
La ville de Kisangani
Kinshasa demande à Kampala des réparations pour l’invasion de l’est de son territoire lors de la guerre de 1998-2003. La CIJ doit trancher. Retour sur les faits.
« Les faits illicites commis par l’Ouganda à l’encontre de la République démocratique du Congo (…) ont fauché la vie de beaucoup de nos soldats, affecté de manière profonde et durable son infrastructure et son environnement, meurtri sa population civile et épuisé son économie et ses ressources naturelles. » C’était le 20 avril dernier, Paul-Crispin Kakhozi Bin-Bulongo, chef de la mission congolaise auprès de l’Union européenne, rappelait devant la Cour internationale de justice (CIJ) tout ce que son pays, la RDC, reproche à l’Ouganda.
Les faits remontent aux années 1998-2003. Une guerre oppose alors l’Ouganda et le Rwanda soutenant des forces rebelles contre le gouvernement de Kinshasa dans l’est congolais, riche en minerais.
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La « guerre des six jours »
En juin 2000, ce sont les armées ougandaises et rwandaises qui s’affrontent sur le territoire congolais, à Kisangani dans le Nord-Est : c’est la « guerre des six jours ». Les combats se déroulent en effet du 5 au 10 juin, comme la Guerre des six jours entre Israël et la Ligue arabe, en 1967.
Jean-Jacques Wondo, analyste et expert des questions géopolitiques et sécuritaires raconte que « les éléments de l’armée ougandaise qui étaient déployés dans la ville, qui étaient surmilitarisés, ont affronté les éléments de l’armée rwandaise. Et pendant six jours, la ville a été témoin d’atroces combats où des obus, des mortiers et des bombes ont été largués au point que cela a créé la désolation et occasionné de nombreuses victimes. C’est ce qui a fait que par la suite, cette présence de l’Ouganda a été mal vécue par les populations et aussi les autorités congolaises. »
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En 2005 la CIJ avait statué que l’Ouganda devait payer des réparations pour avoir envahi la RDC, provoquant une guerre (1998-2003) qui a fait plus de trois millions de morts.
Faute d’accord entre les deux parties, le dossier est donc de nouveau devant la Cour, qui doit fixer le montant des réparations.
Dr. Mukwege insiste sur la nécessité d’un Tribunal International Pénal pour la RDC

Le prix Nobel de la paix 2018 l’a exprimé à l’occasion des vingt ans de la guerre des six jours à Kisangani. Du 5 au 10 juin 2000, deux armées se sont affrontées dans ce chef-lieu de la province de la Tshopo. Il s’agit des armées rwandaise et ougandaise, sans que justice soit faite.
Dr. Denis Mukwege se remémore cette date sombre de Kisangani en particulier et de la République Démocratique du Congo en général. Il estime que les victimes et leurs familles ont droit à la vérité ; à la justice ; à des réparations et des garanties de non renouvellement.
Une fois de plus, il appelle à l’établissement d’un Tribunal International Pénal pour la RDC. Mieux, des chambres spécialisées mixtes et la mise en place des réformes profondes de la sécurité et la justice.
A cet effet, Denis Mukwege exhorte les autorités congolaises à poursuivre les négociations avec l’Ouganda. L’objectif est de trouver les modalités de mise en œuvre de l’arrêt rendu en 2005 par la Cour Internationale de Justice. Ladite cour condamnait l’Etat ougandais à réparer le préjudice causé sur le territoire congolais.
Aussi, les Autorités devraient entamer un dialogue sincère avec le Rwanda. Ce, afin de renforcer la coopération judiciaire pour faciliter l’administration de la justice pour les crimes à dimension régionale. Il déclare :
‘’IL EST TEMPS DE METTRE UN TERME AU CHAOS ORGANISÉ EN RDC: LES AUTORITÉS CONGOLAISES ET LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE NE PEUVENT PLUS ACCEPTER LES VIOLATIONS RÉPÉTÉES DE NOTRE SOUVERAINETÉ ; ET LES ATTEINTES À L’INTÉGRITÉ TERRITORIALE DE NOTRE PAYS PAR LES FORCES ARMÉES ÉTRANGÈRES OU PAR DES GROUPES ARMÉS. DE SURCROIT, SOUTENUS PAR LES ETATS VOISINS ; VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL QUI SE POURSUIVENT MALHEUREUSEMENT JUSQU’À CE JOUR’’.
Devoir de mémoire

La RDC doit refuser la résignation pour que jamais la flamme du souvenir ne s’éteigne. Elle devrait plutôt se transmettre aux générations futures. Pour Dr. Denis Mukwege, il est capital pour, les morts et les survivants de faire vivre leur mémoire. Car :
‘’L’OUBLI SERAIT UNE CAPITULATION FACE À L’HORREUR, UNE SECONDE MORT POUR LES VICTIMES ET UN DÉSHONNEUR POUR NOUS TOUS’’.
A cet effet, il lance un appel pressant aux Autorités de la République Démocratique du Congo de :
‘’SOUTENIR L’ÉDIFICATION DE MÉMORIAUX SUR LES FOSSES COMMUNES DE NOS SŒURS ET DE NOS FRÈRES FRAPPÉS PAR LA BARBARIE HUMAINE’’.
Après des décennies de déni, le temps est venu de mettre en place des mécanismes d’établissement de vérité et justice. Question de réconciliation, de paix réelle et durable. Cela, afin que les enfants ne se voient pas privés de la mémoire de leurs parents. Donc, de leur identité, et puissent construire des lendemains meilleurs.
Il demande aux forces vives, à la société civile, aux écoles et universités, d’exercer avec vigueur ce rôle de passeur de mémoire. Car, le futur et la Paix ne peuvent se bâtir sur l’oubli, le sentiment d’humiliation et le ressentiment face aux cruautés.
Des faits
Dr. Denis Mukwege demande aux congolais de s’approprier le rapport mapping Nations Unies publié en 2010.
Selon un extrait de ce document : Du 5 au 10 juin 2000, l’APR (Armée Patriotique Rwandaise) et l’UPDF (Uganda People’s Defence Force) se sont affrontés à Kisangani. Les deux camps se sont livrés à des attaques indiscriminées à l’arme lourde. Le bilan faisait état de 244 à 760 civils tués selon certaines sources. Toutefois, 1.000 personnes ont été blessées. Sans compter des milliers de déplacés. Les deux armées ont également détruit plus de 400 résidences privées. Elles ont gravement endommagé des biens publics et commerciaux ; des lieux de culte ; dont la cathédrale catholique Notre-Dame ; des établissements consacrés à l’éducation et des établissements sanitaires, dont des hôpitaux.
Par Carole Assignon (DW)/Judith Asina
(Sveinmediab.info)