentis par la Justice, l’IGF et l’Éxecutif, quand ceux-ci veulent s’employer à combattre la corruption et la mauvaise gouvernance qui, comme on le sait bien, sont des maux qui empêchent à l’État d’honorer ses engagements.
Oui à des élections en 2023, grâce à la Justice qui remonte le fil des abus passés et qui combat les égarements d’aujourd’hui, grâce à l’IGF, grâce à l’Éxecutif, grâce à la conscience nationale qui souscrit totalement à la rigueur dans la gestion de la chose publique. Je ne suis pas sûr que le FCC souscrit à cela.
Simeon NKOLA MATAMBA