
Les travailleurs de la République démocratique du Congo (RDC) continuent d’attendre du président Félix Tshisekedi l’exécution de sa promesse, faite dans son message radiotélévisé à la nation du 6 décembre 2020, aux travailleurs congolais. Il a promis la « réalisation intégrale de l’Accord de Mbudi », jamais appliqué depuis sa signature en 2004.
« Réduire le train de vie des institutions politiques et interdire strictement toute augmentation des salaires en leur sein, jusqu’à la réalisation intégrale du Contrat social de l’innovation, dit Accord de Mbudi, qui tarde à se matérialiser depuis sa signature en 2004 », tel est l’engagement qu’il a pris à l’issue des consultations présidentielles.
LE BARÈME SALARIAL DE 2015 FIXE À 300 USD LE SALAIRE DE L’HUISSIER
Les syndicats indépendants de l’administration publique et l’intersyndicale du secteur public, branches dissidentes de l’intersyndicale nationale de l’administration publique, ont considéré que le nouveau barème salarial signé en 2015 au Fleuve Congo Hôtel à Kinshasa, entre le gouvernement et le banc syndical, ne sera jamais appliqué.
Exclus des travaux, les deux structures syndicales s’en prennent au gouvernement qui, selon eux, foulent aux pieds toutes les résolutions.
Onze ans après la signature de l’accord de Mbudi, le gouvernement et les syndicats ont convenu, le 05 juillet 2015 à l’issue de la commission paritaire, d’un nouveau barème salarial.
Il fixe le salaire de l’huissier à 300 USD contrairement à l’accord de Mbudi qui prévoyait 208 USD pour la même catégorie d’agents.
Le porte-parole de ces deux plateformes syndicales, Rachidi Kayombo dénonce la manière et la méthode utilisée par le gouvernement pour contourner Mbudi.
Il rappelle d’abord que les augmentations sont prévues dans le budget de l’état. Et donc, on ne peut pas, assure-t-il, avancer les chiffres alors que l’élaboration du budget était déjà terminée.
‘‘Quand on a convoqué la commission paritaire, on savait que c’est du bluff parce que les augmentations sont prévues dans le budget de l’état. Et comme le budget de l’État était déjà promulgué et il n’y avait pas à s’attendre à obtenir quelque chose en dehors du budget. Qu’on ne fasse pas de confusion. C’est la loi des
finances signée par le chef de l’État et promulguée par lui-même’’, a indiqué Kayombo.
Les Syndicats indépendants de l’administration publique doutent même de nouvelles promesses d’augmentation salariale annoncées l’année prochaine par le gouvernement de lors qu’il n’y aura pas une évaluation sur les recettes propres de l’État.
‘‘Sans cet inventaire, on n’aura pas des crédits de rémunération qui puissent satisfaire à la demande des agents et fonctionnaires de l’état’’, ajoute le leader syndical. Pour ces deux plateformes syndicales, les manœuvres du gouvernement pour contourner le barème de Mbudi ne vont pas réussir.
En 2015, Kayombo et ses syndiqués avaient proposé, lors de la conférence budgétaire, une table ronde pour évaluer les ressources naturelles et activer les mécanismes de réactivation des actes générateurs des recettes afin de renflouer les caisses de l’état. Une manière, selon l’intersyndicale du secteur public, de permettre à l’état de satisfaire progressivement le barème de Mbudi signé en toute responsabilité par le gouvernement.
‘‘L’exécutif Matata ne doit pas se dérober, l’État avait pris l’engagement solennel et il doit le respecter’’, prévient Rachidi Kayombo. Il déplore, cependant, que le gouvernement se batte pour changer Mbudi par quelque chose qui n’existe pas.
L’ACCORD DE MBUDI DU 12 FÉVRIER 2004 ACCORDE UN SALAIRE DE 208 USD À L’HUISSIER ET 2080 USD AU SG
L’Accord de Mbudi, contrat social de Mbudi ou le contrat social de l’innovation, est un accord signé le 12 février 2004 à Mbudi, une banlieue ouest de Kinshasa, entre le Gouvernement de transition de la République démocratique du Congo, représenté par le vice-président de la République Arthur Z’ahidi Ngoma et les syndicats de l’Administration publique et interprofessionnels.
