
Avec une production limitée à 8 millions de barils par an pour un potentiel de 20 milliards, le pays attise les convoitises… et inquiète les protecteurs de l’environnement.

En matière d’hydrocarbures, la République démocratique du Congo est loin de jouer dans la cour des grands. Limitée au bassin côtier (Kongo-Central), la production de brut plafonne à 8 millions de barils par an. Pourtant, le potentiel du pays est estimé à 20 milliards de barils.À LIREEn RD Congo, l’or noir ne fait pas encore recette
Bien décidé de faire du pétrole un secteur de diversification, la RDC s’est dotée d’un code des hydrocarbures en août 2015. Et, après avoir finalisé les dossiers géologiques destinés aux futurs concessionnaires en mars dernier, l’État se prépare à lancer, à la fin 2021, un appel d’offres international qui porte sur 19 blocs (16 pétroliers et trois gaziers), dont trois sont situés dans le bassin côtier, neuf dans la cuvette centrale, quatre dans le graben Tanganyika et trois dans le lac Kivu, riche en gaz méthane.
Mais voilà, la perspective de l’appel d’offres ne fait pas l’unanimité. Greenpeace et des organisations congolaises de défense de l’environnement dénoncent le manque d’informations sur le nombre de blocs existants et attribués.
Opacité volontaire ?
« Aucune carte récente permettant de localiser les blocs et d’identifier précisément leurs attributaires n’est disponible », souligne Irène Wabiwa, cheffe du projet Forêts pour le bassin du Congo chez Greenpeace. Le rétablissement du site web du ministère des Hydrocarbures est vivement souhaité.
Pour Ephrem Bwishe, coordonnateur du collectif Volontariat-Action-Mobilité, qui concentre son action sur le parc des Virunga, dans le Nord-Kivu, l’opacité serait volontaire, afin d’éviter une mobilisation des organisations non gouvernementales (ONG) contre tout projet pétrolier dans les aires protégées.
Serait-ce la raison pour laquelle l’appel d’offres n’a retenu aucun bloc dans le graben Albertine (plaine du lac Albert), où les ONG sont très actives sur ces questions ? Ces dernières s’opposent à toute nouvelle attribution de licences d’exploration dans les sites protégés et exigent également l’annulation des permis attribués dans ces zones.
La santé et la sécurité alimentaire compromises ?
Particulièrement visés : les blocs de la Cuvette centrale. Située au cœur de la RDC, celle-ci abrite le parc national de la Salonga (royaume des bonobos, entre autres trésors fauniques et floristiques), inscrit, comme le parc des Virunga, au patrimoine mondial de l’Unesco. Pourtant l’un des blocs attribués à la Compagnie minière congolaise (Comico) empiète sur ce sanctuaire.
La Cuvette abrite également des tourbières, qui stockerait plus de 30 milliards de tonnes de dioxyde de carbone et dont « le rôle central dans la lutte contre les changements climatiques n’est plus à démontrer », insiste Irène Wabiwa.À LIREGreen Congo : Les tourbières congolaises, une arme fatale (2/3)
Quel que soit le bassin concerné, il ne faut écarter aucun risque lié à l’exploitation et au transport des hydrocarbures. La pollution des lacs affecterait l’approvisionnement en eau et en poissons des communautés locales, compromettant leur santé et leur sécurité alimentaire.
Industrie pétrolière vs industrie touristique
À Muanda (Kongo-Central), la difficulté d’accès aux terres – zones de subsistance pour les communautés riveraines –, est à l’origine de conflits avec les sociétés pétrolières.
À l’autre extrémité du pays, dans le lac Albert – qui ravitaille en poissons frais et fumés l’est de la RDC et Kinshasa -, la ressource halieutique se raréfie à cause des activités liées aux hydrocarbures explique Ephrem Bwishe.À LIRERDC – Virunga : Gorilles 1, pétrole 0
En outre, selon les ONG, les retombées socio-économiques de l’exploitation pétrolière sont très limitées. Aussi, dans le parc des Virunga, Ephrem Bwishe préconise de développer le tourisme, qui serait plus profitable à l’environnement et aux populations que le pétrole, qui pollue et est voué à disparaître. Autant de préoccupations que Didier Budimbu, le nouveau ministre des Hydrocarbures, va devoir prendre en compte.
Par Muriel Devey Malu-Malu (Jeune Afrique)