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RDC : le professeur Banyaku dénonce un revirement jurisprudentiel injustifiable

Au sujet de l’arrêt R.const 1117 du 12 décembre 2019, le Professeur Banyaku Luape Epotu, ancien Juge à la Cour constitutionnelle, relève quatre faits suivants:

1° L’ arrêt R.const 1117 du 12 décembre 2019 de la Cour constitutionnelle a fait un revirement jurisprudentiel par rapport à l’ arrêt R.const 061/TSR du 30 novembre 2007 de la Cour suprême de Justice, toutes sections réunies ayant fait fonction de la Cour constitutionnelle avant la mise en place de celle-ci en 2014.

 Pour faire un tel revirement, il fallait au préalable en justifier le fondement par un arrêt de principe sur le plan doctrinal ou judiciaire. Ce n’est pas le cas.

2° Selon les témoignages dignes de foi et provenant tous de la Cour, le Juge Noël Kilomba, rapporteur de la requête sur le Règlement Intérieur du Congrès pour contrôle de sa conformité à la Constitution, n’a pas soumis le document original à la plénière pour examen par les autres Juges et ces derniers n’avaient pas pris connaissance article par article de ce RI, comme c’est la coutume dans les plénières avant les audiences publiques. L’arrêt a été retiré par le président de la Cour immédiatement après la signature par les Juges dès que l’audience publique sur l’affaire en cause avait pris fin. Hormis le rapporteur Noël Kilomba et le Président Benoît Lwamba, les copies de l’arrêt R.const 1117 n’ont pas été distribuées aux autres juges. A la Présidence de la République, il n’y a pas trace de l’accusé de réception de cet arrêt R.const 1117.

3° L’Arrêt n’aurait pas non plus été transmis au Journal officiel pour publication, puisqu’après près de huit mois, il n’est toujours pas publié. Le Journal officiel n’a même pas reçu une demande pour sa publication.

4° L’Arrêt R.const 1117 de la Cour constitutionnelle n’a pas été mentionné parmi les visas requis à la validité de l’ordonnance présidentielle n°20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence pour conformité à la Constitution dans son Arrêt R.const. 1.200 du 13 avril 2020.

En ignorant l’Arrêt 1117 dans le processus de validation de l’Ordonnance sur l’état d’urgence, la Cour Constitutionnelle a elle-même avoué le caractère inconstitutionnel de celui-ci.

Kengo-Kamerhe et Thambwe-Mabunda :

copier-coller

Pour mieux illustrer les faits relatifs aux deux arrêts R.const 061/TSR du 30 novembre 2007 de la Cour suprême de Justice et R.const 1117 du 12 décembre 2019, il y a lieu de rappeler  qu’après l’élection présidentielle de 2006, la frustration avait gagné le camp de la majorité présidentielle, dont le Président de l’assemblée nationale et du sénat furent respectivement Directeur de campagne et challenger pro-Occident. Les deux speakers rêvaient de diriger le gouvernement en qualité de Premier Ministre mais cette fonction fut confiée à Gizenga, leur ennemi commun. Au-delà des promesses fermes de Joseph Kabila pour satisfaire les deux hommes, ces derniers restaient insatisfaits. Les garanties qu’ils recevaient n’étaient ni suffisantes ni à même de compenser  les importants services rendus et encore moins les risques encourus pour faire gagner un candidat trop impopulaire dans le pays.

