Il y a de cela un mois environ, certains enseignants congolais se sont réunis, en conférence, à l’Institut Supérieur Pédagogique de la Gombe pour discuter sur «la place du syllabus dans la formation des étudiants en République Démocratique du Congo ».
Au cours de leurs échanges, tous les enseignants qui se succédaient à la tribune arguaient que ce document qu’ils confectionnent avec pédagogie et rigueur permet aux étudiants d’accéder au savoir dans un pays où les bibliothèques se comptaient au bout des doigts de la main.
Cet argumentaire peut-être intellectuellement recevable par toute personne qui connaît la situation culturelle du Congo, mais la centralité de ce document et son caractère lucratif pose le problème fondamental de sa valeur intrinsèque et de ses apports pédagogiques dans la formation des futurs chercheurs répondant aux exigences scientifiques de l’université.
Pour mémoire, l’appellation syllabus, nom donné au polycopié de cours hérité de la colonisation, prend ses origines de la papauté où il désignait un recueil de questions tranchées par l’autorité papale. De par sa forme et sa rigueur dans la présentation des thèmes, les responsables de l’enseignement supérieur en Europe, sous l’influence du catholicisme, ont adopté le nom de syllabus comme intitulé du document qui annonce le contenu du cours avec son plan détaillé sans oublier de nombreuses références bibliographiques permettant de guider les étudiants dans leurs recherches.
Dans cette version des faits, le syllabus ne constituait pas un document pédagogique imposé aux étudiants par ses concepteurs comme il en est le cas dans les universités congolaises.
Au Congo, le syllabus, comme document d’orientation pédagogique, a été détourné de son sens originel par les enseignants qui le considèrent, en l’absence de toutes publications scientifiques, comme fruit de leurs recherches et comme sources complémentaires de leurs revenus étant donné que ce document est vendu aux étudiants sans aucune règle de vente fixée par les autorités académiques.
Par ailleurs, bien que, le syllabus soit considéré par les enseignants congolais comme un document de recherche, il reste quand même un document figé dont la qualité pédagogique et la rigueur scientifique ne sont toujours pas garanties suite à une absence flagrante d’actualisation au regard des avancées scientifiques et du développement de nouvelles technologies de l’information.
Ainsi, le syllabus comme l’un des moyens permettant l’accès aux savoirs ne doit pas être perçu comme source unique des connaissances rationnelles mais plutôt comme l’une des possibilités laissées aux étudiants congolais pour se documenter afin d’acquérir les compétences techniques comme transversales visant à développer leur capacité d’argumenter et de débattre sur des sujets développés dans ces documents. Sur cette lancée, le syllabus doit rester avant tout un document pédagogique de base élaboré par les enseignants en complément des apports des livres, et d’autres publications scientifiques ou littéraires.
Sur ce, je m’insurge contre cette posture consensuelle des enseignants congolais qui consiste à faire du syllabus un document central de la transmission des savoirs dans les universités et enseignements supérieurs. Je peux comprendre qu’il soit un document de synthèse cohérent de plusieurs ouvrages et publications scientifiques pour un enseignement donné mais, le syllabus ne restera qu’une synthèse et ne pourra, en aucune façon, se substituer aux ouvrages d’essais regroupant des réflexions diverses.
Pour le reste, je pense qu’au-delà de la simple question que soulève le syllabus se pose une autre plus générale notamment celle de l’organisation de l’université et de son financement. Il parait indispensable, dans une éventuelle restructuration de l’enseignement supérieur et universitaire, que les autorités académiques congolaises affichent plus d’ambition pour la démocratisation de l’enseignement en laissant aux étudiants la liberté de penser et de mener des actions de recherche en toute indépendance de leurs travaux.
Sur ce point, l’université en tant qu’institution chargée de produire les connaissances et de diffuser les savoirs doit pouvoir associer, en son sein, l’enseignement et la recherche. Cette association fera d’elle un moteur incontestable de la recherche scientifique et du développement des sciences.
Pour y parvenir, l’université doit posséder des bibliothèques, des laboratoires ainsi que toutes les autres entités connexes qui peuvent favoriser la recherche et le développement de l’esprit critique. Le jour où ces outils, à la base de toute production des connaissances, seraient mis à la disposition des étudiants, ces derniers n’auront plus besoin de recourir à un document de synthèse pour apprendre leurs leçons.
Ils vont s’appuyer sur la documentation existante et sur la méthodologie de travail acquise auprès de leurs enseignants pour se forger un esprit de créativitéà même de les conduire un jour à la découverte : ce dont le pays attend des universitaires.
Par David ONAKAYA MENGE