La levée des immunités du sénateur Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre du régime Kabila, est une occasion pour lui permettre de présenter ses moyens de défense sur les accusations qui pèsent sur sa personne devant la justice, a déclaré le président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, dans une interview qu’il a accordée mardi 6 juillet 2021 à la presse, à son arrivée à Goma, au Nord-Kivu.
« Le dossier du sénateur Matata vous le connaissez comme tout le monde. Nous avons juste appliqué les lois du pays et le règlement intérieur du Sénat, ce qui est prévu aux différents articles qui concernent les poursuites judiciaires et la levée des immunités. Tous ces articles ont été scrupuleusement observés », a indiqué le Pr Modeste Bahati Lukwebo.
Cette déclaration fait suite à une lettre adressée lundi au Procureur général près la Cour Constitutionnelle par le bureau du Sénat, dans laquelle la chambre Haute du Parlement a levé les immunités de Matata Ponyo, autorisant ainsi les poursuites judiciaires à son encontre.
« Il y avait un premier dossier qui concernait Bukanga Lonzo et nous avons laissé à chaque sénateur la possibilité de s’exprimer, en âme et conscience, vous avez suivi le résultat. Quelques temps après, nous avons été saisis d’un autre dossier qui concerne, cette fois-ci, l’indemnisation des anciens propriétaires des biens « zaïrianisés ». Alors la justice estime qu’il y a les bénéficiaires du paiement du trésor public qu’on n’arrive pas à retracer et donc, qu’on peut considérer comme des fictifs, et donc, il revenait au bureau du Sénat, parce que nous sommes en vacances, de pouvoir donner l’occasion au sénateur Matata d’aller présenter ses moyens de défense. Voilà pourquoi nous avons autorisé les poursuites », a souligné la président du Sénat.
La première demande de la justice, rejetée par le Sénat, concernait l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Dans cette affaire, l’ancien Premier ministre est mis en cause pour le détournement de fonds destinés à ce projet agro-industriel, selon un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) qui parle de 205 millions détournés sur les 285 millions décaissés au profit dudit projet, rappelle-t-on.
« Levée des immunités de Matata Ponyo, le bureau du Sénat est allé au-delà de la demande du procureur » (Jacques Djoli)L’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon
Le bureau du Sénat est allé vite en besogne et au-delà de la demande du procureur en décidant de la levée des immunités du sénateur Augustin Matata Ponyo, estime le constitutionnaliste Jacques Djoli. Dans une intervention faite mardi 6 juillet, il pense que cette décision a été prise avant même que le procureur près la Cour constitutionnelle n’établisse la culpabilité de l’ancien Premier ministre, dans l’affaire de l’indemnisation des victimes de la zaïrianisation.
« Le procureur général sollicitait tout simplement une autorisation aux fins d’instruction. Parce qu’à ce stade, il ne dispose d’aucun élément. C’est quand même curieux que ce bureau du Sénat ait tranché ultra petita. La décision du bureau du Sénat est allée au-delà de la demande du procureur général en autorisant les poursuites et surtout en levant les immunités », analyse Jacques Djoli.
Pour l’ancien juge de la Cour constitutionnelle, Eugène Banyaku, l’immunité parlementaire ne devrait entacher le principe de séparation des pouvoirs :
« En engageant une action de justice, le procureur couvre tout ce qui est connu comme infraction. Il ne peut pas séparer l’indemnisation des victimes de zaïrianisation et laisser les autres faits ».
Si certains sénateurs soutiennent la décision de leur bureau, d’autres crient à l’acharnement contre l’ancien Premier ministre et estiment que cette décision de la levée des immunités va à l’encontre de la position officielle de la plénière dans l’affaire Bukanga Lonzo.
En réaction, dans une mise au point du mardi 6 juillet, le bureau du Sénat juge sa décision conforme à l’article 218 du règlement Intérieur du Sénat.
En autorisant la levée des immunités du sénateur Augustin Matata, le bureau de sénat affirme n’avoir fait que son devoir constitutionnel et réglementaire, pour permettre à la justice qui met en cause leur collègue dans cette affaire de dédommagement des victimes de la zaïrianisation, de faire son travail.
Avec ACP/RO