Félix Tshisekedi entouré de l’ensemble du gouvernement Sama, à l’issue de la réunion du premier conseil des ministres vendredi 30 avril 2021.
Le Gouvernement congolais annonce sa volonté de revisiter les contrats miniers liant la République démocratique du Congo (RDC) aux différents acteurs de ce secteur qui exploitent le sous-sol congolais. Cette révision se fera non par la force, mais avec le concours de toutes les parties concernées, a indiqué mardi 10 août 2021 à Kinshasa la ministre des Mines, Antoinette Nsamba.
La révision des contrats miniers vise à permettre à tout le monde de gagner, « surtout à la RDC et à son peuple qui doivent bénéficier directement des recettes des ressources minières, a expliqué Antoinette Nsamba.
Elle a fait cette annonce à la veille d’une tournée d’inspection qu’elle compte effectuer dans les différents sites miniers dans la partie Est du pays.
La ministre Nsamba a ainsi réaffirmé la volonté exprimée par le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, jeudi 13 mai dernier au cours d’un rassemblement populaire au carrefour Mwangeji au centre de la ville de Kolwezi (Lualaba):
« Il est temps que le pays réajuste ses contrats avec les miniers dans l’optique de sceller des partenariats gagnant-gagnant », avait déclaré M. Tshisekedi, considérant « qu’il n’est pas normal que ceux avec qui le pays a signé des contrats d’exploitation s’enrichissent pendant que nos populations demeurent pauvres ».
LES ENTREPRISES CONGOLAISES SONT « AU CŒUR DU PROBLÈME »
Le président Félix Tshisekedi souhaite que soient renégociés les accords conclus entre sociétés d’Etat et opérateurs étrangers, notamment chinois.

En visite dans le sud de la République démocratique du Congo (RDC), le président Félix Tshisekedi a annoncé à la mi-mai 2021 son intention de « réajuster » les contrats miniers signés sous son prédécesseur, Joseph Kabila. Il a fustigé « ces investisseurs (…) qui viennent les poches vides et repartent milliardaires », tandis que la majorité de la population « croupit toujours dans la misère ». Mais, pour Jean-Pierre Okenda, directeur du département industries extractives au sein de l’ONG Resource Matters, la faute ne repose pas seulement sur les épaules des opérateurs étrangers.
Sur quelles bases ont été négociés les contrats mis en cause par le président Tshisekedi ?
Le problème remonte au début des années 2000. Sorti exsangue des deux guerres du Congo [1996-1997 puis 1998-2003], l’Etat est alors au bord de la faillite. Pour favoriser les investissements étrangers et permettre aux sociétés nationales de se développer après des décennies de mauvaise gestion, le secteur des mines est libéralisé. De nombreux contrats de coentreprises, ou « joint-venture », sont signés, à cette époque, entre des entreprises minières d’Etat et des opérateurs étrangers. Mais ces partenariats se révèlent vite très déséquilibrés.Lire aussi Accusé de corruption, Dan Gertler s’engage à « partager » avec ses « frères et sœurs » congolais
Faute de moyens financiers, les sociétés congolaises comme la Gécamines [la principale entreprise minière, fondée pour exploiter le cuivre de l’ex-Katanga], se retrouvent minoritaires dans les joint-ventures. Certaines redevances ou royalties sont même reversées aux investisseurs étrangers, alors qu’elles devraient revenir au trésor public. Albert Yuma, le président de la Gécamines, par ailleurs à la tête du patronat congolais, est lui-même accusé d’avoir signé des contrats impliquant des cessions de redevances ou des cessions d’actifs violant le code minier…
Le chef de l’Etat a accusé les opérateurs étrangers de se « remplir les poches ». Sont-ils les seuls responsables de la situation ?
Non et je dirais même que ce sont les entreprises congolaises qui sont au cœur du problème. Après tout, ce sont elles qui sont censées gérer le portefeuille minier pour le compte de l’Etat. Or, lorsque des contrats sont signés, la valeur des actifs est systématiquement sous-estimée. Il y a en permanence des soupçons de corruption. La gestion des revenus est, à ce point, catastrophique que certaines sociétés congolaises sont aujourd’hui dans l’incapacité de payer leurs taxes et de verser les salaires.
Les contrats signés avec les entreprises chinoises sous Joseph Kabila semblent particulièrement pointés du doigt. Pourquoi ?
Prenons le cas de la joint-venture Sicomines, conclue entre la Gécamines et plusieurs sociétés chinoises : le projet bénéficie d’une exonération fiscale et douanière et de facilités administratives totales. Même les visas des travailleurs chinois sont offerts ! En échange, les entreprises chinoises ont ouvert une ligne de crédit de plusieurs milliards de dollars à la RDC pour construire des infrastructures. Les exonérations qui leur ont été accordées sont censées permettre d’accélérer le remboursement de ce crédit, en plus des profits générés par la production minière. Mais il y a un manque total de transparence sur cet accord : on ne sait même pas si les réserves minières suffiront à rembourser le prêt chinois. On n’a aucune idée non plus du calendrier de remboursement. Il n’y a pas de suivi indépendant, pas de contrôle parlementaire.Lire aussi RDC : Gécamines, un cadavre minier qui bouge encore
La révision des contrats miniers peut-elle permettre d’améliorer les conditions de vie des Congolais ?
