Verdict de la mission d’audit de l’OIF sur le fichier électoral en République démocratique du Congo : un fichier « inclusif, exhaustif et actualisé, mais perfectible ». C’est pour améliorer la qualité de ce fichier électoral que les élections ont été reportées deux fois.
Or, selon la mission de l’OIF, il y a encore des enquêtes à mener ou des dispositions à prendre pour s’assurer de la crédibilité des élections. En 2011, ces dernières avaient été déclarées non crédibles par l’Union européenne pour de sérieux doutes sur 18% des suffrages exprimés.
Aujourd’hui, pour 16,6% des électeurs, il n’y a pas d’empreintes digitales. Le général Siaka Toumani Sangaré est le chef de la mission d’audit. Il est l’invité de Sonia Rolley.
RFR : général Sangaré, est-ce que vous êtes satisfait du fichier électoral de la RDC pour cette année 2018 ?
Général Sangaré : Comparativement aux autres années je pourrais nuancer quelque peu ma réponse. Mais je serais très satisfait si les recommandations qui ont été formulées sont mises en application.
Parce que vous relevez notamment que 16,6% des électeurs ont été enregistrés sans empreinte digitale ?
Oui. Ce problème, des 16,6% d’électeurs, a été une préoccupation majeure. Non seulement de l’équipe d’experts, mais par l’ensemble du comité et l’analyse a été menée. Mais malheureusement, cette analyse n’a pas pu identifier les motifs réels de l’absence d’empreintes et c’est cela qui est très gênant. Mais sur le plan juridique, il se trouve que loi a laissé une porte ouverte à l’acceptation des électeurs sans empreinte.
Et c’est pour cela que nous, à notre niveau, nous avons demandé qu’il y ait des investigations au niveau de la Céni (Commission électorale nationale indépendante) pour identifier les causes réelles. Et nous avons mis un accent particulier sur l’affichage des listes provisoires. Les listes à l’état actuel doivent être affichées. Et cela appelle un contrôle populaire. C’est à cette occasion qu’on pourra vérifier la réalité de ces électeurs sans empreinte et des électeurs, aussi, qui font l’objet d’autres anomalies.
Est-ce que cela veut dire que c’est possible que ces électeurs soient des électeurs fictifs ?
Nous ne sommes pas en mesure de porter une appréciation objective. Ça, je le dis sur la réalité des 16,6%. C’est pour cela que nous demandons que des investigations beaucoup plus approfondies soient menées pour identifier les causes réelles de l’absence d’empreintes. A défaut nous pourrions aller sur le terrain pour faire des enquêtes.
Vous avez constaté que certains centres d’enrôlement n’avaient pas remis le reliquat de cartes vierges qui leur avait été attribué. Combien de centres sont concernés et pourquoi c’est grave ?
En fait il y a 97,7 % de cartes vierges non utilisées qui ont été restituées, mais il manque effectivement 2,3 % qui n’ont pas encore été restituées. Et nous avons formulé une recommandation dans ce sens-là. Non seulement il faut aller chercher le reliquat de ces cartes, mais il faut sanctionner ceux qui gardent ces cartes. Ça, c’est important. Mais toujours est-il que ces gens qui vont être enregistrés en dehors des listes électorales ne pourront pas voter, si la disposition que nous avons recommandée est prise, qui consiste à empêcher les détenteurs de cartes d’électeurs non-inscrits sur les listes électorales de voter.
Surtout que la proportion d’électeurs que cela concerne, si on ajoute les 6 millions de doublons et de mineurs avec les 16,6 %, plus les autres anomalies, on se retrouve avec 25 % du corps électoral pour lequel on ne peut pas vérifier s’ils auraient le droit de voter véritablement ou pas pour cette élection.
Je suis tout à fait d’accord avec vous, Madame. C’est pour cela que nous avons recommandé cette disposition. Le risque ne nous a pas échappé. Nous avons recommandé la prise de décisions pour lutter contre ce risque de fraudes ou ce risque d’irrégularités.
Combien vous aviez prévu d’accroissement de population électorale depuis 2011 au niveau national ?
30 %.
Comment vous expliquez que certaines circonscriptions perdent des électeurs depuis 2011 et que certaines ont un accroissement de 150 % ?
Si les recensements précédents avaient été correctement faits, il n’y aurait pas de raison que ces localités perdent des électeurs. Vous avez tout à fait raison. On s’interroge, effectivement, sur l’accroissement de la population électorale de certaines localités. Mais nous n’avons pas d’éléments d’appréciation. Comme vous le savez, ici, le recensement général de la population date de 1984. Depuis, il n’y a jamais eu de recensement général de la population et il n’y a que des estimations qui sont faites par les démographes.
Est-ce que cela veut dire que vous pouvez quand même garantir qu’il n’y a pas tricherie ou fraude, déjà, dans ces accroissements de population ?
