(Un tank de l’armée dans l’est de la RDC
Des milliers de soldats ougandais sont entrés officiellement mardi 8 février 2022 à Boga à 25 kilomètres au sud de Bunia dans la province de l’Ituri.
Ce déploiement s’inscrit dans le cadre des opérations de mutualisation des forces les armées congolaise et ougandaise contre les rebelles des ADF en Ituri, selon les FARDC.
Vers 17h30 (heures locales), les premiers camions transportant des militaires de l’armée ougandaise ont fait leur entrée au centre de Boga dans le territoire d’Irumu.
D’autres troupes étaient à pied en provenance de Burasi, où ces militaires ougandais ont traversé la rivière Semuliki qui sépare la RDC de l’Ouganda. Des jeunes, des enfants, mais aussi des curieux rangés le long de l’artère principale de Boga ont assisté à cette entrée par des applaudissements.
Dans un tweet, le général Muhozi Kainerugaba, commandant de l’armée de terre, a annoncé que les forces armées des deux pays avaient investi l’aérodrome de Bududu à Boga depuis le mercredi 9 février.
Ce déploiement, selon lui, a poussé ces rebelles très actifs dans cette région à la débandade. Des sources sécuritaires au sein des FARDC indiquent que le choix pour les deux forces de s’installer à Boga est « stratégique », car des rebelles sont présents dans les environs de la forêt de Tchabi, mais aussi à Zunguluka, au mont Oyo et à Kainama.
La société civile locale promet d’apposer son soutien aux deux forces pour la réussite de leur mission, celle de mettre fin aux aventures des ADF dans cette région meurtrie par l’activisme des groupes armés, dont la CODECO.
Depuis plus de trois ans, les combattants de ces groupes se rendent coupables de plusieurs exactions, massacres et déplacement des populations civiles.
« Près de 80 000 personnes sont désormais privées de soins à cause de l’attaque d’un hôpital en Ituri »
Frédérick Lai Manantsoa, chef de mission pour Médecins sans frontières à Boga, en République démocratique du Congo (RDC), dénonce l’insécurité grandissante dans la province de l’Ituri.

Un hôpital de la zone de santé de Boga, dans la province de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC), a été incendié par un groupe armé, lundi 7 juin 2021. Depuis, des milliers de personnes se retrouvent privées de soins médicaux. Frédérick Lai Manantsoa, chef de mission pour Médecin sans frontières à Boga, dénonce l’insécurité grandissante dans cette province placée en état de siège depuis plus d’un mois.
Dans quelles circonstances a été perpétrée l’attaque contre l’hôpital de Boga ?
Dans cette zone, deux conflits se superposent depuis des années : d’un côté, les Forces démocratiques alliées [ADF, un groupe rebelle islamiste ougandais à l’origine] mènent de brutales incursions. De l’autre, on constate de fortes tensions intercommunautaires. Tout cela reste flou. Le 7 juin, vers 13 heures, l’hôpital a été pillé et incendié lors d’un affrontement. On ne sait toujours pas qui l’a commis, mais on connaît le bilan : cinquante civils ont perdu la vie. Le personnel de l’hôpital et les patients ont réussi à s’enfuir à temps. Des milliers d’habitants ont aussi pris la route.Lire aussi Article réservé à nos abonnésRDC : en Ituri, le retour à la paix se fait attendre
Quelles sont les conséquences sanitaires d’une telle attaque ?
Nous avions terminé de construire cet hôpital en septembre 2020, après trois ans de travaux. Il comptait soixante lits et représentait la seule structure opérationnelle dans cette zone de santé. Nous sommes très inquiets car les 80 000 personnes qui en dépendent se retrouvent aujourd’hui privées de soins. Nous sommes également atterrés par le non-respect du droit humanitaire, international et par la violation de la neutralité d’une structure sanitaire. On lance un appel à toutes les parties du conflit, y compris le gouvernement congolais, afin que soit protégée l’inviolabilité des structures sanitaires, de leur personnel et des ambulances.
La province de l’Ituri, comme le Nord-Kivu, est placée en état de siège depuis plus d’un mois afin de mettre fin aux atrocités commises contre les civils par des groupes armés. Comment expliquez-vous la persistance des attaques malgré le renforcement des pouvoirs des militaires ?
Pour nous, la solution à ces conflits ne peut être uniquement militaire. En tant qu’acteur humanitaire, nous observons les profondes fractures sociales qui divisent les communautés. Une peur s’est installée. Certains renoncent à aller se faire soigner à l’hôpital, car ils ne s’y sentent pas en sécurité. Ils restent chez eux ou consultent un tradipraticien. Les besoins dans la province de l’Ituri sont aujourd’hui colossaux. Nous, humanitaires, ne pouvons répondre aux frustrations nées de problèmes sociaux, au chômage massif. C’est un problème de fond qui demande des mesures également sociales et économiques.Lire aussi RDC : l’état de siège décrété dans l’est inquiète la société civile
Le président congolais, Félix Tshisekedi, est en tournée dans l’Est depuis plusieurs jours pour évaluer la situation sécuritaire. Il est arrivé à Bunia, le chef-lieu de l’Ituri, jeudi 17 juin. Face à cette flambée de violence, quel message lui adressez-vous ?
Je me réjouis qu’il fasse cette tournée, c’est un bon signe. Cela lui permettra de prendre la mesure de la gravité de la situation. Il y a actuellement 1,5 million de déplacés en Ituri, 2,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire selon un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires [de l’ONU], soit un tiers de la population. Aujourd’hui, la RDC est le deuxième pays, après la Syrie, en matière de déplacés internes.
Par ailleurs, de plus en plus de femmes victimes de violences sexuelles viennent dans nos structures. Malgré les financements des bailleurs internationaux, malgré les efforts des acteurs humanitaires, la situation continue de se dégrader.Lire aussi Article réservé à nos abonnésEn RDC, les mille et une guerres des provinces orientales
L’Ituri est aujourd’hui la première province en urgence humanitaire en RDC. Nous demandons au président de rappeler à toutes les parties de respecter l’inviolabilité des structures sanitaires dans cette zone de conflit.
Avec RO/Coumba Kane (Le Monde)
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