Par Angelo Mobateli
La République démocratique du Congo n’est toujours pas rentrée dans ses droits à la suite de la condamnation de l’Ouganda par la
Cour internationale de justice, en 2005, pour l’indemniser pour les pertes subies durant l’occupation de son territoire (1997-2003). À l’aube de l’exécution de sa vision de l’Union sacrée pour la nation (USN), le président Félix Tshisekedi doit récupérer, auprès de l’Ouganda, 23 milliards USD pour les pertes causées sur le territoire congolais (1997-2003), pour financer ses projets.
Le 19 décembre 2005, dans un arrêt “définitif, sans recours et obligatoire” pour les deux États, la CIJ avait donné raison au Congo-Kinshasa et lui a reconnu le droit à être dédommagé.
Me Michel Lion, l’avocat belge qui avait déposé les requêtes pour le Congo en 1999, a déclaré à Marie-France Cros de La Libre Afrique.be qu’il estimait que le Congo avait tout intérêt à relancer l’affaire à La Haye. Seul l’Ouganda est poursuivi.
Le 16 janvier 2020, William Byaruhanga, procureur général de la République ougandaise, a assuré devant une commission parlementaire à Kampala, que Kinshasa avait d’abord demandé « 23 milliards » et que l’Ouganda avait offert « 150 millions de dollars« , proposition que le Congo n’aurait pas encore acceptée, rapporte Marie-France Cros de la Libre Afrique.
Il ajoutait que l’Ouganda « risquait gros » si l’affaire était renvoyée devant la CIJ.
Contacté fin 1998 par les autorités du régime de Laurent Kabila, Me Lion avait déposé en juin 1999 trois requêtes devant la CIJ, l’organe judiciaire de l’Onu accessible uniquement aux États. L’une accusait l’Ouganda, les deux autres le Rwanda et le Burundi, d’agression contre le Congo; elles demandaient que la Cour ordonne le départ sans condition des agresseurs et affirme le droit de Kinshasa de réclamer des dédommagements.
Ni le Burundi, ni le Rwanda ne reconnaissant la juridiction de la CIJ, seul l’Ouganda avait été poursuivi. Ses soldats, arrivés en 1997 au Congo à la demande de Laurent Kabila, n’avaient pas été rappelés à Kampala quand le président congolais avait demandé leur départ, en juillet 1998. Ce n’est qu’en mai 2003 qu’ils étaient rentrés chez eux.
Aucun délai n’avait été fixé pour s’entendre, à la satisfaction de Kampala. Quand, dix ans après son arrêt, le 13 mai 2015, la CIJ annonça une prochaine audience publique sur l’affaire – le plus ancien de ses dossiers en cours – l’Ouganda jugea que cette démarche était “prématurée” (sic).
De son côté, le Congo – alors dirigé par Joseph Kabila – s’illustrait par “une dispute entre le ministre de la Justice, Alexis Thambwé Mwamba, et le principal avocat de la République, Me Tshibangu Kalala, détenteur du dossier. La CIJ recula la date limite pour un accord entre les deux États à plusieurs reprises. À chaque fois à la demande des deux parties »,
rappelle Me Lion cité par Marie-France Cros.
La dernière date fixée était du 18 au 22 novembre 2019. Mais, une nouvelle fois, le 13 novembre, les deux États aya t demandé conjointement un enième report, la CIJ avait décidé de postposer, cette fois sine die, l’audience publique sur les réparations.
« Il n’y a donc pas de fixation officielle d’une date pour déterminer le montant des dédommagements dus par l’Ouganda à la RD Congo », constate l’avocat belge, consterné.
Sans qu’on comprenne pourquoi Kinshasa est resté si longtemps inerte, rien ne s’est passé durant 9 ans. Les deux pays n’ont commencé à discuter du montant des dédommagements qu’en 2014, en Afrique du Sud. Mais, ils n’ont absolument pas avancé vers un accord.
« La logique est donc, pour le Congo, de saisir à nouveau la CIJ pour que ce soit elle qui fixe le montant à payer, estime Me Lion. La démarche n’est pas fréquente mais il y a des précédents », ajoute-t-il.
Des routes en guise de dédommagement ?
Selon Marie-France Cros, la dernière demande conjointe de report de l’audience publique est intervenue alors que le président Félix Tshisekedi venait de rencontrer à Kampala son homologue ougandais, Yoweri Museveni.
Les deux hommes avaient ensuite annoncé un projet commun de construction de trois routes dans les deux ans, « pour faciliter le commerce » entre les deux pays: Mpondwe (district de Kasese, ouest de l’Ouganda) – Beni (Nord-Kivu, est du Congo), soit 977 km; Goli (West Nile, nord de l’Ouganda) – Bunia (Ituri, nord-est du Congo), soit 181 km; Bunagana (extrême sud-ouest ougandais, à la frontière avec le Congo) – Rutshuru (Nord-Kivu), soit 24 km. On n’a pas précisé qui financera ces projets.
On parle aussi d’étendre le réseau électrique ougandais à la ville frontalière congolaise d’Aru.
Et le 18 février 2020, Kampala a annoncé l’ouverture d’une ligne aérienne directe avec Kinshasa, rappelle la journaliste.
Par Angelo Mobateli