Depuis la reprise des hostilités au Nord-Kivu, vendredi 25 octobre, l’armée congolaise soutenue par l’ONU ne cesse de marquer des points face à la rébellion. Les principales bases arrières du mouvement rebelle M23 sur le territoire congolais sont tombées au cours des derniers jours, ses combattants réduits à fuir vers l’Ouganda et le Rwanda. Il y a encore quelques semaines, les rebelles contrôlaient un large territoire de la province du Nord-Kivu.Rappel des étapes majeures de l’évolution de la rébellion du M23.
■ Repères
Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu connaissent depuis plusieurs années des cycles de violence et de conflits armés axés autour des importantes richesses minérales et des terres fertiles de cette partie orientale de la République démocratique du Congo (RDC).
Ici, les rébellions succèdent aux rébellions. La dernière en date est celle menée par le mouvement M23 constitué en avril 2012. Ce courant est composé d’ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) qui a sévi dans la région dans les années 2000. Le CNDP était dirigé par Laurent Nkunda, général déchu de l’armée congolaise et proche du Rwanda.
Les rébellions qui ont ensanglanté le Nord-Kivu sont soutenues par les voisins rwandais et ougandais de la RDC. Le mouvement M23 ne déroge pas à la règle, même si Kigali et Kampala ont toujours nié ces allégations.
■ Chronologie
2012
29 avril : Début d’affrontements dans le Nord-Kivu (à Masisi) entre l’armée congolaise (FARDC) et des militaires mutins.
6 mai : Publication du communiqué annonçant la création du Mouvement du 23 mars (M23). Ce mouvement dirigé par le général Bosco Ntaganda, un ancien du CNDP, doit son nom à l’accord de paix signé le 23 mars 2009 entre le gouvernement congolais et les rebelles pro-rwandais du CNDP. Les mutins du M23 invoquent le non-respect du pacte au terme duquel le gouvernement congolais s’était engagé à intégrer dans l’armée régulière les combattants du CNDP et à les maintenir dans leur fief du Nord-Kivu.
Ils redoutaient également l’extradition par Kabila de leur chef Bosco Ntaganda (surnommé « Terminator ») vers la Cour pénale internationale (CPI). L’homme est poursuivi par la CPI pour des crimes de guerres notamment l’enrôlement d’enfants. Sultani Makenga, un autre commandant du M23, a été lui aussi impliqué dans le recrutement et l’utilisation d’enfants militaires.
6 juillet : Chute de Bunagana, important post-frontière avec l’Ouganda et poumon économique de la région. La ville passe aux mains du M23.
15-20 novembre : Offensive majeure des rebelles jusqu’aux portes de Goma, ce qui provoque l’exode massif de réfugiés. Le 20, chute de Goma, malgré la présence sur place de la force de maintien de la paix de l’ONU, la Monusco. MSF évoque « plus de 100 000 déplacés ». L’ONU accuse les rebelles d’avoir enlevé des femmes et des enfants.
24 novembre : Ouverture à Kampala (Ouganda) de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Le communiqué final de la CIRGL appelle les combattants du M23 à se retirer de Goma. Les rebelles amorcent leur retrait pour se replier au nord de cette ville.
9 décembre : Début de pourparlers à Kampala entre le gouvernement congolais et le M23.
2013
24 février : Signature d’un accord-cadre à Addis-Abeba par onze pays africains pour la pacification de l’Est congolais.
19 mars : Guerre des chefs au sein du M23, débouchant sur la présentation spontanée de Bosco Ntaganda à l’Ambassade des Etats-Unis pour se constituer prisonnier. Les autorités consulaires américaines le transfèrent à la CPI qui le recherchait depuis 2006 afin de le juger pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
28 mars : Résolution du Conseil de sécurité qui renforce la Mission de l’ONU (Monusco) en créant pour la première fois une brigade d’intervention chargée de « neutraliser les groupes armés » opérant dans l’Est congolais.
