Le 17 mai 1997, le règne de Mobutu prend fin. Les troupes de l’alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) sous l’ordre de Laurent Désiré Kabila débarquent à Kinshasa et s’emparent du pouvoir.
L’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), ou parfois Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre, était une coalition de dissidents à Mobutu Sese Seko et de groupes ethniques minoritaires congolais qui emmenés par Laurent-Désiré Kabila prirent le pouvoir au terme de la première guerre du Congo (1996-1997). Bien que l’alliance ait réussi à évincer Mobutu du pouvoir, elle ne survécut pas aux tensions entre Kabila et ses anciens alliés, l’Ouganda et le Rwanda, ce qui amena au déclenchement de la deuxième guerre du Congo le 2 août 1998.Alliance de forces démocratiques pour la libération du Congo
Fondation | 1996 |
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Sigle | AFDL |
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Type | Organisation politique, parti politique |
Pays | République démocratique du Congo |
Contexte
Vers le milieu de 1996, la situation dans le Zaïre oriental devenait de plus en plus tendue. Après le génocide au Rwanda de 1994, des centaines de milliers de Hutus avaient traversé la frontière jusqu’au Zaïre où ils se rassemblèrent en de grands camps de réfugiés. De nombreux participants au génocide, dont des membres des Forces armées rwandaises (FAR) et des miliciens interahamwe, profitèrent de l’anonymat offert par les camps pour se réorganiser dans le mouvement Rassemblement pour le Retour et la Démocratie au Rwanda (RDR). Le RDR commença à utiliser les camps comme base arrière pour son infiltration au-delà de la frontière et conduire une insurrection. Malgré les protestations du gouvernement du Rwanda, le gouvernement zaïrois, et les organisations internationales apportant l’aide humanitaire aux camps ne purent ou ne voulurent pas[réf. nécessaire] séparer ces militants des populations de réfugiés.
Au même moment, la situation des Banyamulenge, des Tutsis présents au Zaïre depuis des générations, devenait plus précaire. Ils furent longtemps l’objet de discriminations, étant des arrivants relativement récents dans le pays, de culture et de langue différents des tribus voisines, et instrumentalisés par Mobutu pour entretenir des dissensions dans le pays pour asseoir son pouvoir. L’arrivée massive de Hutus, qui s’en prirent naturellement aux Banyamulenge, accrut encore les tensions. Le gouvernement du Rwanda, pour sa part, voyait les Banyamulenge comme des alliés naturels, et leur apporta un soutien militaire en prévision d’une escalade éventuelle et désormais probable.
Formation de l’AFDL
Le 7 octobre 1996, le vice-gouverneur de la ville de Bukavu au Kivu, à la suite du fait que les Banyamulenge devenaient de plus en plus armés et présentaient un danger, décréta que ces derniers n’étaient plus les bienvenus et qu’ils devaient quitter le pays. En réponse, les Banyamulenge menèrent un soulèvement armé contre le gouvernement local. C’était le début de la longue guerre entre les Forces armées zaïroises (FAZ) et le Front patriotique rwandais (FPR) qui opérait sous le nom de Banyamulenge et AFDL. Car, c’est le chef d’état-major rwandais qui en sera le commandant des opérations et de l’assaut qui se préparait. C’est ainsi qu’au bout de compte, il y aura un échange de mortier entre les FAZ et le FPR stationnées sur les deux rives du lac Kivu. Ces événements sont désormais considérés comme les premiers engagements de la première guerre du Congo.
Laurent-Désiré Kabila, un ancien rebelle maoïste [1]qui, après avoir animé le maquis d’Hewa Bora à Fizi, avait passé la précédente décennie à vendre de l’or en Tanzanie, réapparut comme porte-parole de l’AFDL et leader de son ancien groupe, le Parti pour la Révolution des Peuples. L’AFDL en ce temps-là comprenait aussi le Conseil national de la résistance pour la démocratie (CNRD) dirigé par André Kissasse Ngandu, le Mouvement révolutionnaire pour la Libération du Zaïre dirigé par Anselme Masusu Nindaga, et l’Alliance démocratique des Peuples de Déogratias Bugera, surnommé ‘Douglas’. Il faut préciser que lorsque le Rwanda et l’Ouganda mettaient en place l’AFDL, Laurent-Désiré Kabila n’y était pas encore associé. La partie congolaise était représentée par André Kissasse Ngandu, comme leader du groupe, Masusu Nindaga et Déogratias Bugera qui représentait les intérêts de Banyamulenge. Et Laurent-Désiré Kabila, pour sa verve oratoire ne va rejoindre l’Alliance que plus tard, comme porte-parole.
