Tout dépassement budgétaire ou des dépenses sans crédits budgétaires est constitutif d’une faute de gestion dans le chef de l’ordonnateur et du contrôleur budgétaire qui l’ont actionné. Cet acte est considéré comme une violation flagrante de dispositions pertinentes de la Loi des finances publiques en vigueur en Rd Congo. Un manquement sensé être réprimé par la Cour des comptes.
En effet, la Reddition des comptes de l’exercice 2019 en cours indique que les crédits en dépassements ont atteint 4 784,50 milliards de CDF, soit 50,47% du total des dépenses du Budget général arrêtées à 9 478 milliards de CDF.
Des analystes avertis évoquent interrogent les dispositions légales pour dégager les responsabilités de cette faute dite de « gestion » pour mettre en exergue les sanctions prévues qui sont du reste « peu dissuasive » et identifient l’autorité sensée appliquer ces dernières avec rigueur.
Responsabilité des auteurs
Pour bien saisir les sanctions quant au non-respect de la loi des finances, le juriste Engunda Ikala estime qu’il est essentiel de saisir la notion d’ « ordonnateur » et « contrôleur budgétaire ».
Il y a d’abord l’ordonnateur des dépenses. L’article 103 alinéa 2 de la loi n°11/011 du 13 juillet 2011 relative aux Finances publiques indique que celui-ci est la personne qui a « le pouvoir, dans la limite des crédits budgétaires qui lui sont accordés par les lois de finances, d’engager, de liquider et d’ordonnancer les dépenses nécessaires au fonctionnement de son institution ou ministère, ou service déconcentré, ou budget annexe rattaché ».
Dans le cadre institutionnel, soutient – il, par « ordonnateur » il faut entendre le responsable d’institution, le ministre, le responsable de budget annexe ou la personne déléguée par lui au niveau central et au niveau déconcentré.
« Cependant, il faut noter que l’alinéa de l’article 103 de cette même loi, souligne que le pouvoir de l’ordonnateur s’exerce sous réserve du pouvoir de régulation des crédits budgétaires du ministre ayant le budget dans ses attributions et du pouvoir de gestion de la trésorerie du ministre ayant les finances dans ses attributions », précise Engunda Ikala.
Il y a ensuite, le « contrôleur budgétaire. » L’article 112 de la loi sus-évoquée par notre analyste renseigne qu’il s’agit de la personne en charge « du contrôle administratif a priori des opérations budgétaires de dépenses du pouvoir central ».
A ce titre, interprète-t-il, « tous les actes portant engagement, liquidation et ordonnancement sont soumis à son visa préalable ». Car, « il est en droit de refuser d’apposer son visa sur un projet de dépense qu’il juge irrégulier. Afin de s’assurer que les ordonnateurs respectent notamment la Loi des finances, le ministre du Budget affecte un contrôleur budgétaire auprès de chaque ordonnateur. »
Au regard de ces dispositions, insiste Engunda Ikala, il est clair que les responsables, en cas de dépassement budgétaire ou de dépense sans crédit budgétaire, sont à la fois l’ordonnateur (chef d’institution, ministre, ou chef de service déconcentré concerné) pour avoir ordonnancé des dépenses au-delà de la hauteur des crédits autorisés et le contrôleur budgétaire qui a autorisé via son visa une dépense sachant que cela constituait un dépassement au regard du crédit autorisé par la loi des finances.
A RE(LIRE) : quatre Institutions et 13 ministères concernés par les dépassements budgétaires en 2019 !
Sanctions prévues à renforcer
En cas de non-respect de la Loi des finances, l’article 128 de la loi relative aux finances publiques stipule que « les membres du Gouvernement encourent, en raison de l’exercice de leurs fonctions, les sanctions prévues par la Constitution et les lois de la République. Les ordonnateurs, autres que les membres du Gouvernement, et les comptables publics encourent une sanction qui peut être disciplinaire, civile et/ou pénale ».