20 mai : Recrudescence de combats dans la région frontalière entre les forces de M23 et l’armée congolaise après six mois d’accalmie.
30 août : Retrait des rebelles de la ligne de front au nord de Goma, suite à l’offensive de l’armée congolaise, soutenue par les brigades de la Monusco. C’est le véritable tournant de la guerre.
Fin octobre : Suspension des négociations de paix à Kampala entre la RDC et les rebelles du M23.
Les combats recommencent après deux mois de trêve, avec l’armée et la brigade d’intervention de l’ONU reprenant le contrôle de Rutshuru et Kiwanja, deux anciennes localités aux mains du M23. Le 30, reconquête par les Forces armées congolaises de Bunagana, le dernier grand fief du M23.
04 novembre: Annonce par le gouvernent congolais de sa victoire militaire «totale» sur les rebelles, après la chute des deux derniers repaires de la rébellion dans les montagnes du Nord-Kivu..
05 novembre: Annonce publique par le M23 de la fin de sa rébellion et de la poursuite de ses revendications par des moyens purement politiques.
Qui sont les rebelles du M23 qui menacent Goma?
Les rebelles du M23 affrontent depuis le 15 novembre l’armée congolaise aux abords de la ville de Goma, à l’Est de la république démocratique du Congo, ont demandé, ce lundi, l’ouverture de « négociations politiques ». Retour sur le Mouvement du 23 mars, et les liens obscurs qu’il entretient au-delà de la frontière congolaise.
Parvenus au prix d’une vigoureuse offensive déclenchée le 15 novembre en lisière de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu (extrême-est de la République démocratique du Congo), les rebelles du M23 ont exigé ce lundi l’annonce, dans un délai de 24 heures, de « l’ouverture de négociations politiques directes » et la « démilitarisation totale » de la ville, désertée par les gradés comme par des hordes de civils affolés. https:
Ils somment également la Mission des Nations unies pour le maintien de la paix au Congo (Monusco), dont les hélicoptères d’attaque et l’artillerie appuient les forces de l’ex-Zaïre, de s’en tenir à une stricte neutralité. En quatre questions-clés, gros plan sur une guérilla mal connue en Occident.
D’où vient le M23?
Rebaptisé en octobre dernier « Armée révolutionnaire du Congo », le Mouvement du 23 mars, ou M23, doit son nom à l’accord de paix signé le 23 mars 2009 par les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) et les rebelles pro-rwandais du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Ce texte prévoyait notamment l’intégration des combattants du CNDP au sein de l’armée régulière. Invoquant le non-respect de ce pacte, ceux-ci se sont mutinés et ont pris le maquis dès avril.
En fait, les réfractaires récusaient un « brassage » national qui les auraient éloignés de leurs fiefs -donc de leurs sources de revenus-, réclamaient le maintien de tous les officiers dans leur grade et redoutaient l’hypothétique extradition de leur « boss » Bosco Ntaganda, inculpé en juillet par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Le M23 a aussi reçu le renfort de transfuges des Forces armées de la RDC. Tel est le cas de l’actuel chef militaire du mouvement, Sultani Makenga, promu voilà peu « général de brigade » et placé le 13 novembre par les Etats-Unis sur leur « liste noire », car tenu pour responsable « d’horreurs à grande échelle » contre les civils.
Où opère-t-il?
Le M23 sévit pour l’essentiel au Nord-Kivu, région pourvue d’un sous-sol prodigue en minerais rares, de terres fécondes et de riches pâturages. Il contrôle une partie du Rutshuru, territoire adossé aux frontières rwandaise et ougandaise. Depuis le génocide perpétré en 1994 au pays des Mille collines, les paysages verdoyants du Kivu, mosaïque ethnique, sont le théâtre de guérillas récurrentes entre factions souvent manipulées par les puissances régionales, enclines à piller ses ressources. Enjeu central: la captation d’un pactole naturel fait d’or, de coltan, de tungstène ou de cassitérite.
