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RDC : libre, quel avenir politique pour Jean-Pierre Bemba ?

Les juges de la CPI ont ordonné mardi 12 juin 2018 à La Haye la libération de l’opposant congolais. Après un bref séjour en Belgique, Jean-Pierre Bemba serait en mesure de pouvoir regagner la République démocratique du Congo (RDC) et reprendre le combat politique laissé dix ans plus tôt.

 

Les événements s’accélèrent pour Jean-Pierre Bemba. Après son acquittement vendredi 8 juin 2018, la Cour pénale internationale (CPI) a ordonné mardi la libération provisoire de l’ancien chef de guerre et ex-candidat à l’élection présidentielle de 2006.

 

Jean-Pierre Bemba a pu rejoindre en Belgique sa résidence de Rhode Saint-Genèse en Belgique, où vit sa famille. Un séjour qui pourrait durer jusqu’au 4 juillet prochain, date à laquelle la CPI devrait se prononcer sur la seconde affaire de subornation de témoins.

 

Mais, après 10 années passées derrière les barreaux, le sénateur Bemba pourrait être définitivement libre de ses mouvements après cette date. Quant à la suite, les supputations vont donc bon train sur l’avenir du patron du Mouvement de libération du Congo (MLC), une rébellion transformée en parti politique en 2003 après 5 ans de guerre.

 

REPRENDRE LA TETE DE L’OPPOSITION

 

Une fois complètement libre, rien ne devrait contraindre Jean-Pierre Bemba à rester en Belgique. Ses partisans le voient déjà rentrer à Kinshasa « au plus vite » et « prendre tout le monde de court », les autorités congolaises comme les autres ténors de l’opposition.

 

Car rien n’interdit non plus à l’ancien vice-président congolais de rentrer au pays. Aucun ministre, pas même celui de la Justice, ne s’est hasardé à empêché le « chairman » de revenir à Kinshasa. Dans son camp, personne ne doute de sa volonté de remonter sur la scène politique congolaise… surtout à 6 mois d’une élection présidentielle qu’il avait perdue de peu en 2006 ! Si le timing paraît un peu serré pour le patron du MLC, Bemba compte sur l’effet de surprise pour s’imposer de nouveau à la tête de l’opposition congolaise. « C’est un bulldozer, un animal politique » assure-t-on au MLC, et aucun ne le voit rentrer à Kinshasa pour jouer les seconds rôles.

 

UNE CANDIDATURE INCERTAINE

 

Pourtant, après 10 ans d’absence, le MLC est à reconstruire. Nombre de ses adjoints sont allez voir ailleurs sur l’échiquier politique. Du côté de Moïse Katumbi (Delly Sessanga, Olivier Kamitatu), ou dans la majorité présidentielle (Thomas Luhaka). Mais, si beaucoup le voit rentrer au Congo, certains doutent qu’il puisse être candidat.

 

Du côté de la majorité présidentielle, on explique que sa condamnation dans l’affaire de subornation de témoin et ses multiples nationalités (belge, portugaise) sont incompatibles avec une candidature à la présidentielle, qui serait immédiatement invalidée. Ses conseils travaillent sur la question.

 

Mais, l’équation politique dans une présidentielle à un seul tour est bien plus complexe. L’opposition est condamnée à présenter un candidat unique pour être certaine de battre la majorité présidentielle. Avec le come-back de Bemba, le match au sein de l’opposition se jouera désormais à quatre, avec Katumbi, Tshisekedi, Kamerhe.

 

L’ARGENT, NERF DE LA GUERRE

 

Candidat ou non, Bemba pèsera lourd sur le prochain scrutin. En cas de candidature, l’homme d’affaires pourtant devra trouver les moyens financiers pour mener campagne. L’ancien chef rebelle avait fait fortune dans plusieurs business avant de devenir vice-président pendant la période de transition.

 

Dans quel état sont ses affaires ? Difficile de répondre, mais l’ancien fils du patron des patrons congolais, Jeannot Bemba, a gardé de nombreux contacts dans le milieu des affaires et beaucoup pensent qu’une possible candidature pourrait attirer de nouveau de généreux sponsors.

 

Bemba candidat, le « chairman » pourrait nouer des alliances avec d’autres leaders de l’opposition comme Moïse Katumbi, en exil forcé et dont la candidature est encore très incertaine, ou encore Vital Kamerhe, ou Félix Tshisekedi. Mais, financièrement, c’est sans doute Moïse Katumbi qui est le plus à même de pouvoir soutenir une campagne présidentielle. A l’inverse, si Bemba n’est pas en mesure de se présenter, son soutien sera monnayé très cher par les autres candidats.

 

LE SCENARIO DU PIRE POUR LA MAJORITE

 

Dans le camp présidentiel, on regarde ce tsunami politique en cours avec circonspection… et inquiétude. Beaucoup pensent que le retour du « chairman » est une mauvaise nouvelle pour la majorité.

