« Vox Populi Vox dei ». La paternité de la formule est généralement attribuée à Alcuin (vers 735-804), savant anglo-saxon et conseiller de Charlemagne. Ce qui n’est pas tout à fait vrai !
Vers 798, alors qu’il répond à une série de questions érudites envoyées par le souverain, Alcuin écrit : « Le peuple doit être dirigé selon les lois divines, et non être obéi […]. Il ne faut pas écouter ceux qui ne cessent de dire : +La voix du peuple est la voix de Dieu+, car la vocifération d’une foule est toujours proche de la folie ». (Historia, numéro spécial de Février 2013).
La foule est toujours intellectuellement inférieure à l’homme isolé, mais au point de vue des sentiments et des actes que ses sentiments provoquent, elle peut – suivant les circonstances – être meilleure ou pire. Tout dépend de la façon dont la foule est suggestionnée. C’est là ce qu’ont parfaitement méconnu les écrivains qui n’ont étudié les foules qu’au point de vue criminel. La foule est souvent criminelle, sans doute, mais souvent aussi elle est Héroïque.
Les foules amenées à se faire tuer
Ce sont surtout les foules qu’on amène à se faire tuer pour le triomphe d’une croyance ou d’une idée, qu’on enthousiasme pour la gloire et l’honneur, qu’on entraine presque sans pain et sans armes comme à l’âge des croisades, pour délivrer de l’infidèle le tombeau d’un Dieu, ou comme en 93 (en 2002, pour le cas de la RDC lorsqu’elle a défendu à mains nue la ville de Kinshasa contre l’invasion des militaires du RCD), pour défendre le sol et la patrie.
Héroïsmes un peu inconscients, sans doute, mais c’est avec ces héroïsmes-là que se fait l’histoire. S’il ne fallait mettre à l’actif des peuples que les grandes actions froidement raisonnées, les annales du monde en enregistreraient bien peu ….
Simplicité et exagération des sentiments des foules
Quels que soient les sentiments, bons ou mauvais, manifestés par une foule, ils présentent ce double caractère d’être très simples et très exagérés. Sur ce point, comme sur tant d’autres, l’individu en foule se rapproche des êtres primitifs. Inaccessible aux nuances, il voit les choses en bloc et ne connait pas les transitions. Dans la foule, l’exagération des sentiments est fortifiée par ce fait, qu’un sentiment manifesté se propageant très vite par voie de suggestion et de contagion, l’approbation évidente dont il est l’objet accroit considérablement sa force.
La simplicité et l’exagération des sentiments des foules font que ces dernières ne connaissent ni le doute ni l’incertitude. Elles vont tout de suite aux extrêmes. Le soupçon énoncé se transforme aussitôt en évidence indiscutable. Un commencement d’antipathie ou de désapprobation, qui, chez l’individu isolé, ne s’accentuerait pas, devient aussitôt haine féroce chez l’individu en foule.
Ce ne sont pas les faits en eux-mêmes qui frappent l’imagination populaire, mais bien la façon dont ils sont présentés. Il faut qu’ils soient condensés de façon à produire une image saisissante qui remplisse et obsède l’esprit. Il ne faut pas croire, en effet, que c’est simplement parce que la justesse d’une idée est démontrée qu’elle peut produire ses effets, même chez les esprits cultivés.
La foule exagérée dans ses sentiments, impressionnée par des sentiments excessifs
L’exagération, chez les foules (ou « BASE »), selon le mot en vogue), porte malheureusement souvent (pas toujours heureusement) sur de mauvais sentiments, reliquat atavique des instincts de l’homme primitif, que la crainte du châtiment oblige l’individu isolé et responsable, à refréner. C’est ce qui fait que les foules sont si facilement conduites aux pires excès. Suggestionnées habilement, les foules (ou Base) sont capables d’héroïsme, de dévouement et de vertus très hautes.
La foule est exagérée dans ses sentiments, elle n’est impressionnée que par des sentiments excessifs. L’orateur qui veut la séduire doit abuser des affirmations violentes. Exagérer, affirmer, répéter, et ne jamais tenter de rien démontrer par un raisonnement. La foule veut la même exagération dans les sentiments de ses héros. Leurs qualités et leurs vertus apparentes doivent toujours être amplifiées.
De ce fait, nous pouvons, en comprenant le raisonnement des foules et les mécanismes qui les font réagir, saisir son comportement et adapter un discours afin de lui transmettre le message désiré et avoir son adhésion. Le changement profond de la mentalité de nos foules est un long processus. Ce que nous voyons et vivons aujourd’hui au Congo, la versatilité des hommes politiques, leur manque de vision et de profondeur, n’est pas nouveau. De 1960 à 1965 nous vivions exactement la même situation.
Le président Mobutu, avait su, par la force et la simplicité du message qu’il a porté, suscité l’adhésion d’un grand nombre. Mais, son charisme, n’a pas été au service du changement de l’homme Congolais. Le Congo d’aujourd’hui a encore besoin d’un homme Fort et vertueux, qui serait insensible aux MABANGA, porteur d’une vision partagée par une élite, militaire et politique, pour l’émergence d’un Congo fort. Cette vision commencerait par le renoncement à nos particularisme ethnico-tribalistes, et ce par l’éducation et la force ….
BOF! Qui me lira sur cette toile? Les congolais aiment les raccourcis et les images fortes … En plus, je n’ai pas de « Base » … Je me tais …
Pour le moment …
Jean-Pierre Kalota