C’est alors que les deux larrons décidèrent d’user de voies législatives pour diminuer les ardeurs du nouveau pouvoir. Le Règlement Intérieur du Congrès leur sembla être la meilleure voie pour renforcer le pouvoir législatif dans une éventuelle épreuve avec un Président aux allures putschistes. D’abord, suivant les articles 3, alinéa 3 et 6, alinéa 7 de leur projet du Règlement Intérieur, l’état d’urgence est visé comme un premier moyen d’abus excessif de pouvoir que pourrait utiliser le nouveau pouvoir. Aussi, imaginent-ils de soumettre sa proclamation  à l’autorisation préalable du Congrès. Ils estiment ainsi prévenir les velléités dictatoriales du nouveau Président de la République. Mais, à l’introduction de leur requête pour conformité de ces deux articles à la Constitution, la Cour suprême de Justice leur oppose l’article 85 de la Constitution. L’arrêt 067/TSR du 30 novembre 2007 de la CSJ rejette ces deux dispositions sur base de l’argument selon lequel le Président de la République détient seul l’impérium pour proclamer l’état d’urgence, après consultation avec les Présidents de deux Chambres et le Premier Ministre. Il n’est donc tenu qu’à la limite de son appréciation sur l’état d’urgence. Ces deux articles du projet du Règlement Intérieur du Congrès seront donc jugés contraires à la Constitution. Le deuxième article 40 du même projet de Règlement Intérieur du Congrès reconnaît à ce dernier, à la moitié des membres de chacune de deux Chambres, l’initiative de saisir le Congrès pour la mise en accusation du Président de la République et du Premier Ministre. A cette disposition frondeuse, l’arrêt R. const 067/TSR du 30 novembre 2007 de la Cour Suprême de Justice répond qu’elle viole l’article 150 de la Constitution relatif au principe de séparation de pouvoir entre le législatif et l’Exécutif, tout en insistant sur la prérogative exclusive du pouvoir judiciaire en matière de mise en accusation.  Ainsi, la Cour Constitutionnelle étant le juge naturel du Président de la République, seul le Procureur Général près cette Cour est habilité à mettre en accusation ses assujettis en justice.

En conclusion, l’arrêt R.const 067/TSR met fin aux initiatives subversives de deux frondeurs du Parlement.

Voilà que 15 ans après la première tentative de subversion institutionnelle, deux nouveaux larrons du Congrès reviennent à la charge par une requête introduite à la Cour constitutionnelle pour contrôle de conformité du Règlement Intérieur du Congrès. Ce dernier est une copie conforme de l’ancien projet du Règlement Intérieur, dont les menées subversives des articles 3, alinéa 3 et 6, alinéa 7 et 40 étaient jadis mis en échec par l’arrêt  R.const 067/TSR parce que contraires a la Constitution.

Mais cette fois, la subversion du Congrès dont le FCC détient la majorité et bénéficie de larges faveurs des Juges constitutionnels, obtient en toute clandestinité, la validation pour conformité à la Constitution, des mêmes dispositions du Règlement Intérieur jadis jugées contraires à la Constitution par l’arrêt R.const.1117 du 12 décembre 2019. Celui-ci intervient à un moment de vive tension entre le Président de la République qui menace de dissoudre le Parlement et les deux Présidents des Chambres qui menacent de destituer le Chef de l’État.

Voici le décor planté pour une nouvelle épreuve qui s’annonce dès la prochaine rentrée parlementaire du 15 septembre 2020. Il est évident que chaque partie va rebattre ses cartes pour se mettre à la hauteur de la prochaine crise dont les effets d’annonce rappellent l’adage « Ça passe ou ça casse».

Une violation manifeste

de la Constitution

Pour conclure son éclairage, le Professeur Banyaku Luape revient sur l’article 149 de la Constitution pour dégager l’esprit et la lettre de l’arrêt R.const. 067/TSR de la Cour Suprême de Justice.

  En effet, l’article 40 du Règlement Intérieur signifie, selon la Cour Suprême de Justice, qu’au niveau du seul Parlement, on peut décider à partir de l’initiative des parlementaires, de mettre en accusation les hautes autorités (Président de la République et Premier Ministre) qui relèvent du pouvoir exécutif sans référence au pouvoir judiciaire. Cela violerait l’article 150 de la Constitution qui fait du pouvoir judiciaire le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux. 

Cet article 40 dudit Règlement Intérieur viole en outre l’article 166 en ce qu’il instaure la procédure de mise en accusation qui est une procédure judiciaire et partant du domaine de la loi.

  Concernant les articles 41 et 42 de ce RI, la CSJ les considère comme étant la conséquence de l’initiative de la moitié  des membres de chacune  de deux Chambres  du Parlement réunies en Congrès devant décider des poursuites judiciaires et de la mise en accusation du Président  de la République et du Premier Ministre. C’est là où se situent les invectives attentatoires de deux Présidents des Chambres. D’où l’obsession du complot institutionnel.

Par Kimp (Le Phare)

Oscar BISIMWA

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