Le gouvernement s’était engagé à payer à l’huissier 208 USD et au secrétaire général de l’Administration publique 2 080 USD en respectant la tension de 1 à 10.
L’application de cet accord devait se faire en trois paliers :
a) 10 000 FC payable à partir du mois d’avril 2004;
b) 2/3 des 208 USD au mois de juin 2004;
c) le dernier 1/3 des 208 USD en octobre 2004.
Les indemnités de transport devaient être réajustés selon les tendances du marché.
Les syndicats devaient, en retour, observer la trêve sociale.
FONCTION PUBLIQUE : 1, 4 MILLION D’AGENTS
Début février 2020, la ministre de la Fonction publique, Yolande Ebongo, avait révélé que l’administration publique compte présentement au-delà de 1,4 million de cadres et agents.
« Des voix s’élèvent aussi bien en interne que du côté des institutions de Bretton Wood, pour déplorer la pléthore d’effectifs au sein de l’administration publique congolaise. Mais, on était loin d’imaginer que la barre d’un million de cadres et agents a été franchie au terme de la dernière vague de recrutements de nouvelles unités pilotée par le ministre sortant de la Fonction publique, Michel Bongongo », avait rapporté Jacques Kimpozo du journal Le Phare.
La même ministre avait expliqué que « le trop plein de fonctionnaires est imputable d’abord aux recrutements anarchiques et, ensuite, à la présence, dans les fichiers de différentes administrations des ministères, des fictifs, des morts depuis plusieurs années et des mineurs qui continuent d’émarger du budget des rémunérations de l’administration publique ».
« Au finish, le Trésor public est saigné à blanc chaque mois, au point que l’administration publique est devenue un lourd boulet pour l’État employeur. Alors que le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, qui apportent régulièrement des appuis budgétaires et autres à la République Démocratique du Congo en appellent sans cesse à l’assainissement des effectifs, à leur rajeunissement et leur qualification, certains décideurs politiques congolais n’en faisaient qu’à leur tête, sous les régimes de Mobutu, de Laurent-Désiré Kabila et de Joseph Kabila. Ces anciens dignitaires de la République ont transformé l’administration publique en +maison de placement+ des membres de leurs familles et clans, mais aussi des militants de leurs partis et regroupements politiques », avait relevé Jacques Kimpozo.
APPLIQUER LE BARÈME SALARIAL DE MBUDI AVEC QUEL BUDGET ?
Dans son programme de campagne électorale de 2018, le candidat Félix Antoine Tshisekedi avait promis d’oeuvrer à la maîtrise des effectifs et à une bonne organisation de la Fonction publique en recourant au barème salarial fixé dans l’Accord de Mbudi.
En signant cet accord, le gouvernement de transition 1+4 (2003-2006) s’était engagé à payer à l’huissier 208 USD et au secrétaire général de l’administration publique 2080 USD.
La Loi de finances 2019 promulguée à 5,9 milliards USD en novembre 2018, prévoyait déjà une augmentation salariale de 20.000 FC à 25.000 FC (12 USD), notamment, au policier, au militaire et à l’enseignant, au personnel médical.
L’autre prévision accordait entre 38.000 FC à 39.000 FC (23,6 USD) aux agents de l’administration publiques, notamment secrétaire général, directeur général, directeur.
Ainsi, un huissier devait toucher 118 350 FC soit 71,7 USD et un secrétaire général de l’administration publique 192,9 USD.
Cependant, il s’était posé, pour l’application du barème salarial de Mbudi, la faiblesse des recettes publiques. Son coût ayant été estimé à environ la moitié du budget national, sa mise en œuvre avait été remisée au frigo.
Alors, les données étant pratiquement les mêmes par ailleurs, le projet de budget de 2021 étant de 6,9 milliards USD, l’application de l’Accord de Mbudi, revu à la hausse en 2015, risque de finir en eau de boudin.