 

Le charisme de Bemba, son poids électoral encore important dans la capitale et dans la province de l’Equateur en font un adversaire de poids pour le pouvoir. Les plus optimistes, au contraire, pensent que son retour impromptu peut diviser d’avantage l’opposition. Pour les proches du président, il est clair que le scénario du pire serait une candidature unique de Jean-Pierre Bemba avec le soutien des trois autres poids lourds de l’opposition : Katumbi, Tshisekedi, Kamerhe.

 

Mais, à voir avec quelle détermination les autorités congolaises mettent des bâtons dans les roues de l’opposant Moïse Katumbi pour l’empêcher de se présenter, on peut penser que le pouvoir cherchera par tous les moyens à rendre inéligible le patron du MLC… et les prétexte ne manquent pas. En coulisse, majorité et opposition confondues étudient toutes les options du nouveau paramètre Bemba dans la délicate équation électorale congolaise.

 

Les proches du « chairman », eux, ont jusqu’au 4 juillet, date de la décision de la CPI dans l’affaire de subornation de témoins, pour peaufiner leur stratégie de conquête du pouvoir, avec un atout… l’effet de surprise.

 

 

COMMUNIQUE DE LA CPI

 

Affaire Bemba et al. : la Chambre de première instance VII ordonne la mise en liberté provisoire de M. Bemba suite au jugement de la Chambre d’appel

 

Aujourd’hui, le 12 juin 2018, la Chambre de première instance VII de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour ») a ordonné la mise en liberté provisoire sous conditions spécifiques de M. Jean-Pierre Bemba après avoir tenu ce matin une audience et reçu les observations des parties sur le maintien en détention de M. Bemba dans l’affaire Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, Fidèle Babala Wandu et Narcisse Arido du fait de sa condamnation définitive pour des atteintes contre l’administration de la justice.

 

Cette audience a été tenue suite à la décision du 8 juin 2018 de la Chambre d’appel, à la majorité, acquittant M. Bemba des charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité prétendument commis en République centrafricaine (RCA). Dans son arrêt, la Chambre d’appel a indiqué qu’il n’y avait pas lieu de maintenir M. Bemba en détention dans le cadre de l’affaire concernant les crimes allégués en RCA et qu’il revenait à la Chambre de première instance VII de déterminer si sa détention demeurait justifiée en vertu de sa condamnation pour des atteintes à l’administration de la justice.

 

Compte tenu de tous les facteurs pertinents et des circonstances de l’affaire dans son ensemble, la Chambre de première instance considère que les conditions juridiques d’un maintien en détention ne sont pas remplies. En particulier, et notant que M. Bemba a purgé plus de 80% de la peine maximale possible, la Chambre a considéré qu’il était disproportionné de continuer la détention de M. Bemba uniquement pour s’assurer qu’il comparaisse pour le prononcé de la peine.

 

Ainsi, la Chambre a ordonné la mise en liberté provisoire de M. Bemba sous certaines conditions spécifiques, notamment de s’abstenir de faire des déclarations publiques sur cette affaire, de ne pas changer d’adresse sans préavis, de ne contacter aucun témoin dans cette affaire, et de se conformer pleinement à toutes les ordonnances dans cette affaire, et de se rendre immédiatement aux autorités compétentes si la Chambre de première instance l’exigeait. Il incombe maintenant au Greffe de procéder à toutes les dispositions et consultations nécessaires pour mettre en œuvre la décision de la Chambre.

 

CONTEXTE : Le 19 octobre 2016, Jean-Pierre Bemba Gombo, Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, Fidèle Babala Wandu et Narcisse Arido ont été déclarés coupables de plusieurs atteintes à l’administration de la justice, en lien avec la subornation de témoins et la sollicitation de faux témoignages de témoins de la Défense dans l’autre affaire concernant M. Bemba devant la CPI. Le 22 mars 2017, la Chambre de première instance VII a rendu sa décision relative aux peines dans cette affaire.

 

Le 8 mars 2018, la Chambre d’appel a confirmé les condamnations pour la plupart des accusations mais a acquitté M. Bemba, M. Kilolo et M. Mangenda de l’accusation consistant en la production d’éléments de preuve faux en connaissance de cause. Les condamnations et acquittements concernant les cinq accusés sont désormais définitifs.

 

Concernant les peines, La Chambre d’appel a rejeté les appels de MM. Bemba, Babala et Arido. Les peines infligées à M. Babala et à M. Arido sont désormais définitives. La Chambre d’appel a accordé l’appel du Procureur. La Chambre a annulé les peines prononcées à l’encontre de MM. Bemba, Mangenda et Kilolo et envoyé cette question à la Chambre de première instance pour une nouvelle décision.

 

 

Christophe RIGAUD (Afrikarabia)/CR

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