
Des soldats congolais près du siège du gouverneur du Nord-Kivu, à Goma, le 10 mai 2021
Plus de 1.200 civils ont été tués cette année dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, s’est alarmé vendredi 10 septembre 2021 le HCR, soulignant que des millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire dans cette partie de l’est de la République démocratique du Congo. Le Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés indique avoir enregistré avec ses partenaires « plus de 1.200 morts parmi les civils et 1.100 viols cette année » dans le Nord-Kivu et l’Ituri, a déclaré le porte-parole du HCR Boris Cheshirkov lors d’un point de presse à Genève.
Les deux provinces sont placées par les autorités congolaises sous état de siège depuis début mai 2021, mesure exceptionnelle visant à mettre fin aux activités des groupes armés, notamment les Forces démocratiques alliées (ADF).
Depuis, les attaques attribuées aux ADF « ont augmenté en brutalité depuis fin 2020 et la fréquence des meurtres de civils n’a pas diminué », déplore le HCR.
Auteurs présumés de plusieurs attaques meurtrières récentes dans la région, les ADF étaient à l’origine des rebelles musulmans ougandais et sont maintenant présentés par l’organisation jihadiste État islamique (EI) comme sa branche en Afrique centrale.
Le HCR indique également avoir « enregistré 25.000 violations des droits humains cette année » et « plus d’un million de Congolais déplacés à l’intérieur de l’est du pays », a ajouté ce porte-parole.
Cette agence onusienne appelle à des mesures urgentes pour protéger les civils et à davantage de soutien de la communauté internationale. « À moins de quatre mois de la fin de l’année, nous n’avons reçu que 51% des 205 millions de dollars nécessaires en 2021 pour l’opération en RDC », note le HCR.
La partie orientale de la RDC est en proie à la violence depuis 25 ans en raison de la présence de nombreux groupes armés locaux et étrangers, dont les ADF généralement présentés comme les plus meurtriers.
Depuis janvier, 642 personnes ont été tuées par ce groupe au Nord-Kivu et en Ituri, d’après le dernier décompte du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST).
Le gynécologue congolais et prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, a également estimé vendredi que « malgré l’état de siège », « la situation sécuritaire ne semble pas s’améliorer » et a appelé à la création d’un tribunal international pour la RDC.
Des femmes congolaises se rassemblent à un point de distribution alimentaire au Nord-Kivu, dans l’est de la RDC (archive)
Des récits horribles de violences sexuelles, d’extorsion et de pillage
Le dernier épisode de ces atrocités est intervenu le 6 septembre dernier. Ce jour-là, un groupe armé aurait violé 10 femmes déplacées dans le territoire de Djougou, dans la province d’Ituri.
Le 3 septembre dernier, des hommes armés identifiés comme des membres des ADF ont fait irruption dans un village du territoire d’Irumu, tuant 15 civils, incendiant 10 maisons et enlevant deux femmes.
« Malgré les efforts du gouvernement pour réduire les abus des groupes armés, nos équipes continuent d’entendre des récits horribles de violences sexuelles, d’extorsion et de pillage », a regretté M. Cheshirkov.
Par ailleurs, suite à cet état de siège, les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri sont désormais dirigées par des gouvernements militaires. Depuis lors, l’armée nationale a intensifié ses opérations et les tribunaux militaires ont remplacé les tribunaux civils.
Certains groupes armés, voyant leur territoire se réduire, se sont rendus. D’autres ripostent aux opérations militaires par des représailles contre les villages et les individus qu’ils perçoivent comme soutenant le gouvernement.
Au total, plus d’un million de Congolais ont été déplacés dans l’est de la RDC depuis de l’année. « Les déplacements répétés ont exercé une pression énorme sur les personnes contraintes de fuir et sur les familles d’accueil qui ont accueilli 94 % de la population déplacée de force en RDC », a détaillé le porte-parole du HCR.Le PAM distribue de la nourriture pour répondre à la crise humanitaire dans la province de l’Ituri, en RDC (archives).
Le manque de nourriture déclenche souvent un retour prématuré des déplacés
Les familles d’accueil ont fait preuve d’une grande générosité à l’égard de leurs compatriotes, mais elles sont épuisées. Selon le HCR, elles ont besoin d’être soutenues si elles veulent continuer à jouer leur rôle de premiers intervenants.
D’autant que sur le terrain, les conditions de vie difficiles et le manque de nourriture déclenchent souvent un retour prématuré des personnes déplacées vers leur lieu d’origine. Ce qui les expose « davantage aux abus et à la violence ».
Face à cette insécurité et ces abus contre les civils, le HCR réitère son appel à des mesures urgentes pour protéger les civils. « Nous soutenons les autorités locales et les groupes de la société civile qui réagissent de manière répétée aux déplacements forcés récurrents et continuent à fournir une aide vitale, un soutien psychosocial et d’autres formes de soutien aux personnes dans le besoin », a conclu M. Cheshirkov.
Avec La Libre Afrique/AFP/ONU Info