Le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba devant l’Assemblée nationale le 03/09/2019 au Palais du peuple à Kinshasa lors de la présentation du programme de son gouvernement.
Par Angelo Mobateli
À l’Assemblée nationale en session extraordinaire depuis le 5 janvier 2021 sous la direction du Bureau d’âge, dont 301 députés membres de l’Union Sacrée lui ont adressé une motion de censure contre le gouvernement qu’il dirige, le Premier mlnistre de la RD Congo, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, répond qu’il se tient « à la disposition du Bureau définitif ».
« Je me tiens à la disposition du Bureau définitif », dit-il dans sa réponse à la correspondance lui adressée, du fait que » le Bureau d’âge est tenu de faire diligence en organisant dans les plus brefs délais le scrutin pour l’élection du Bureau définitif, seul doté des pouvoirs de plein exercice pour diligenter la procédure et instrumenter les actes afférents à toute motion de censure ».
Et d’insister :
« Dans de telles conditions, où les principes les plus élémentaires de la République sont systématiquement bafoués, et quand la Constitution est désacralisée par des violations récurrentes ; dans ces conditions, dis-je, je me retrouve dans l’obligation d’interroger ma conscience et ma responsabilité d’homme d’État.
Aussi est-ce par déférence pour les Honorables Députés Nationaux, représentants légitimes du peuple congolais, que j’ai estimé approprié de vous fournir ces quelques éclairages, utiles aux enjeux politiques du moment ».
Il enfonce le clou :
» En effet, en vertu du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale et à la lumière des arrêts récents rendus par la Cour Constitutionnelle, le champ des compétences du Bureau d’âge ne peut aucunement excéder le cadre de la gestion des affaires courantes de l’Assemblée Nationale ».
Nous publions ci-dessous la réponse du Premier mlnistre Sylvestre Ilunga Ilunkamba dont une copie est parvenue, mercredi 27 janvier 2021, à Congoreformes.com.
MOTION DE CENSURE CONTRE LE GOUVERNEMENT : REPONSE DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT, A MONSIEUR LE PRESIDENT DU BUREAU D’AGE DE L’ASSEMBLEE NATIONALE
Honorable Président du Bureau d’âge,
Honorables Membres du Bureau d’âge,
Honorables Députés nationaux,
Dans une correspondance datée du 23 janvier 2021, le Président du Bureau d’âge de l’Assemblée Nationale m’a transmis une motion de censure signée par 301 Députés nationaux contre le Gouvernement que je dirige et m’invitait à me présenter à la plénière prévue le mardi 26 janvier 2021.
Tenant compte de ma mission officielle dans le Haut-Katanga, l’assemblée plénière a reporté la séance.
Loin de moi l’idée de susciter ou d’engager une polémique stérile face à la détermination d’une certaine classe politique décidée de fouler aux pieds, non seulement le Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale, mais aussi et surtout notre Loi fondamentale. Cela laisse sans voix nos compatriotes et l’opinion internationale qui se demandent ce qui reste encore de notre République.
Les avancées démocratiques notables enregistrées durant les dernières décennies connaissent depuis peu une nette régression.
Honorables Députés Nationaux,
Dans la motion adressée au Gouvernement, les Honorables Députés avancent des griefs liés à l’exécution du programme du Gouvernement. Ces griefs portent sur les plans suivants :
- politique, défense et sécurité ;
- économie et finances ;
- reconstruction ;
- social et culturel.
Je ne vais pas réagir de manière détaillée à toutes les allégations des motionnaires, mais je vais plutôt décliner ma position, en six points majeurs, à savoir : - La portée du programme du Gouvernement ;
- L’investiture du Gouvernement neuf mois après celle du Président de la République ;
- L’environnement économique et social de l’année 2020 affecté par la pandémie à Covid-19 ;
- La conduite des réunions du Conseil des Ministres ;
- Les acquis du Gouvernement à consolider ;
- Le caractère paradoxal de la motion de censure.