Mais, après avoir nié leur participation à la conception, création et animations de l’AFDL, le président du Rwanda Paul Kagame et celui de l’Ouganda Yoweri Museveni, n’ont plus pu se voiler la face lorsque les deux troupes s’affronteront dans la Province orientale, sur la terre, zaïroise pour le contrôle de l’or. Le 22 mai 1999 aura lieu le premier affrontement, plusieurs civils congolais perdront la vie. Du 2 au 4 juin, l’affrontement se répétera. Ce conflit entre le Rwanda et l’Ouganda sur le sol congolais prendra l’allure d’une vraie guerre au mois d’août et ne prendra fin que le 17 août à la signature de l’accord de Mweya, entre Kagame et Museveni. Et le 22 août 1999, pour un accord de paix, ils se retrouvèrent à Rwakitura.
Déroulement de la guerre
Les premières actions de l’AFDL furent de prendre les villes proches des frontières orientales et de disperser les camps de réfugiés qui offraient un refuge facile aux militants des forces Hutues du RDR, ce qui fut dénoncé par les organisations humanitaires. À chaque destruction de camp, les réfugiés passaient au suivant, aggravant les problèmes humanitaires et sanitaires. Le camp de Mugungu, au nord du lac Kivu, atteint 500 000 occupants, ce qui le rendait ingérable. Les forces Hutues et zaïroises furent cependant rapidement défaites en de sanglants affrontements, et les provinces du Nord et du Sud-Kivu furent rapidement acquises. Les réfugiés Hutus s’enfuirent, et environ 800 000 d’entre eux revinrent au Rwanda. Plusieurs centaines de milliers d’autres s’éparpillèrent dans les forêts du Kivu, exposés à la famine, aux maladies, aux fauves et aux bandes armées.
Pendant que Kabila, de par ses contacts internationaux et son multilinguisme, était vu comme porte-parole de l’AFDL, la question du dirigeant restait débattue. André Kissasse Ngandu, était le président de l’aile militaire de l’AFDL, le Conseil national pour la Résistance et la Démocratie (CNRD). Cette tension interne entre les deux hommes fut résolue le 4 janvier 1997, quand Ngandu mourut en des circonstances obscures au Nord-Kivu. Kabila se présenta alors comme le président du CNRD, ainsi que porte-parole et responsable politique.
Une fois les Kivus acquis, le reste de la guerre fut essentiellement une longue marche de l’AFDL et de ses alliés à travers le pays jusqu’à Kinshasa. La population, lassée par le régime de Mobutu Sese Seko, accueillit généralement favorablement les conquérants. Les soldats de l’armée zaïroise prirent la fuite, se rendirent sans combattre ou rejoignirent les insurgés. Le 17 mai 1997, après une dernière médiation avortée entre Mobutu et Kabila en compagnie de Nelson Mandela, l’AFDL atteignit le quartier de Masina à Kinshasa et Kabila s’autoproclama président de la République démocratique du Congo. L’AFDL fut rapidement transformée en la nouvelle armée nationale.
Le jour où le destin du Zaïre a basculé
Ce 17 mai 1997, le règne de Mobutu a pris fin. Comme une tragédie classique, le basculement vers l’ère Kabila s’est opéré en cinq actes. Récit.
Premier acte – Vendredi 16 mai 1997 : le roi fuit
Ce 16 mai de l’année 1997, Kinshasa se réveille dans une chaleur moite mais, plus encore, dans la peur. Les Kinois redoutent la bataille annoncée entre les Forces armées zaïroises (FAZ) et l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), une rébellion partie de l’est du pays, soutenue par le Rwanda et l’Ouganda, et dirigée par un certain Laurent-Désiré Kabila. Ce jour-là, les rebelles ne sont plus qu’à quelques encablures de Kinshasa. Dans la capitale congolaise, les avis sont partagés. Certains espèrent que les FAZ défendront la ville ; d’autres, que les rebelles y entreront sans coup férir.
