Les leaders de la RDC de 1960-2018 : Kasa-Vubu, Lumumba, Mobutu, Kabila père et fils.
Le « Congo économique » a été abandonné par les pouvoirs économiques belges et occidentaux, plus lentement il est vrai, mais pour finir tout aussi totalement que le « Congo politique » l’a été par l’État belge en 1960. Notre système économique importé dans ce pays n’était pas adapté comme outil de son développement. Il présupposait la présence de trop de paramètres extra-économiques inexistants. Ces deux évolutions auraient pu être des transitions bien plus harmonieuses, elles ont fini par être des abandons. Principalement bien sûr en raison de circonstances historiques hors du contrôle des intervenants directs, mais aussi en raison d’éléments de la mentalité sous-jacente, du paradigme latent qui reste présent dans la plupart des relations politiques, économiques, éthiques et philanthropiques que la Belgique entretient avec ce pays. Et ce paradigme latent est contreproductif par rapport à son engagement affiché.
En 1960, lorsque la République démocratique du Congo accède à l’indépendance, les contraintes internationales et africaines, d’une part, et la dynamique de la politique interne, d’autre part, se chevauchent, avec pour conséquence un dilemme pour l’État : agir ou subir. Alors que le premier gouvernement voulait faire jouer au Congo un rôle important sur l’échiquier africain (Gérard-Libois et al., 1960), pour certains milieux politiques belges, le Congo devait maintenir un profil bas : Léopoldville allait sans doute se consacrer à des tâches de développement interne (Vellut, 1965). Le « pari congolais » consistait à sauvegarder une présence belge et une Eurafrique pro-occidentale (Willame, 1990 ; Vanderlinden, s.d.). Ces contradictions originelles sont constitutives de l’État congolais.
Devant les incohérences du pouvoir postcolonial, le poids des contraintes externes est prédominant. Ainsi, l’histoire politique du Congo est traversée par des crises et des conflits sur lesquels le système diplomatique africain joue un rôle déterminant de stabilisation ou de déstabilisation. De quelle manière la classe dirigeante a-t-elle cherché à augmenter la marge d’autonomie de la politique étrangère du Congo dans son environnement africain ?
James Rosenau considère la politique étrangère comme « un contrôle calculé », c’est-à-dire « l’effort d’une société nationale de contrôler son environnement externe par la préservation des situations favorables et la modification des situations défavorables » (Rosenau, 1971 et 1975). Trois plages historiques scandent la vie politique du Congo de son indépendance jusqu’à ces jours où on se prépare à célébrer le cinquantenaire de la vie postcoloniale pour pouvoir apprécier l’action diplomatique des dirigeants congolais.
LA PREMIÈRE RÉPUBLIQUE : ÉTAT OBJET DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE
La décolonisation du Congo entraine l’effondrement rapide des institutions étatiques, mais montre également l’implication de l’extérieur dans l’emballement, sinon le dérèglement ou le dérapage de la situation politique interne. La première séquence de la crise qui secoue la RDC faisant suite à la mutinerie de la Force publique est la sécession du Katanga, survenant moins de deux semaines à peine après que les lampions des festivités de l’indépendance se sont éteints. Celle-ci est suivie de la destitution du Premier ministre congolais, Patrice-Emery Lumumba dont la fin tragique au Katanga marque le début du redéploiement politique interne et l’atonie du nationalisme congolais.
Ces évènements s’enchainent et augmentent la vulnérabilité de l’État congolais qui devient l’objet des préoccupations des autres États africains. Alors que l’Organisation de l’unité africaine (OUA) n’est pas encore créée, la conférence de Brazzaville (fin 1960) et celle de Casablanca (avril-mai 1961) offrent le spectacle de la division de l’Afrique. En ce qui concerne la sécession du Katanga, les États francophones avec à leur tête le président congolais — de Brazzaville —, Fulbert Youlou, soutiennent le Katanga tandis que le groupe des États représentant l’aile progressiste, soit ceux du groupe de Casablanca (le Maroc du roi Mohamed V, la Libye, le Ghana de Kwame Nkrumah, la Guinée Conakry, notamment), soutient le gouvernement central de Patrice-Emery Lumumba.
