
L’affaire RAM (Registre des appareils mobiles) continue toujours à défrayer la chronique. D’après les documents budgétaires de janvier à juin 2021 et les projections budgétaires pour 2022 de l’Autorité de régulation des télécommunications et de la communication (Arptc), les recettes issues de cette opération d’enregistrement des téléphones ne sont pas retracées dans les statistiques fiscales du service public rattaché à la Présidence de la République Démocratique du Congo.
Dans un communiqué publié en mai 2021, l’observatoire de la dépense publique (Odep) avait évalué à 266 millions USD les recettes globales du projet RAM. L’absence des traces des fonds déjà encaissés dans les prévisions de l’Arptc suscite des inquiétudes de la société civile.
Selon l’historique des recettes de fin juin 2021, l’Arptc a réalisé environ 26 millions USD dans le cadre d’exécution de la loi des finances de l’année. Ces recettes proviennent essentiellement de deux
actes générateurs.
Il y a d’abord la taxe de régulation des télécommunications et la taxe annuelle de numérotation, précisent les mêmes documents, signés par Christian Katende Président du Collège de l’Arptc.
Ces révélations soulèvent de nouveau un débat sur la gestion des fonds collectés dans le cadre du projet RAM, lancé en septembre 2020 par le gouvernement congolais. Un projet pour lequel l’Etat devrait bénéficier de 40% des recettes mobilisées.
Selon le comité d’élaboration du budget de l’Arptc, la question est sensible et personne n’a le droit d’en parler. La question orale avec débat du député national Juvénal Munubo censée éclairer l’opinion n’est pas toujours inscrite à l’ordre du jour de la plénière de l’assemblée nationale.
Taxe RAM : 5C Energy a déjà empoché plus de 2,5 millions USD, mais pour quel investissement ?

Pour se faire accompagner dans l’identification des téléphones, le ministère de PTNTIC a signé un contrat avec 5C Energy, une société dont la fiche signalétique est moins garnie. Son site web donne seulement les quatre domaines d’intervention : Solutions numériques (1) ; Approvisionnement du matériel (2) ; Energies renouvelables (3) et Expertises et solutions techniques (4). Aucune indication sur les associés. Mais tout ce que l’on sait, elle loge dans l’Immeuble Tilapia en face de Pullman Grand Hôtel Kinshasa et est dirigée par Philippe Heillman. Le moteur de recherche Google ne renseigne rien sur l’identité de ce dernier.
Quand au site web du guichet unique, 5C Energy est présentée sommairement comme une société s’étant immatriculée le 28 novembre 2019 avec un capital social de 1.650.000 CDF. La société a une identification nationale (N°Id.Nat) mais sans Registre de Commerce et de Crédit Mobilier (RCCM). Rien non plus sur les associés. C’est à cette société que le ministère de PTNITC dirigé par le fils Kibasa Maliba a accordé ce marché juteux. Juteux parce que dans le partenariat signé, cette société a 25% sur les recettes réalisées.
A ce jour, selon les données chiffrées obtenues des opérateurs de télécommunications, la taxe RAM a déjà produit plus de 10 millions USD depuis son institution en septembre 2020. simple calcul fait sur cet argent, 5C Energy a déjà empoché plus de 2,5 millions USD en six mois. Comme la tendance moyenne mensuelle de la taxe RAM qui était de 2 millions USD se dirige vers 5 millions USD, la firme se tapera à la fin de l’année une cagnotte considérable. Mais combien a-t-elle investi dans ce projet pour calculer la durée d’amortissement de son investissement ? Top secret !
C’est là que ça sent les soupçons de rétrocommissions impliquant le ministre Kibassa et les dirigeants de l’ARTPC. S’il est vrai que les 70% de la Taxe RAM reviennent à l’Etat congolais et leur traçabilité est gérée par la DGRAD, la destination de 25% perçus par 5C Energy serait de plusieurs directions obscures qui font croire que les initiateurs de la taxe RAM ont des parts dans cette société sous-traitante.
Non sans raison, les réseaux sociaux sont enflammés avec la dénonciation de l’implication de madame Isabelle Kibassa dans cette affaire de RAM. C’est elle la coordinatrice de Best Consulting qui aurait organisé la TR Nationale sur le digital qui empocherait 30% de RAM.
En effet, la taxe RAM a été instituée, dit-on, pour combattre la contrefaçon, pour sécuriser sanitairement les utilisateurs des téléphones mobiles et pour lutter contre le vol des téléphones. Questions : Combien de téléphones contrefaits identifiés depuis le début de l’opération ? Combien de téléphones volés saisis et retournés à leurs propriétaires ? Combien d’utilisateurs sont tombés malades et pris en charge par le gouvernement de suite des effets néfastes de téléphones contrefaits ?
Autant de questions qui méritent des réponses claires. Sinon, la taxe RAM comme décriée, reste une escroquerie étatique et une affaire de famille pour se constituer rapidement un matelas financier. Là aussi, l’IGF devra ouvrir l’œil et sans complaisance.
Voici les 4 bénéficiaires des recettes provenant du projet RAM

Les utilisateurs des téléphones mobiles de la République démocratique du Congo sont contraints d’ouvrir un compte RAM (Registre des appareils mobiles) avant de se procurer le forfait internet, d’appel ou SMS.
La décision fait suite à la politique du ministère des postes, télécommunications, Nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui tient à lutter contre les téléphones contrefaits.
D’aucuns se demandent sur l’importance de la taxe de 1.17 dollar imposée aux congolais. La question avait été largement évoquée aux travaux de la commission économique et financière (Ecofin) du Sénat lors du vote du budget 2021, en décembre 2020.
« Le ministre a expliqué à votre commission que cette recette est une rémunération de l’ARPTC (Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications du Congo) instituée par le décret du premier Ministre du 20 février 2012 fixant les modalités de calcul et les taux des revenus des prestations de l’ARPTC », révèle le rapport de la commission que tsieleka a consulté.
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Et de préciser que « la répartition des revenus provenant de RAM se fait de manière suivante : 30% pour le prestataire, c’est-à-dire la société recrutée pour la mise en œuvre du projet ; 25% pour l’ARPTC; 40% pour le trésor public et 5% pour les opérateurs des télécoms (Orange, Vodacom, Africell, Airtel) ».
Selon la même source, quelque 100 milliards de francs congolais (48 millions USD) seront mobilisés pour l’exercice 2021. Toutefois, l’affaire divise davantage, une marche à été projeté pour lundi pour protester sur le légalité de la nouvelle taxe.
Ce projet soutenu et défendu par le ministre des PTNTIC propose une tarification de certification de l’appareil mobile à 0.17 dollar pour un appareil 2G et 1.17 dollar pour les appareils 3G/4G/+ une fois par mois pendant 6 mois. La validité est de 12 mois. Tandis que pour la certification de la SIM en itinérance (roaming), le montant à payer est de 1 dollar pour un appareil 2G et de 7 dollars pour un appareil 3G/4G/+. La validité est de 12 mois.
Par Blaise KIALA (Le Palmier)/ScoopRDC/Valéry Bakutweni