Le même jour, une autre tragédie se noue. Plus personnelle mais tout aussi politique. Au petit matin, une escorte pléthorique quitte le camp militaire de Tshatshi et fonce vers l’aéroport de Ndjili. Mobutu Sese Seko, maître incontesté du Zaïre, embarque quelques minutes plus tard dans un avion. Direction, son fief de Gbadolite, dans la province de l’Équateur, non loin de la Centrafrique, dans le nord-ouest du pays. C’est la fin d’un règne absolu de trente-deux ans, qui débuta le 24 novembre 1965. Une page tourmentée de l’Histoire du Congo vient de se refermer. Brutalement.
Deuxième acte – Samedi 17 mai 1997 : Kinshasa, la capitale, tombe
« Dès notre entrée dans Kinshasa, des Kinois venaient nous saluer, nous tendaient des sachets d’eau, du pain, et même des seaux pour nous laver », se rappelle Albert, 15 ans à l’époque, un ancien kadogo (nom donné aux soldats de l’AFDL, qui comptait de nombreux enfants dans ses rangs).
Ce 17 mai 1997, au petit matin, l’AFDL vient en effet de pénétrer dans la capitale congolaise, par l’est et par petits groupes, sous le commandement d’un chef militaire rwandais, James Kaberebe qui fut l’aide de camp de Paul Kagame en 1994 avant de devenir le chef d’état-major des FARDC – l’armée congolaise – puis ministre de la Défense du Rwanda. Kinshasa bruisse désormais du son de milliers de bottes en caoutchouc – celles de kadogos – mais l’affrontement entre les forces rebelles et loyalistes n’aura pas lieu. Pour le plus grand soulagement de la population. Les États-Unis, qui comptent parmi les « parrains » de la rébellion, ont « demandé » que les hommes de Laurent-Désiré Kabila n’entrent dans la capitale qu’après le départ de Mobutu.
Pour l’heure, nombreux sont les Kinois à sortir pour acclamer les « libérateurs ». Partout, les rebelles sont applaudis. On entonne des chants à leur gloire. On les rafraîchit avec des poignées d’eau. On leur tend même de l’argent. L’accueil est chaleureux, triomphal même par endroits. À la hauteur du soulagement sans doute. Les violences épargneront Kinshasa ; cette fois-ci en tout cas.
Dans l’après-midi, Kinshasa tombe officiellement entre les mains des rebelles. Leur arrivée dans la capitale clôt un périple de huit mois, durant lesquels ils ont traversé le pays d’est en ouest, parcourant 2 000 kilomètres au total. Du côté des Forces armées zaïroises (FAZ), c’est la débandade. La soldatesque, démotivée, est quasiment démobilisée. Son commandement, lui, est inexistant. Ses principaux chefs se sont déjà ralliés aux rebelles en ayant pris soin, auparavant, de négocier leur reddition.
Depuis Gbadolite où il s’est réfugié, Mobutu Sese Seko assiste impuissant aux événements. Ce 17 mai, il se résigne, la mort dans l’âme, à quitter son pays pour Lomé, au Togo. Avant que son appareil ne s’arrache du tarmac de l’aéroport de Moanda, près de Gbadolite, des soldats, en proie à un sentiment d’abandon, tirent sur l’avion du Léopard pour tenter de le clouer au sol. En vain. Celui qui a régné sans partage et d’une main de fer sur le pays, trois décennies durant, va réussir à partir. Son destin l’attend au Maroc où il s’éteindra en septembre.
Gbadolite qui pleure, Lubumbashi qui rit. Ce même jour, dans la capitale du Katanga, province dont il est originaire, Laurent-Désiré Kabila transforme l’AFDL en organe de gestion du pouvoir, rebaptise le Zaïre en République démocratique du Congo et s’autoproclame président. Un autosacre napoléonien qui vient clore une folle journée.
