Il fait partie des métaux surnommés « métaux du climat » ou « métaux verts ». Leurs particularités ? Ils sont stockeurs d’énergie. Substances d’avenir dont dépendent les technologies vertes et numériques, leur demande explose au niveau mondial.
Classé métal stratégique par la RD Congo, le lithium fait partie de ces métaux rares. Outre pour fabriquer des piles et des batteries pour les panneaux solaires, les ordinateurs, les smartphones et les voitures électriques, il est utilisé dans l’industrie du verre et des céramiques, pour la fabrication de lubrifiants spéciaux et d’alliages, le traitement de l’air vicié par le CO2, l’industrie pharmaceutique et celle du caoutchouc et des thermoplastiques.
Le triangle du lithium
Cʼest dans les provinces du Tanganyika et du Haut-Lomami que lʼon trouve des roches de type pegmatite riches en spodumène, un minéral de lithium associé au minerai stannocoltanifère
Actuellement, les plus grands producteurs mondiaux de lithium sont la Bolivie, le Chili et l’Argentine, baptisés « triangle du lithium », ainsi que la Chine et l’Australie. En RDC, c’est dans les provinces du Tanganyika et du Haut-Lomami que l’on trouve des roches de type pegmatite riches en spodumène, un minéral de lithium associé au minerai stanno-coltanifère, selon l’ingénieur et ancien ministre congolais Léonide Mupepele Monti.
L’existence de ces gisements stanno-coltanifères n’est pas une découverte. À l’époque coloniale, c’est surtout l’étain qui intéressait les Belges. Le spodumène, pour sa part, était stocké sans être mis en valeur. « Dès 1920, la Compagnie géologique et minière des ingénieurs et industriels belges extrayait de l’étain à Manono », confirme Donat Kampata, directeur général du Service géologique national de la RDC. Après l’indépendance en 1960, l’entreprise céda ses actifs à la Société géologique et minière du Congo. Rebaptisée Congo-Étain en 1968, puis Zaïre Etain en 1971, cette dernière vit sa production progressivement chuter. En 1997, elle reprit le nom de Congo-Étain, avant de renaître, début des années 2010, sous le nom de la Congolaise d’exploitation minière (Cominière), dont le capital est détenu par l’État congolais (90%) et l’Institut national de sécurité sociale (10%).
RDC, un intérêt récent
En RDC, l’intérêt pour le lithium est très récent, et l’acquisition de blocs contenant des indices du métal date de trois à quatre ans. La raison ? « Le démarrage timide de la filière et le manque d’investissement dans cette dernière s’expliquent par l’incertitude, l’instabilité et les risques liés à la situation politique et électorale. Maintenant que les élections ont eu lieu, on peut s’attendre à ce que l’exploration s’active et que des projets entrent en production », explique l’homme d’affaires congolais Kennesy Kayembe.
En RDC, lʼintérêt pour le lithium est très récent, et lʼacquisition de blocs contenant des indices du métal date de trois à quatre ans.
Concentrée dans le district de Manono, l’exploration mobilise plusieurs sociétés dont certaines en partenariat avec la Cominière. Très impliquées en Amérique latine, les sociétés chinoises n’ont pas encore investi la filière congolaise. En revanche, celles à capitaux australiens, canadiens et indiens dominent le secteur. Des Congolais y sont également actifs, comme Tamaris Services et Minexco, dont Kennesy Kayembe est actionnaire. Pour promouvoir des projets d’exploration de lithium, Minexco a focalisé son activité sur la levée de capitaux pour des sociétés basées en Afrique centrale et australe (RD Congo, Zimbabwe, Namibie).
Très impliquées en Amérique latine, les sociétés chinoises nʼont pas encore vraiment investi la filière congolaise. En revanche, celles à capitaux australiens, canadiens et indiens dominent le secteur.
La junior australienne Force Commodities (Force) intervient sur deux projets. L’un est le Kanuka Lithium project, un joint venture (JV) entre Force (51 %) et Mining Mineral Resources (MMR), filiale du groupe indien Vinmart, qui détient 49% des parts. Le second est Kitotolo Lithium project, un partenariat entre Force (70 %) et la Cominière (30%).
L’australienne AVZ Minerals, dont le groupe chinois Huayou Cobalt Group détient 9,49 % du capital, développe le projet Manon Litihium, via Dathcom Mining Sarl, dont elle possède 60% du capital, aux côtés de la Cominière (30 %) et de Dathomir Mining Resources (10%).
En phase d’exploration moins avancée figure la Société d’Exploitation des Gisements de Malemba-Nkulu Sprl (Segmal), un partenariat entre MMR (68%) et la Cominière, qui a obtenu des permis d’exploration dans le Haut Lomami. Le canadien Tantalex Resources, lui, est engagé dans la filière à travers des participations entre autres dans United Cominière et la Société des Tailings de Manono (STM) dont sa filiale Buckell détient 65 % du capital.
Premières productions d’ici 2023 ?
Si toutes les sociétés sont en phase d’exploration, certaines sont à un stade assez avancé comme AVZ Minerals et Force Commodities qui pourraient entrer en production d’ici 2023. De même, Tantalex pourrait prochainement produire du lithium via la STM qui développe les terrils de la mine historique de Manono-Kitotolo.
Des spécialistes miniers avancent que le lithium congolais serait facile à extraire et à des coûts de production moins élevés qu’ailleurs, car on n’a pas besoin de creuser profondément pour en trouver à fortes teneurs. Et soutiennent que la RDC pourrait détenir l’un des plus grands gisements de lithium au monde. Prudence, car il reste à classifier les ressources et à identifier les réserves pour en apporter la preuve, comme le précise Donat Kampata : « Lors de la phase d’exploration, le minier doit réaliser un certain nombre de sondages, notamment carottés, pour délimiter le gisement et estimer le volume du minerai et sa teneur. Ces sondages doivent répondre à des critères précis et obéir à des normes internationales. Ce sont des sociétés spécialisées qui contrôlent ces travaux et accordent la certification. On n’en est pas encore à ce stade en RDC ». À noter que c’est sur la base de la certification que les sociétés minières peuvent lever des fonds sur les marchés financiers.
La RDC deviendra-t-elle lʼune des grandes puissances mondiales du lithium ? À suivre.
Pour l’heure, seul AVZ Minerals a engagé une démarche pour obtenir la certification australienne JORC (Joint Ore Reserves Committee). D’autres codes existent comme le Samrex Code (Afrique du Sud). « Dans notre cas, le Korea Institute of geoscience and mineral resources est venu faire des tests, avant la demande de permis, qui ont apporté de bons indices », informe Kayembe. Toutefois, même sans le code JORC, les indices seraient excellents. La RDC deviendra-t-elle l’une des grandes puissances mondiales du lithium ?
Par Muriel DEVEY MALU-MALU (Makanisi.org)