L’après-Lumumba plonge le Congo dans une passe difficile : la sécession au Katanga continue, des poches de rébellions se propagent à travers le pays et d’abord dans les environs de la capitale ; un gouvernement populaire s’installe à Stanleyville tandis que le gouvernement central de Léopoldville subit des quasi-coups d’État avec la constitution du gouvernement des commissaires généraux et la traque des sympathisants nationalistes de Lumumba. En cinq ans, soit de septembre 1960 à novembre 1965, le Congo a connu sept remaniements avec cinq Premiers ministres, Cyrille Adoula battant le record de durée.
Dans ce contexte, le gouvernement central congolais ne peut pas avoir d’autonomie diplomatique : il subit les interférences externes. Lorsque l’OUA est créée en mai 1963, elle sera impliquée dans l’imbroglio congolais dont elle subit les ressacs de la chaotique gestion de la crise : les divisions entre les États africains se manifestent davantage, fragilisant les capacités d’initiative de cette organisation panafricaine. En cette première période, l’État congolais va bénéficier de l’effet structurant et stabilisateur de l’OUA. La prépondérance du respect des frontières héritées de la colonisation et la sécurité des États contre les tentatives de sécession vont prévaloir et empêchent que se généralisent les soutiens des États africains à l’État indépendant du Katanga qui a été proclamé le 11 juillet 1960 par le leadeur sécessionniste Moïse Tshombé. Ainsi, cet État sécessionniste du Katanga aura existé pendant trente mois (juillet 1960-janvier 1963) sans aucune reconnaissance internationale. Cette structuration de l’OUA fait suite à la conférence des États indépendants d’Afrique noire regroupant le Liberia, le Ghana et la Guinée-Conakry (juillet 1959), qui jette les bases des principes qui vont présider à la conduite des relations sur la scène diplomatique africaine (Thiam, 1963 ; Adekunle, 1973).
Par ailleurs, les relations diplomatiques entre la RDC et les autres États africains se sont détériorées considérablement. Le gouvernement congolais après la chute de Lumumba cherche à compenser le déficit d’initiatives diplomatiques en ayant des démêlés avec beaucoup d’États africains, notamment ceux de l’aile progressiste, mais aussi avec les États dits modérés. « Tant dans le domaine des relations bilatérales que dans celui de ses relations avec les regroupements politiques africains, le bilan au terme de la première législature est mince : la politique africaine, ou plutôt la carence d’une véritable politique africaine, a fini par l’isoler quasi complètement, le mettant en conflit avec tous ses voisins immédiats et lui assignant une place marginale au sein de l’Organisation de l’unité africaine » (Études congolaises, 1964).
Pour cette première période, l’inertie diplomatique va caractériser le gouvernement congolais. Il n’a pas su prendre la relève de l’administration coloniale belge de manière à augmenter la puissance de l’État pour assurer le contrôle effectif du territoire et contribuer au bien-être de la population. Dès les premiers jours de l’indépendance, la logique de l’intervention étrangère s’est imposée, désarticulant la manière d’exercer le pouvoir. Lorsque le lieutenant-colonel Mobutu prend le pouvoir, il entend redorer l’image du pays. Tâche titanesque que celle du régime Mobutu qui cherche à introduire une discontinuité pour permettre au Congo de s’imposer sur la scène africaine et internationale sans être l’objet des interventions des autres puissances africaines et internationales.
LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE : TENTATIVE DE REPRISE DE L’INITIATIVE DIPLOMATIQUE
L’on parle rarement du poids des questions de la politique étrangère dans les déboires de M. Tshombé lorsqu’il tente de revenir aux affaires comme Premier ministre. La crainte du « virage à gauche » est un argument plausible qui expliquerait le coup d’État de Mobutu en 1965. Le virage à gauche impliquait que le gouvernement congolais se débarrasse de la présence des mercenaires recrutés pour suppléer à la carence de la force de l’armée nationale congolaise sur le terrain des combats. Se débarrasser des mercenaires était le vœu de l’aile radicale/gauche des États africains : le gouvernement congolais de Joseph Kasa-Vubu lors du sommet de l’OUA du Caire en juillet 1964 céda en promettant de mettre fin à la présence de ces « affreux ». L’armée congolaise réagit vigoureusement contre la mesure prise par le gouvernement et Mobutu prit le pouvoir.