Je ne crois pas. C’est, certes, un premier pas, mais les contrats apportent de l’argent aux sociétés d’Etat et non directement au budget de l’Etat. Pour que ces revenus profitent davantage à la population, il faudrait revoir toute la gouvernance du secteur et développer une approche plus holistique. Par exemple, il serait bon que les miniers se procurent sur place une part plus importante des biens et services dont ils ont besoin. Cela se fait au Ghana : en 2019, les entreprises minières ont acheté 70 % des biens et services localement. En RDC, c’est un aspect négligé par le code minier.
Le FMI a demandé à la RDC d’instaurer plus de transparence dans le secteur minier, en préalable aux négociations sur un prochain programme d’aide. Cela peut-il peser sur les réformes à venir ?
Le FMI a raison d’inciter à davantage de contrôles, mais il y a du travail… En ce qui concerne les contrats miniers, il faudrait au moins que l’agenda des renégociations soit connu, ainsi que le nombre de contrats concernés, l’objectif visé et l’identité des négociateurs.
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Pour le reste, l’opacité est totale. On n’a même pas accès aux rapports annuels des entreprises d’Etat, ou à leurs bilans financiers. Pourtant, ça se fait ailleurs : en Zambie, ou en Côte d’Ivoire par exemple. Ici, on régresse sur la transparence. L’ONG américaine Natural Resource Governance Institute classe toujours la RDC et les entreprises étatiques dans la catégorie « mauvaise gouvernance » ou « gouvernance défaillante »
Les principales sociétés minières claquent la porte de l’organisation patronale

La FEC, organisation patronale de la RDC, vient de perdre d’un seul coup sept adhérents : les principales sociétés minières du pays, qui estiment « ne pas être représentées de manière adéquate » par l’organisation présidée par Albert Yuma. Cette annonce intervient alors que ces sociétés se sont vues le mois dernier signifiées une prochaine renégociation de leurs partenariats avec la Gécamines, la société d’État dirigée par un certain… Albert Yuma.
Randgold, AngloGold Ashanti, Glencore, Ivanhoe Mines, China Molybdenum Co… Les principaux acteurs du secteur minier congolais ont annoncé, jeudi 15 mars 2018, leur décision de quitter la Fédération des entreprises du Congo (FEC), l’organisation patronale de RDC, « avec effet immédiat ».
Dans un communiqué commun, sept sociétés représentant 85 % de la production de cuivre, de cobalt et d’or du pays, expliquent que l’organisation « ne représente pas leurs intérêts de manière adéquate ».
Une critique qui vise directement – tout en ne le citant pas nommément – Albert Yuma Mulimbi, président de la FEC depuis 2005… Et également président de la Gécamines, la société minière de l’État congolais.
Sous cette casquette, ce dernier avait, lors du forum Mining Indaba, début février au Cap, signifié à ses 17 partenaires privés internationaux de la Gécamines du lancement au second semestre de 2018 de la renégociation de l’ensemble de leurs conventions, les accusant d’avoir spolié le pays et sa population et n’hésitant pas à évoquer des pratiques délictueuses.
« En 2016, les sociétés internationales minières présentes au Katanga ont réalisé 2,6 milliards de dollars (2,11 milliards d’euros) de revenus, sur lesquels seulement 88 millions de dollars ont été versés à la Gécamines. C’est inacceptable ! » avait-il tancé, en présentant les premiers résultats d’un audit réalisé par le cabinet Mazars.
Période de concertation
Ce départ groupé intervient alors que le président Joseph Kabila vient de promulguer, le 9 mars, le nouveau code minier de la RDC, qui prévoit notamment la hausse des royalties de 2 à 3,5 % du chiffre d’affaires sur les minerais « classiques » (tels que le cuivre ou l’or) et de 2 à 10 % sur les minerais « stratégiques », et en particulier le cobalt.
Deux jours avant cette promulgation, le président avait rencontré les représentants des principales compagnies minières et leur avait promis « un dialogue constructif », tandis que le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, annonçait « des ajustements au cas par cas ». Le communiqué des sociétés minières évoque une période de concertation de 30 jours, qui a pris effet hier, mercredi 14 mars 2018.
« Comme convenu avec le président, une liste des préoccupations et propositions de l’industrie concernant le code minier a été remise au ministre des Mines [avec lequel] les sociétés attendent à présent un rendez-vous pour convenir du programme de concertation avec le groupe de travail gouvernemental », précise le communiqué. Après la validation de ce texte, les miniers mettent leurs espoirs dans les clauses de stabilité figurant dans le code minier de 2002 et dans certaines conventions minières, leur garantissant une stabilité de dix ans à compter des changements apportés au code minier ; et s’inquiètent de la disparition d’un tel dispositif dans le nouveau texte.
« Cette période de stabilité s’est traduite par plus de 10 milliards de dollars américains d’investissements directs par l’industrie minière générant plus de 20 000 emplois permanents en RDC », soulignent les sept sociétés.
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Par Juliette Dubois(Kinshasa, correspondance/LMonde)/Jeune Afrique: Nelly Fualdes