Au cœur du bassin central du fleuve Congo, le parc national de la Salonga est la plus grande aire protégée de forêt dense humide du continent africain. Menacé, il n’est toutefois plus considéré par l’Unesco comme étant en péril.
Une excellente nouvelle et une source d’inquiétudes pour la biodiversité, en RD Congo. Tandis que les ONG s’interrogent sur les intentions de l’État en matière de protection des forêts, l’Unesco a décidé de retirer le parc national de la Salonga de sa liste du patrimoine en péril. Le Comité du patrimoine mondial, réuni en ligne le 16 juillet 2021, a pris acte « des améliorations apportées à son état de conservation ».
Les autorités congolaises ont apporté des garanties claires : les concessions pétrolières chevauchant le parc sont nulles et non avenues et ces blocs seront exclus des futures mises aux enchères. Le Comité a également observé que la gestion du parc a été grandement améliorée, notamment en ce qui concerne le renforcement des mesures anti-braconnage.
Le Conseil des ministres a adopté dix mesures urgentes en faveur des ressources naturelles, dont l’instauration d’une taxe carbone. En revanche, la fin annoncée du moratoire sur l’attribution de concessions forestières suscite la colère des protecteurs de l’environnement.
Les résultats commencent à se faire sentir : la population des éléphants de forêt se reconstitue, tandis que le suivi régulier de la faune sauvage montre également que les populations de bonobos demeurent stables, dans le parc.
Le Comité acte ainsi les efforts déployés pendant toutes ces années par les autorités nationales, le Centre du patrimoine mondial de l’Unesco et l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) pour parvenir à cette importante réalisation.
Inscrit en 1984 sur la Liste du patrimoine mondial et en 1999 sur la celle du patrimoine mondial en péril, le parc national de la Salonga est la plus grande réserve de forêt tropicale humide d’Afrique. Situé au cœur du bassin central du fleuve Congo, ce parc est très isolé et accessible uniquement par voie d’eau.
Il abrite de nombreuses espèces endémiques menacées, telles que le bonobo, le paon du Congo, l’éléphant de forêt et le crocodile africain à museau étroit dit « faux gavial d’Afrique ».
De plus, les tourbières, ces zones humides qui accueillent une grande biodiversité, du bassin du Congo et notamment de la Salonga couvrent 145 000 km2 – une zone plus grande que l’Angleterre !–, et stockent environ 30 milliards de tonnes de carbone, selon les calculs de Greenpeace.
Quid du moratoire sur l’exploitation forestière ?
La RD Congo avait officialisé son projet d’exploiter du pétrole dans les parcs des Virunga (au nord-est du pays), et de la Salonga en 2018 ; sans mettre ses projets à exécution, le gouvernement n’y a toutefois pas officiellement renoncé.
Sans réagir sur ce point précis, le ministère congolais de l’Environnement « se réjouit » de la décision de l’Unesco, et y voit « une occasion de mieux penser la gestion de la tourbière en vue de la quantification de sa capacité d’absorption de carbone ».
En revanche, les associations de protection de l’environnement protestent face à la proposition de la ministre de l’Environnement et du développement durable, Ève Bazaïba, visant à lever le moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions forestières.
Elles estiment que de nouvelles exploitations de la forêt, par des entreprises étrangères, accéléreraient la déforestation. Ce qui priverait de revenus une partie de la population congolaise, qui vit des ressources de la forêt tout en la préservant.
De plus, une telle mesure « contredirait l’engagement du président Félix Tshisekedi de réduire les émissions de gaz à effet de serre de la RD Congo de 17% et de restaurer sa couverture forestière à 63,5% d’ici à 2030 », considère Greenpeace.
« Face au chaos généralisé dans l’industrie forestière », en RD Congo, la levée du moratoire en vigueur depuis 2002 « permettrait une braderie massive du territoire national, mettrait en péril les communautés locales et exacerberait les crises climatiques et de biodiversité », alertent Greenpeace, Rainforest Foundation UK et Rainforest Norway dans un communiqué.
La levée de ce moratoire fait pourtant partie des « dix mesures urgentes » relatives à la gestion durable des ressources naturelles, présentées en Conseil des ministres par Ève Bazaïba, le 9 juillet.
Parmi ces mesures, figure le réexamen des concessions forestières octroyées aux institutions, la suspension de l’exploitation des bois d’œuvre utilisés pour les meubles et sculptures, ainsi que l’instauration de la taxe carbone. Celle-ci serait payée par tous les véhicules qui circulent dans le pays.
Par Marie-Anne Lubin (Le Magazine de l’Afrique)