Les faiblesses politiques internes et les déconvenues diplomatiques du Congo entre 1960 et 1965 sur la scène africaine ont créé un contexte favorable qui a permis au régime du président Mobutu de bénéficier d’un crédit de confiance. Le « Congo malade » avait besoin de la restauration de l’autorité de l’État de manière à retrouver sa place sur la scène africaine. Cette tâche, le régime Mobutu a su bien la conduire en jouant sur plusieurs tableaux diplomatiques. Ainsi, comme premier axe de la diplomatie active, il stabilisa, sinon rétablit les relations diplomatiques tendues avec tous les autres pays africains. Si, à la fin de 1964, plusieurs pays africains ne disposaient pas de missions diplomatiques à Léopoldville-Kinshasa, le régime Mobutu prit soin de renouer les contacts avec la plupart des capitales africaines, notamment celles de l’aile progressiste ou révolutionnaire, Ghana, Mali, République arabe unie, etc.
Le deuxième axe consista à faire de Léopoldville-Kinshasa un centre d’attraction diplomatique : cette capitale accueillit plusieurs rencontres au sommet entre chefs d’État et de gouvernement africains. C’est le cas par exemple du quatrième sommet de l’Organisation de l’unité africaine de 1966. De même, plusieurs rencontres au sommet permirent des contacts entre chefs d’État de la sous-région pour discuter les questions de sécurité. Les pays africains limitrophes se mirent à courtiser le Congo-Kinshasa. Le troisième axe consista dans des combinaisons diplomatiques en format de tripartites ou de quadripartites qui finirent par lier les différents États voisins du Congo, une recette qui a permis d’empêcher les opposants au régime congolais de Mobutu de disposer de bases arrière. Le quatrième axe se déroula sous l’aspect symbolique de l’élévation de Patrice-Emery Lumumba au rang de héros national à l’occasion de la célébration du sixième anniversaire de l’indépendance du Congo par le président Mobutu (Dunn, 2003).
Face aux importantes tensions qui structuraient les relations internationales à l’époque, le président Mobutu choisit de s’arrimer au camp occidental. Il en obtint des plus-values diplomatiques et stratégiques : sécurité du régime, accès aux ressources économiques et financières qui se déversaient allègrement du Nord vers les pays africains alliés et un rôle d’État stabilisateur dans la sous-région de l’Afrique centrale. C’est de cette dépendance que le régime tira les instruments de la consolidation et de la restauration de l’autorité de l’État.
Sur le plan externe, il obtint une respectabilité qu’il voulut transformer en un capital pour « pénétrer » les autres États africains. Le président Mobutu a tenté de jouer, sur la scène africaine, un rôle à la mesure de la dimension géographique du pays, en utilisant la « diplomatie de la canonnière », saisissant certaines occasions de crise en Afrique pour infléchir militairement la situation politique. Il envoya des troupes militaires en Angola (1974-1975), au Tchad pour soutenir le gouvernement de Hissène Habré (1983), au Togo dont le régime ami du général Eyadema était contesté (1986). Mais bien avant cela, les troupes d’élite du régime Mobutu, les bérets rouges, furent envoyées à Bangui en 1979, à la rescousse de Jean-Bedel Bokassa.
Au-delà de cet activisme diplomatique, le Congo de la Deuxième République ne connut ni succès militaire ni diplomatique. Il se heurta à des limites : il ne pouvait influencer durablement les évolutions politiques internes des autres États ou les questions internationales en Afrique car le président Mobutu fut un « leadeur respecté, mais sans disciple fidèle » (Constantin & Coulon, 1974) tandis que pour d’autres auteurs, Mobutu ne pouvait prendre d’initiatives diplomatiques réussies dans la mesure où les autres chefs d’État le considéraient comme un « paria » du fait de son alignement pro-occidental (Dunn, 2003).