S’agissant du premier point, le Programme du Gouvernement, défini de concert avec le Président de la République, est établi pour une période de cinq ans, c’est-à-dire pour la durée de la législature. Il serait donc biaisé de vouloir en établir le bilan général et de tirer des conclusions hâtives au terme de seulement 15 mois de son exécution.
Du point de vue économique et même social, il y a toujours un délai de réponse entre le moment où les mesures sont mises en œuvre et le moment où leurs effets commencent à se manifester. On ne peut donc s’attendre à trouver des réponses aux problèmes réputés structurels, dans un horizon conjoncturel.
S’agissant du deuxième point, permettez-moi de rappeler à votre bon souvenir que mon Gouvernement est entré en fonction neuf mois après l’investiture de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat.
Avant que mon Gouvernement ne soit investi, nul n’ignore que les finances publiques ont été gérées de manière non orthodoxe. Les dérapages révélés à l’occasion du procès dit « de 100 jours » n’en sont qu’une illustration.
J’avais personnellement tiré la sonnette d’alarme au sujet de cette situation dès le mois de juillet 2019, soit deux mois avant ma prise de fonctions. Les caisses de l’Etat étaient quasiment vides, les réserves de change érodées et le Franc Congolais battait de l’aile. En outre, les Provinces enregistraient plusieurs mois d’arriérés de rétrocession, sans compter bien d’autres engagements de l’Etat, en souffrance.
Honorables Députés Nationaux,
Il y a lieu de retenir que le 6 septembre 2019, à l’investiture de mon Gouvernement, cette première année de la législature était largement entamée sur le plan budgétaire. Aussi, ai-je pris mes fonctions sous le signe de la correction inévitable de différents déséquilibres dont nous avons hérité, afin d’asseoir les conditions indispensables à l’essor économique et social de notre pays. En outre, je me suis attelé, avec mon équipe, à préparer dans les meilleurs délais le Budget pour l’exercice 2020.
S’agissant du troisième point, permettez-moi d’évoquer la survenue, dès janvier 2020, de la pandémie à Covid-19, dont les effets néfastes se sont répercutés sur l’économie et les finances publiques, non seulement de notre pays mais également de toutes les nations du monde. Dans ce contexte, quel Gouvernement se targuerait d’avoir aligné des performances économiques au cours de l’année 2020 ?
Aussi, sur le plan social, la priorité du Gouvernement a-t-elle consisté à préserver la vie de nos concitoyens contre les effets de cette maladie qui a décimé des millions d’êtres humains à l’échelle mondiale. A cet effet, mon Gouvernement a élaboré un plan de riposte contre la pandémie ; plan exécuté du reste avec satisfaction. Dans la foulée, nous avons mis en place, depuis mai 2020, un Programme Multisectoriel d’Urgence d’Atténuation des Impacts de la Covid-19, PMUAIC en sigle.
L’exécution de ce programme, qui se poursuit jusqu’à ce jour, comprend une batterie de mesures idoines sur les plans économique, financier, fiscal et commercial, visant à sauvegarder le tissu économique et à limiter la détérioration du bien-être social.
Quatrièmement, il y a lieu de relativiser la responsabilité du Gouvernement dans le prétendu échec allégué par certains Honorables Députés, et surtout de ne pas évoquer un quelconque blocage dans la mise en œuvre du Programme. Je rappelle une fois de plus à votre meilleur souvenir que la quasi-totalité des 52 réunions du Conseil des Ministres ont été présidées par le Président de la République, Chef de l’Etat, lequel donnait des orientations sur bon nombre de dossiers au titre de communications. Ses orientations étaient coulées par la suite sous forme de décisions du Conseil.
S’agissant du cinquième point, je suis fier, avec l’ensemble de mon équipe, d’avoir réussi, en dépit des circonstances difficiles tant du point de vue national qu’international, à maintenir la stabilité du cadre macroéconomique, gage de croissance et d’amélioration progressive des conditions sociales.
