La journaliste belge Colette Braeckman a déclaré dernièrement (article « Kinshasa : le torchon brûle entre les alliés de circonstance », sur son blog) que la crise actuelle risque de marquer un tournant dans l’histoire de la coalition FCC-CACH où on aura vu « l’ancien et le nouveau président développer des liens de collaboration, sinon d’amitié et se concerter régulièrement ».
Les deux principales causes de cette crise sont la réorganisation de l’armée et la succession du président de la Cour Constitutionnelle démissionnaire Bernard Lwamba par Félix Tshisekedi sans concertation avec la partie FCC comme auparavant. Mais, doit-on parler encore d’un simple risque, ou plutôt d’un nouveau rapport de force dans lequel la peur a brusquement changé de camp ?
De quoi sera faite la coalition de l’après-tournant ? Encore un bras de fer comme le craint la journaliste belge ? Peut-être pas, parce que le camp Kabila a perdu des positions stratégiques en l’espace de quelques jours. L’armée ne lui est plus aussi soumise qu’il y a un an et demi. On a vu les généraux, à l’exception de John Numbi, faire allégeance à Félix Tshisekedi. L’Assemblée Nationale échoue à être le brise-tout attendu ; sa présidente Jeannine Mabunda n’a pas réussi à imposer le candidat du FCC à la tête de la CENI et à faire passer les lois Minaku-Sakata qui devaient calmer les velléités de l’état de droit et les ardeurs des magistrats. Le président du Sénat, quant à lui, s’interdit même de tousser en public depuis qu’il a vu passer devant lui le spectre d’une comparution en justice pour injures publiques à l’encontre de la sénatrice Bijou Ngoya. Et ce n’est pas un secret que plusieurs caciques du FCC, parmi lesquels le truculent Lambert Mende Omalanga, n’excluent pas de traverser la rue, avec armes et bagages, à la suite de Benoît Lwamba et Ilunga Ilunkamba, pour collaborer, même secrètement, avec le nouveau Fumuyala, le roi qui règne.
On aura noté au passage la similitude dans la manière dont il dépose les amis encombrants ; comme avec Vital Kamerhe, son ami et directeur du cabinet, on n’a pas vu le coup venir, et l’attaque laisse la victime sans réaction. Joseph Kabila n’a su, pour le moment, que produire une bien inoffensive note rappelant la nécessaire concertation entre le Président de la République et son Premier ministre, ainsi que les domaines de collaboration, notamment la défense. Ladite note ne sera finalement que du makelele ya wenze (bruit sans effets) puisque John Numbi est déjà rentré dans sa ferme, la Cour Constitutionnelle a un nouveau patron, et le Président Tshisekedi est toujours aussi placide, comme si de rien n’avait été.
Non, l’épreuve de force, le bras de fer n’est plus à craindre, mais la coalition demeurera. Tshisekedi en a besoin, d’une part pour ne pas devoir organiser des élections dans la précipitation et sans moyens, et d’autre part, pour ne pas avoir l’Église et Lamuka dans les pattes s’il fallait engager un dialogue, eux qui ne rêvent que de remettre JP Bemba et Fayulu en selle. Cela arrange aussi le FCC, car une cohabitation équivaut à une opposition au président qui demeure malgré tout populaire. Place donc à la coalition win-win.
Serge GONTCHO di Spiritu Sanctu (+ 243 81 27 22 490)
Conscience Nationale en Action (CNA)