Cette impéritie du Congo à jouer un rôle important sur la scène africaine s’explique par plusieurs raisons. D’un point de vue interne, les incohérences et la mauvaise gouvernance économiques en font un lieu dont l’image n’est pas attractive. Sans aller jusqu’à utiliser l’expression de « diplomatie schizophrène », pour reprendre François Constantin (1983), le Congo de Mobutu s’est empêtré dans des contradictions irréductibles, se présentant comme défenseur de la cause africaine, mais appuyant subrepticement, par exemple, la politique néocoloniale du Portugal. L’intervention du Congo en Angola en 1975 pour appuyer le Front national de libération de l’Angola (FNLA) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) contre le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA) conduit ce pays à se retrouver côte à côte avec la Chine et l’Afrique du Sud pourtant honnie sur la scène africaine (Dunn, 2003 ; Crawford et Turner, 1985). En Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe), le régime Mobutu fit des choix stratégiques qui ne portèrent pas de fruits, son candidat Joshua Komo subissant des revers électoraux qui vont le marginaliser durablement sur la scène politique nationale. Dans les années quatre-vingt, le Zaïre de Mobutu pose sa candidature à la Communauté pour le développement de l’Afrique australe ; un refus catégorique lui est réservé (Crawford et Turner, 1985). Lorsque le président Laurent-Désiré Kabila arrive au pouvoir, il relance avec succès ce dossier.
Malgré les faiblesses dont fait montre le Congo sur le plan diplomatique, une évidence s’impose entre 1966 et 1980. L’autorité de l’État est rétablie, le sens de l’unité nationale se diffuse lentement dans la conscience de chaque citoyen. Tout en manipulant subrepticement l’ethnicité, le gouvernement de Mobutu en arrive à réprimer les discours du tribalisme et de l’ethnicité. Cette stratégie porte des fruits au bénéfice du régime qui ne peut être taxé de tribalisme et d’ethnicité. Et pourtant, Mobutu assoit, sans conteste, son régime sur la valorisation de ces liens. Mobutu veille sur l’armée dont il ne souhaite pas qu’elle soit forte. Porté au pouvoir par l’armée, il s’efforce de la tenir à l’écart de tous les avantages de la modernisation et de l’amélioration de son efficacité opérationnelle. Des officiers supérieurs sont envoyés dans les meilleures académies militaires un peu partout dans le monde et lorsqu’ils rentrent au pays, ils sont désillusionnés : mal payés, dirigeant des bataillons et des troupes mal équipés, ils finissent par vivre sur le dos des unités de troupe ou pillent la population et se livrent à la concussion. Le désordre va être entretenu par les officiels et les officiers dans un contexte où les pertes publiques se transforment aisément en gains privés.
Sur la scène africaine, le Congo de Mobutu n’a pas su « pénétrer » les autres États ; mais il n’a pas été l’objet de convoitises et d’interférences dans les affaires intérieures comme ce sera le cas sous la Troisième République. Il reprend l’initiative, mais sans gains diplomatiques à terme. Lorsqu’arrive le vent de la pérestroïka dans les années nonante, la demande populaire de libéralisation des institutions politiques ne reçoit pas d’écho favorable auprès du « timonier et père de la nation ». La conférence nationale a lieu dans un contexte de violence et de précarité sociale aigües : elle devient le marqueur qui dévoile la stratégie de tensions dans laquelle excelle Mobutu. La recomposition des rapports de force sur la scène l’ayant dévalorisé, malade et vieillissant, Mobutu subit les effets déstructurants du système africain : l’isolement diplomatique dans lequel il se retrouve à partir de 1992 (Janssens, 1997) permet à la coalition des États africains (Reyntjens, 1999) soutenant la rébellion des Congolais d’en finir avec le « dernier empereur d’un autre âge » (Janssens, 1997, 205). La nouvelle page de l’histoire que tenta d’ouvrir Mobutu s’achève par l’enfermement du Congo dans la position inconfortable dont il cherchait à sortir : un État faible et croulant sous le poids du joug des autres.
LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE : LE TRIOMPHE DU JOUG AFRICAIN
L’« initiative africaine », expression qui traduit la constitution de la coalition des États africains engagés à en finir avec le régime Mobutu, marque la dernière phase en cours. La fin du règne de Mobutu se déroule dans un contexte d’isolement diplomatique sur la scène africaine et internationale (Janssens, 1997). Ayant mal négocié la demande populaire de libéralisation des institutions politiques du pays, il se retrouve en porte-à-faux dans la période post-guerre froide. La dévalorisation stratégique du Congo se couple à la métamorphose d’un pays devenu un « trou noir » et dont la logique de la gouvernance politique donne lieu à un régime déconnecté de l’intérêt public tandis que des réseaux au pouvoir impulsent une dynamique de forte criminalisation de l’État. Entre 1990 et 1996, la situation politique est bloquée à l’intérieur du Congo. La conférence nationale dite souveraine n’arrive pas à produire un nouvel ordre politique : Mobutu nargue tout le monde en recourant à une violence aveugle qui est le fondement du pouvoir et de son mode de l’exercice pendant la deuxième République. Schatzberg considère cette situation comme ayant conduit à la production de la « dynamique de l’insécurité personnelle » généralisée dans toute la société. Cela explique le fait que le peuple congolais, vivant dans les conditions de rareté économique, exploite, chacun à son profit, sa parcelle d’autorité avec comme conséquence que l’insécurité et la rareté, agissent l’une sur l’autre de manière à entretenir l’oppression (Schatzberg, 1997).
C’est sur cette toile de fond qu’il faut comprendre la montée de la rébellion qui nait dans les montagnes de l’est du Congo. Que cette rébellion congolaise soit une vitrine politique montée par les pays étrangers, membres de la coalition africaine, pour en finir avec le régime de Mobutu, est une évidence qui rappelle la prégnance des interventions étrangères dans les affaires intérieures du pays. Laurent-Désiré Kabila qui accède au pouvoir bénéficie des soutiens militaires et politiques de ces « pairs-parrains » rwandais et ougandais. « La galaxie du pouvoir Kabila » dont parle Willame (1999), traduction de la présence de plusieurs conseillers d’origine rwandaise dans le pré-carré de Kabila, n’exprime-t-elle pas l’origine externe de son pouvoir ? Mais bien vite, cette position d’allégeance devient inconfortable pour le chef de l’État congolais qui ne peut s’en sortir qu’en exerçant le « devoir d’ingratitude », selon l’expression de Braeckman (2003). Le président L.-D. Kabila sera au pouvoir pendant quarante-quatre mois, période de continuité où les tentatives de discontinuités sont vite absorbées, sinon étouffées.
La « fin des alliances » qui ne tarde pas à se manifester entre le Congo et ses voisins (Rwanda, Ouganda et Burundi) conduit ainsi à l’éclatement de la guerre d’aout 1998. Le régime congolais est sauvé de justesse par le jeu des alliances découlant de l’internationalisation complexe de cette « première guerre africaine » (Mbuyi, 1999). Cette deuxième guerre du Congo et ses suites ont réintroduit des continuités, faisant ainsi place à du déjà vu. Le feuilleton des différentes initiatives de la résolution du conflit congolais (1998-2003) met en exergue l’importance de l’échiquier africain qui devient un cadre structurant inévitable dans les manières de faire et l’exercice du pouvoir. Ce poids dans les évolutions politiques internes en RDC nous replace dans le questionnement de départ de cette analyse.
La troisième République laisse se défiler deux plages, la première qui se clôture avec la mort de L.-D. Kabila est suivie de celle qui est toujours en cours. L’organisation des élections en 2006 ne semble pas constituer une césure ; au contraire, l’emboitement des affaires africaines dans les affaires congolaises atteint une telle importance que les continuités demeurent la marque de la politique étrangère de la RDC. Comme puissance, la RDC se trouve dans une « position basse », selon l’expression de Murhula (2006) par rapport à d’autres États de la sous-région. Cette position ne découle-t-elle pas de l’« initiative africaine » qui a provoqué l’effondrement du régime de Mobutu ? L’expression reprise par Mobutu, « Après moi, le déluge », trouve sens et se déploie non pas dans les malheurs qui frappent le pays avec les différentes guerres enregistrées après sa chute, mais dans l’occasion prêtée à des États africains de « pénétrer » la vie politique en RDC. La « pénétration » s’entend ici comme « la tentative de la part d’une puissance (un État) d’essayer d’influencer profondément et durablement la politique extérieure, voire intérieure, d’un pays » (Duroselle, 1964). Les conséquences se feront sentir durablement dans le devenir du Congo.
Rien n’est permanent dans l’histoire des peuples. Des continuités et des discontinuités peuvent changer de signe et insuffler un autre destin à ce pays qui est appelé à être une grande puissance en raison des atouts économiques et humains dont il dispose.
Par Germain Ngoie Tshibambe (La Revue Nouvelle)
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