Malgré l’accélération des prix intérieurs entre avril et juillet 2020, induite par les mesures de confinement, l’inflation a été contenue à environ 15 %, tandis que le taux de change a été stabilisé autour de 2 000 Francs congolais pour 1 dollar américain, depuis plus de six mois. A ce propos, je tiens à remercier nos partenaires techniques et financiers, en l’occurrence le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement, qui, grâce à leur confiance en mon Gouvernement, nous ont soutenus en cette période difficile de la pandémie à Covid-19 et de l’impérieuse nécessité à assurer la gratuité de l’enseignement de base.
Sur le plan du climat des affaires, nous avons réussi à améliorer notre taux de facilitation, qui est passé de 35,2 % à 36,2%. Cet effort, bien que minimisé par certains Députés nationaux, constitue un acquis qui mérite d’être poursuivi et consolidé.
Il en est de même de l’élan à sauvegarder, dans les échanges engagés avec les services techniques du Fonds Monétaire International, afin de bénéficier d’un appui au titre de Facilité élargie de crédit pour 2021-2023.
Dans le secteur minier, la mise en route réussie du code minier révisé a permis le financement de certaines infrastructures de base grâce à l’application de la nouvelle clé de répartition de la redevance minière. L’opération a permis également de constituer d’importantes réserves financières au titre de Fonds minier pour les générations futures, FOMIN en sigle.
Je ne manquerai pas non plus d’évoquer la mise sur pied du Plan national de relance agricole qui vise l’ensemencement de 7,5 millions d’hectares avec 80 000 encadreurs pour l’ensemble des 26 provinces du pays, impliquant un total de plus de 14,5 millions de ménages.
Sixièmement, et pour terminer, je voudrais prendre à témoin l’opinion nationale et internationale sur le caractère paradoxal de la motion dont question.
En effet, il y a à peine un mois, l’Assemblée Nationale avait voté massivement, avec plus de 380 voix, la Loi de Finances pour l’exercice 2021. Par cet acte, nos Honorables Députés nationaux apportaient un soutien exceptionnel au Gouvernement de la République. Voilà qu’aujourd’hui, certains Députés reviennent à la charge pour adresser une motion de censure au même Gouvernement ! Nous comprenons que des pesanteurs politiciennes ont pris le dessus sur les principes cardinaux de la République.
Honorable Président du Bureau d’âge,
Honorables Membres du Bureau d’âge,
Honorables Députés nationaux,
De ce qui précède et comme vous pouvez le constater, la fameuse motion de censure contre mon Gouvernement n’est qu’une manœuvre politicienne sans fondement factuel et au mépris des exigences de l’Etat de Droit.
Dans de telles conditions, où les principes les plus élémentaires de la République sont systématiquement bafoués, et quand la Constitution est désacralisée par des violations récurrentes ; dans ces conditions, dis-je, je me retrouve dans l’obligation d’interroger ma conscience et ma responsabilité d’homme d’Etat.
Aussi est-ce par déférence pour les Honorables Députés Nationaux, représentants légitimes du peuple congolais, que j’ai estimé approprié de vous fournir ces quelques éclairages, utiles aux enjeux politiques du moment.
En effet, en vertu du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale et à la lumière des arrêts récents rendus par la Cour Constitutionnelle, le champ des compétences du Bureau d’âge ne peut aucunement excéder le cadre de la gestion des affaires courantes de l’Assemblée Nationale.
En revanche, le Bureau d’âge est tenu de faire diligence en organisant dans les plus brefs délais le scrutin pour l’élection du Bureau définitif, seul doté des pouvoirs de plein exercice pour diligenter la procédure et instrumenter les actes afférents à toute motion de censure. Dans ces circonstances, je me tiens à la disposition du Bureau définitif.
Fait à Kinshasa, le 26 janvier 2021
Sylvestre ILUNGA ILUNKAMBA