De manière plus précise, rappelle Engunda Ikala, l’article 129 identifie ceux qui sont passibles d’une sanction pour faute de gestion au niveau du pouvoir central. Il s’agit de toute personne qui aura violé les règles d’engagement des dépenses ; engagé des dépenses sans disponibilité des crédits ; et enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses du pouvoir central.
« La sanction pour faute de gestion réside dans la condamnation de la personne incriminée, à une amende dont le montant ne pourra atteindre le double du traitement ou salaire brut annuel alloué à la date de l’infraction sans être inférieur au quart. Outre les sanctions, la disposition précise toutefois que le fonctionnaire (Contrôleur budgétaire) encourt une sanction disciplinaire, civile et/ou pénale », précise Engunda Ikala expliquant l’esprit du même article.
Il en va de soi que tout celui qui ordonnance des dépenses publiques, pour son institution et/ou structure, au-delà du crédit budgétaire autorisé par la loi des finances, encourt une amende correspondant au minimum au double du quart de son salaire.
« Cela signifie qu’un ministre qui gagne annuellement un salaire 200 000 USD et qui ordonnancerait 10 millions USD constituant un dépassement budgétaire au regard de la loi, encours une amende minimale de 50 000 USD. C’est bien peu, je sais », a commenté Engunda Ikala.
Cet analyste recommande l’application d’une amende plus dissuasive pour décourager cette violation de la Loi des finances en Rd Congo. Ce renforcement des sanctions devrait passer par la modification de ladite loi au niveau du Parlement.
A lui d’insister : « pour sa part, la hauteur de l’amende doit équivaloir au montant constituant le dépassement budgétaire ou la dépense sans crédit budgétaire ordonnancé. Celui qui ordonnance illégalement l’équivalent de 10 millions USD, par exemple, ainsi que le contrôleur budgétaire qui aura approuvé cette dépense s’exposent chacun à une amende de 10 millions USD pour faute de gestion. Croyez-moi que ce type d’amende sera extrêmement dissuasive. ».
Autorité habilité à sanctionner
Si à ce stade, la question à se poser est de savoir qui sanctionne, l’article 180 de la Constitution renseigne que la Cour des comptes contrôle, dans les conditions fixées par la loi, la gestion des finances de l’Etat. C’est donc elle qui a pour mission de réprimer la faute de gestion.
À ce titre, soutient Engunda Ikala, l’article 123 de la loi relative aux finances publiques précise que « la Cour des comptes est, aux termes des dispositions de l’article 180 de la Constitution, chargée de contrôler les comptes de tous les services du pouvoir central. Elle vérifie, a posteriori, sur pièces et, en cas de besoin, sur place, la régularité des opérations exécutées aussi bien par l’ordonnateur ».
Bien plus, l’article 127 de la loi organique n° 18/024 du 13 novembre 2018 portant composition, organisation et fonctionnement de la cour des comptes nous renseigne à ce sujet qu’en matière de discipline budgétaire et financière, les auteurs des fautes de gestion… sont déférés devant la Cour des comptes.
« La Cour des comptes est tenue d’engager systématiquement des poursuites vis-à-vis des ordonnateurs et des contrôleurs budgétaires dans le cas où elle constaterait des ordonnancements et des avis favorables des dépenses constituant des dépassements budgétaires ou des dépenses sans crédit budgétaire. Même si le Parlement ose le justifier irrégulièrement par des crédits complémentaires », commente Engunda Ikala dans une tribune publiée par Zoom Eco.
En d’autres termes, le fait pour la Cour des comptes de jouer son rôle de « Parquet financier » devrait être une contrainte légale exigée dans la Loi relative aux finances publiques. Par conséquent, se limiter à constater que la Loi n’a pas été respectée et sans engager des poursuites contre leurs auteurs n’a pas de sens.
Par MBOYO (Zoom Eco)