Troisième acte – Mardi 20 mai 1997 : Kabila, le nouveau maître, prend ses quartiers
L’un part. L’autre arrive. En avion toujours. Il est près de 19 heures à Kinshasa ce mardi 20 mai quand un appareil se pose sur la piste de l’aéroport de Ndjili. À son bord, le Mzee (« le sage » ou « le vieux » en swahili). Quelques minutes plus tard, il foule le sol de la capitale congolaise, dans laquelle il n’est plus retourné, assure-t-il, depuis le début des années 60. Un peu plus tôt, dans l’après-midi, il a quitté Lubumbashi et le Katanga. Pour l’accueillir sur le tarmac, quelques proches, des officiers et des kadogos. Les services du protocole ont fait dans le minimalisme. Certains y verront déjà un signe d’isolement. En attendant, sur le trajet l’amenant vers le centre-ville, quelques Kinois l’acclament. Ce jour-là, Laurent-Désiré Kabila jouit de l’aura du vainqueur. Il est l’homme qui a chassé le dictateur Mobutu et qui, espère-t-on, ramènera la paix. Comme le reste des Congolais, les Kinois ne tarderont pas à déchanter. Si la campagne militaire du nouveau maître du pays fut brillante, son exercice du pouvoir le sera beaucoup moins.
Quatrième acte – Jeudi 22 mai 1997 : un gouvernement de salut public est constitué
Laurent-Désiré Kabila veut désormais aller vite et marquer à son tour de son empreinte l’Histoire du pays. Ce jeudi 22 mai, il nomme un gouvernement restreint de salut public. Bricolé à la va-vite, à la légitimité précaire, celui-ci multipliera les ratés et les maladresses, renforçant le sentiment d’improvisation. Il sera remplacé en juin 1997 par un gouvernement de même acabit à qui l’on reprochera également une absence totale de cohésion, des accointances avec l’étranger (le Rwanda et l’Ouganda en particulier) et, plus généralement, un manque d’habileté et d’éthique.
Cinquième acte – Jeudi 29 mai 1997 : le président Kabila prête serment
Ce jeudi 29 mai à Kinshasa, « devant le peuple » réuni au stade des Martyrs, Laurent-Désiré Kabila, le nouvel homme fort du pays, prête serment. Sur les statuts de l’AFDL et sur le décret 001 qui lui attribue les pleins pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. Longtemps, le pays sera régi par un autre décret, le numéro 003, du 27 mai 1997. Un texte composé de treize articles qui ne prévoit rien en cas de disparition du chef de l’État… Il faudra attendre le 18 février 2006 pour que le pays se dote d’une Constitution digne de ce nom.
En attendant, Laurent-Désiré Kabila, se métamorphose à l’épreuve du pouvoir. Lui le tiers-mondiste, révolutionnaire et panafricaniste, admirateur de Nkrumah, Nasser, Mao et de Fidel Castro, se mue peu à peu en autocrate rigide. Après sa rupture aussi soudaine que brutale, dès 1998, avec ses parrains rwandais et ougandais, sa pratique du pouvoir se raidit. Il devient autoritaire, emprisonne opposants (dont Étienne Tshisekedi) et journalistes, nomme lui-même les députés, etc. C’est la fin des illusions et le retour à une réalité d’autant plus dure que le pays sombre rapidement dans la violence et le chaos généralisé. De 1998 à 2002, la deuxième guerre du Congo fera 6 millions de morts et près de 4 millions de déplacés. Un bilan tragique à la démesure du pays.
Épilogue…
Le 7 septembre 1997, Joseph Mobutu décède au Maroc où sa dépouille repose encore dans le carré chrétien du cimetière de Rabat. Le 16 janvier 2001, il est rejoint dans la tombe par Laurent-Désiré Kabila, assassiné – 40 ans, pratiquement jour pour jour après l’exécution de Patrice Lumumba – dans sa résidence du palais de Marbre à Kinshasa, par un ancien enfant-soldat devenu membre de sa garde.
Ce mercredi 17 mai 2017, vingt ans après la prise de pouvoir de Laurent-Désiré, l’ère Kabila n’est toujours pas terminée. Son fils, Joseph, qui lui a succédé à la présidence quelques jours après sa mort, continue de régner en maître sur le pays. Et il n’est, semble-t-il, pas décidé à en lâcher les rênes de sitôt
Par Wikipédia/Prosper Bagondo