Par Napoléon TSHILOBO
L’ambassade de République démocratique du Congo en France a refusé le visa au bâtonnier Olivier Sur, un des avocats de Vital Kamerhe qui devrait se rendre à Kinshasa pour plaider en faveur de son client condamné au premier degré à 20 ans de travaux forcés et dont le procès en appel intervient dans quelques jours. Depuis, on a assisté à une sorte de levée de boucliers dans les rangs des proches du Directeur de cabinet du chef de l’État, à l’instar de Bertin Mubonzi, Député national et leader des jeunes de l’UNC. Alors que ce dernier dénonce une cabale politique contre son président national et une violation de la coutume internationale en matière de coopération judiciaire, la réaction du ministère des affaires étrangères n’a pas tardé.
Pour le Conseiller juridique du Ministre des affaires étrangères, la RDC via son ambassade de France n’a pas refusé d’octroyer le visa à l’avocat français pour venir prester au Congo, défendre son client, l’honorable Vital KAMERHE. Selon ce dernier, l’intéressé ne remplit plutôt pas les conditions requises prévues dans l’ordonnance – loi de 1979 portant organisation du barreau (…), puisqu’un Avocat étranger ne peut prester en RDC que s’il existe un accord réciprocité ou une convention de coopération entre Etats ou Barreaux.
Le Député Bertin Mubonzi de son côté pense le contraire. D’après lui, rien ne justifie le rejet de la demande d’octroi de visa introduite en bonne et due forme par le Conseil de Vital KAMERHE à l’Ambassade de la RDC en France ; pour autant que la RDC en tant que membres des Nations Unies et ratificatrice de plusieurs instruments juridiques internationaux accordant une part belle aux droits de l’homme – notamment la charte des nations unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques – est tenue de faire sienne ces résolutions ou recommandations adoptées.
En l’espèce, dans le domaine de droits de l’homme, l’Organisation des Nations Unies lors de son 8ème Congrès pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à la Havane (CUBA) du 27 aout au 7 septembre 1990, a adopté une Résolution relative aux Principes de base relatif au rôle du barreau.
La RDC étant membre des Nations Unies, cette Résolution la touche également au plus haut point, notamment en son point 19 qui réaffirme qu’ : « aucun Tribunal ni autorité administrative devant lesquels le droit d’être assisté par un conseil est reconnu ne refuseront de reconnaitre le droit d’un Avocat à comparaître devant elle au nom de son client, à moins que ledit Avocat n’y soit habilité en vertu de l’application de la loi et de la pratique nationales ou des présents Principes. »
C’est d’ailleurs cette résolution qui permît à feu Me Jacques Verges, Avocat français dans l’affaire feu Yerodia Abdoulaye Ndombasi (Ministre des affaires étrangères) contre le Royaume de Belgique, d’obtenir un visa d’entrée en RDC pour une consultation avec son client ; ce, suite au mandat d’arrêt international lancé en juillet 2000 par la Justice Belge.
Considérant que la Résolution de la HAVANE a été prise en application de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration Universelle des droits de l’homme et du Pacte International des droits civiques et politiques ; traités valablement ratifiés par la RDC et universellement appliqués par quasiment tous les Etats du globe, il n’existe donc aucune justification légale pour que les autorités administratives ne se resignent à accorder l’autorisation de séjour en RDC au Conseil de Vital Kamerhe.
Aussi, en confrontant le principe affirmé au point 19 de la Résolution susmentionnée avec l’article 215 de notre Constitution, il appert sans doute que les traités et accords internationaux ont dès leur publication, une autorité supérieure à celles des lois nationales, sous réserve bien entendu pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie.
Au-delà de ce qui précède, notons par ailleurs que l’article 19 de la Constitution garantie le droit d’accès au juge aux citoyens, en affirmant que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent ». En répliquant dans son communiqué de presse à l’autorité administrative qu’il existe une coutume internationale quant à ce, Me Olivier SÜR a rencontré la position des Nations unies et celle de la Constitution congolaise.
Enfin, contrairement à la négation absolue du Conseiller juridique du Ministre des affaires étrangères sur les ondes de la radio TOP CONGO de l’inexistence d’une convention de coopération entre le Barreau de Paris et un autre de la RDC, il y’a lieu de souligner qu’il existe bel et bien un accord entre le Barreau de Paris et celui de Goma datant de 2014, et que rien donc dans cette la démarche n’est contra legem ou contraire aux normes nationales.