Le Tribunal de grande instance (TGI) de la Gombe a décidé de surseoir à l’affaire qui oppose la société minière Glencore au Congolais Charles Brown. Dans une audience publique tenue mardi 3 juillet 2018, une des parties au procès a demandé la surséance pour suspicion légitime des juges.
Selon l’avocat-conseil de Charles Brown, ce dernier réclame d’être rétabli dans ses droits notamment la restitution de ses parts d’actionnaire dans le groupe Bazano associé à Glencore dont il ne fait plus partie.
« Notre client Charles Brown qui est cofondateur de la société, détient dans cette société 37,5% des parts sociales. Il s’est trouvé que, conformément à la création de la société, les actionnaires de ladite société à la base immatriculée en Afrique du Sud, avaient des dispositions des clauses disant qu’une cession ne peut se faire que sur rapport d’une expertise », a expliqué Me Aubin Mabanza, avocat de Charles Brown.
Selon lui, les parts sociales de Charles Brown ont été vendues de manière frauduleuse sans expertise en violation flagrante de l’accord signé entre les parties.
« Donc actuellement il y a une autre audience au tribunal de commerce de Kolwezi qui est en suspens par rapport aux mesures conservatoires », a soutenu Me Aubin Mabanza. La justice congolaise devra statuer sur la question de la suspicion le 10 juillet prochain.
Dans un communiqué parvenu mardi 3 juillet 2018 à l’AFP, le conseil de Glencore a annoncé qu’il était aussi assigné par le département américain de la Justice dans le cadre d’une vaste enquête pour corruption liée à ses activités au Nigeria, au Venezuela et en République démocratique du Congo (RDC).
Glencore « a reçu une assignation datée du 2 juillet 2018 du département américain de la Justice à produire des documents et autres enregistrements en application de la loi sur les Pratiques de corruption à l’étranger et des règles de blanchiment d’argent », a indiqué le groupe dans un communiqué, renseigne l’AFP.
« Les documents demandés sont liés aux activités commerciales de Glencore au Nigeria, en République démocratique du Congo et au Venezuela de 2007 à aujourd’hui », a-t-il ajouté, sans autres précisions. Glencore a annoncé qu’il allait « examiner l’assignation et fournir d’autres informations en temps et en heure. »
Saga judiciaire de Glencore en RDC : sept milliards de dollars à payer aux associés…
Le Groupe Glencore a au moins trois dossiers judiciaires qui le traînent depuis février 2018 devant le Tribunal de commerce et la Cour Suprême de Justice. Vivement critiqué par le Magazine Cash Investigation dans une enquête-documentaire et par un rapport-enquête de Panama Pampers, non seulement pour une sorte de nébulosité et de corruption qui caractérisent ses activités minières en RDC, mais également pour la destruction de l’écosystème dans l’ex-Katanga, le géant suisse des mines et du négoce, a des démêlés avec ses coactionnaires.
C’est d’abord la Générale des Carrières et des Mines (Gecamines), ensuite l’homme d’affaires israélo-congolais Dan Gertler et enfin Charles Brown, congolais naturalisé américain.
En effet, la saga judiciaire s’ouvre en février avec l’affaire qui oppose Glencore à Charles Brown, actionnaire du groupe Bazano, exploitant la mine Mutanda de cobalt dans la province du Lualaba. Pour cause, Charles Brown a été renvoyé du groupe sans bénéficier de ses droits. Alors il est allé en procès contre Glencore pour réclamer ses parts d’action dans le groupe de l’ordre d’un milliard de dollars. Devant le Tricom/Kolwezi, Glencore a été déboutée. Mais il est venu en suspicion légitime (c’est-à-dire il a suspecté les juges de connivence avec le plaignant) devant la Cour Suprême de Justice à Kinshasa pour solliciter le renvoi de juridiction, donc le changement de chambre qui compose les juges au Tricom de Kolwezi.
Glencore s’est fait représenter par son avocat Jean-Claude Kibawa qui a saisi le greffe de la CSJ sous de fausses identités. Après enquête, on n’a pas retrouvé son nom dans l’annuaire de l’Ordre national des avocats, ni dans celui du barreau près la Cour d’appel de Matete dont il s’est prévalu au greffe de la CSJ. Son adresse donnée : avenue Bismarck n° 3, quartier Golf, commune de la Gombe n’existe pas. Il a donc usé du faux. Ce qui a fait qu’à l’audience publique devant la Cour, mercredi 23 mai, l’avocat de Glencore a été absent. Seul l’avocat de Charles Brown était présent. Ainsi la Cour s’est déclarée non saisie. Elle a décidé reporter l’affaire au 27 juillet prochain en invitant une fois de plus toutes les parties à comparaître.
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Le deuxième dossier judiciaire oppose Glencore à la Gecamines. Cette dernière a déposé sa plainte le 20 avril pour solliciter du Tribunal de Commerce de Kolwezi (Lualaba), la dissolution de Kamoto Copper Company (KCC), société commune de la Gecamines et Katanga Mining, filiale de Glencore en RDC.
Les deux associés ont longtemps évolué dans un dialogue des sourds au sujet des dividendes réalisés par KCC. Autrement dit, la Gécamines accuse son partenaire Katanga Mining (actionnaire majoritaire dans KCC) d’avoir, par une série d’accords financiers et commerciaux intra-groupes durant plus de dix ans, mis en œuvre une politique qui a abouti à ponctionner, à son seul profit, la trésorerie et la richesse de KCC. La Gécamines précise que pendant dix ans, elle a réalisé un manque à gagner de 4 milliards de dollars américains.
A la première audience, mardi 08 mai, au Tribunal de commerce de Kolwezi, les avocats de Katanga Mining ont demandé du tribunal la surséance du procès, prétextant que l’arbitrage doit être international du fait, selon eux, que les actionnaires de KCC n’habitent pas tous la RDC. Argument rejeté par les avocats conseils de la Gécamines estimant non seulement que les parties au procès ont bel et bien chacune un siège connu en RDC selon l’article 28 des statuts qui les régissent, mais également que le Tribunal de commerce dans la province du Lualaba est habilité à traiter ce dossier. Point de vue soutenu par le ministère public pour qui, le tribunal de commerce du Lualaba est régulièrement saisi et compétent pour siéger en cette matière.
Mais le procès est suspendu jusqu’à ce jour du fait que l’entreprise minière KCC avait déjà introduit une requête à la Cour Suprême de Justice (CSJ), récusant le Tribunal de commerce du Lualaba. Ce qui a contraint son président à surseoir le procès en attendant la décision de la CSJ qui a deux possibilités : soit renvoyer le procès devant la même juridiction ou designer un autre tribunal pour le poursuivre.
Enfin, le troisième dossier judiciaire oppose toujours au Tribunal de commerce de Kolwezi, Glencore à la société Ventora, affiliée à Dan Gertler à travers ses deux filiales, à savoir MUMI et KCC. C’est au sujet de non-respect des clauses contractuelles. Et pour ce faire, le Tribunal de commerce de Kolwezi a autorisé le gel des comptes bancaires ainsi que des biens corporels et incorporels de Glencore en RDC. Ventora s’en remet à la décision de la justice congolaise pour régler ce différend commercial et être rétabli dans ses droits légitimes. Brûlant d’impatience, elle attend que Glencore lui paye trois milliards de dollars américains.
RO/ Owandi/CR