Non, nous ne pouvons pas garantir. C’est pour cela que nous avons demandé que les listes électorales provisoires soient affichées. Mais il y a un point, peut-être, qu’on aurait dû souligner, c’est que la CENI – les deux derniers jours -, a accepté d’ouvrir le fichier électoral à l’examen de l’ensemble de la classe politique et la majorité a estimé que ce n’était pas nécessaire pour elle d’aller consulter le fichier. Par contre, l’opposition a délégué des ingénieurs pour aller faire des investigations dans le fichier, dans la base des données globale. Nous avons exigé cela, parce que c’est un facteur de renforcement de la transparence de l’opération d’audit.
Qu’en est-il des forces de sécurité ? Elles n’ont pas le droit de voter en République démocratique du Congo. D’après les informations recueillies par Rfi, la CENI n’a pas eu accès aux noms de ces soldats et de ces policiers. Est-ce que ce n’est pas un risque également pour ce fichier ?
Oui. Je n’ai pas du tout cette information, malheureusement.
Vous recommandez également à la CENI d’écarter les électeurs qui n’auraient pas 18 ans le jour du vote parce que, évidemment, on a enrôlé au-delà du 23 décembre ?
Oui, les électeurs doivent être isolés pour ne pas prendre part au scrutin nombre de 400 et quelque mille environ.
PRESENTATION DU RAPPORT D’AUDIT DU FICHIER ELECTORAL
Vendredi 25 mai 2018 au siège de la CENI, le Comité d’audit du fichier électoral a présenté son rapport de travail.
La Mission d’audit du fichier électoral a débuté le 06 mai 2018, conformément au calendrier électoral publié par la CENI le 05 novembre 2018. Les experts de l’Organisation Internationale de la Francophonie ont été assistés de ceux de l’Opposition, de la Majorité ainsi que de la société civile.
Dans son mot d’introduction, le Président de la CENI a salué le travail abattu et confirmé la tenue des scrutins combinés présidentiel, législatifs national et provincial au 23 décembre 2018.
L’OIF, par la voix de trois de ses membres dont le Général Siaka SANGARE, a donné les points forts du fichier électoral. Le rapport note entre autres le caractère inclusif, exhaustif et actualisé mais perfectible du fichier électoral, et donc nécessitant des améliorations ayant fait l’objet de recommandations à court et moyen terme, en vue, notamment de son affichage provisoire pour permettre d’aboutir à des listes électorales définitives, conformément à la loi. Tout en signifiant que ces recommandations à court terme n’auront aucune incidence sur les activités prévues dans le calendrier électoral.
L’OIF regrette la faible implication des partis politiques et de la société civile, en proportion du territoire national, et ce, tout au long des opérations d’enrôlement.
Parmi ces recommandations, notons :
A la CENI, d’isoler, pour le scrutin du 23 décembre 2018, les électeurs atteignant 18 ans entre le 24 et le 31 décembre 2018 ; d’afficher les listes provisoires sur le territoire national et cela à court terme.
En moyen terme, la mission de l’OIF recommande notamment au Gouvernement de la République à travers ses services connexes concernés, de mutualiser les ressources pour aboutir à un système d’état civil au travers d’un programme global de recensement et d’identification de la population.
Matinée d’information et d’expérimentation des délègues des partis politiques sur la machine à voter.
Sur leur propre demande les partis politiques ci-après : nouvelle dynamique Congo( NDK) ; Parti socialiste (PS) ; Bloc Uni pour la Renaissance et l’Emergence du Congo (BUREC), Congo des Valeurs (CV), Alliance des paysans, des Ouvriers et de la Classe Moyenne pour un développement durable (APOCM) et le Parti Travailliste (PT) ont eu un échange fructueux avec la CENI, vendredi 25 avril 2018, à la Maison des Elections.
Plusieurs délégués de ces partis politiques ont répondu présent à cette matinée. Le Directeur de la Sensibilisation Mr désire MOLEKELA a expliqué brièvement au partis politiques l’usage de cette machine et les motivations qui amènent à la CENI à l’utilisation de cet outil qui va nous accompagner tous à l’organisation des élections le 23 décembre 2018.
Madame Odette DISU, Expert juridique, est quant à elle revenue sur l’importance et les avantages de la machine à voter et a invité les partis politiques à se préparer pour venir déposés leurs candidatures. Les élections s’approchent déjà avec l’ouverture des Bureaux de réception et traitement des candidatures pour l’actualisation des listes des candidats députés provinciaux, à souligner Madame Odette DISU.
A son tour, Mr Nathan, Expert de la direction du Centre National de Traitement, a démontré concrètement l’utilisation de la machine à voter : sa rapidité et sa fiabilité ont mis en avant.
L’assistance, venue nombreuse, a été témoin du système de vote appliqué avec la Machine à voter qui n’est qu’un dispositif de vote manuel à papier assisté par la Machine à voter. Système qui offre deux sources des résultats qui peuvent être confrontées à partir du bulletin imprimé et du dépouillement manuel.
Sonia Rolley (RFI)/CR