Sur fond d’anarchie, les combattants de toutes obédiences se livrent à des exactions massives.
Le 11 novembre, l’ONG Human Rights Watch a ainsi accusé le M23 de « crimes de guerre à grande échelle », citant notamment l’exécution, sous les yeux de leurs compagnons d’infortune, d’enfants-soldats recrutés de force et coupables d’avoir tenté de fuir, ainsi que le viol d’une fillette âgée de 8 ans.
Que veut-il vraiment?
Dans le chaos chronique des confins orientaux de la RDC, les ambitions territoriales, politiques et identitaires ont tôt fait de supplanter les revendications corporatistes. La frange la plus radicale du M23 admet ainsi oeuvrer à la chute du président Joseph Kabila, fort mal réélu fin 2011. Au fil de l’été, ses leaders ont installé un « cabinet politique » de 25 membres et tenté d’instaurer un semblant d’administration locale dans leurs bastions. Ils s’efforcent, sans grand succès au demeurant, d’élargir leur assise et de s’affranchir de leur image de milice vouée à protéger les armes à la main les seules communautés tutsies.
Sont-ils en mesure de menacer le régime de Kinshasa, 200 kilomètres plus à l’ouest? A ce stade, la réponse est non. Après tout, le CNDP, qui étendait son influence sur un territoire trois fois plus vaste, n’a jamais mis en péril le trône de « Jo » Kabila.
Qui soutient la rébellion?
Deux rapports récents, rédigés par des experts de l’ONU, accusent clairement le Rwanda et l’Ouganda voisins d’épauler le Mouvement du 23 mars, lui fournissant hommes, renseignement, armement et munitions, quitte à bafouer l’embargo en vigueur. Le dernier en date, un document supposé confidentiel qui a « fuité » en octobre, désigne ainsi le ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe, comme le patron de facto de la rébellion. « Une aberration », riposte sa collègue aux Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.
De même, les analystes onusiens dénoncent le « soutien actif » que de hauts responsables ougandais assurent au M23, à commencer par le déploiement de 600 soldats. En représailles, Kampala menace d’abandonner son rôle de médiateur et de retirer tous les contingents maison engagés dans des opérations de paix de par le monde. Notamment en Somalie, où l’armée de Yoweri Museveni procure plus du tiers des effectifs -soit 6500 Casques blancs sur 17000- de l’Amisom, la mission de l’Union africaine ONU. Laquelle est parvenue à desserrer dans l’année écoulée l’emprise des shebabs, miliciens islamistes.
De même, Kampala fournit le gros du contingent chargé de traquer les tueurs de l’Armée de résistance du Seigneur, insurrection millénariste à la férocité proverbiale qui, apparue dans le nord ougandais, a essaimé en RDC, au Soudan du Sud et en République centrafricaine. Comme il se doit, le chef de la diplomatie de Museveni assimile les griefs circonstanciés de l’ONU à une « plaisanterie ». Plaisanterie qui n’amuse personne. Car les démentis ougando-rwandais ne convainquent que les naïfs.
Après que plusieurs bailleurs de fonds occidentaux ont gelé leur aide, la Belgique vient de suspendre sa coopération militaire avec Kigali. Le 19 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU a d’ailleurs affiché son « soutien sans réserve » aux auteurs des rapports contestés, et menacé implicitement les deux cadors des Grands Lacs de sanctions.
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Vers une résolution à l’ONU?
Le gouvernement de Kinshasa a refusé de négocier avec le mouvement du M23, qui a repris lundi après-midi ses tirs contre l’armée congolaise. Paris a demandé « sans tarder » à l’ONU une résolution condamnant le groupe rebelle.
Par Tirthankar Chanda (RFI)/2 novembre 2013)/Vincent Hugeux (L’Express/19/11/2012)