Ayant pris part à la célébration des100 ans d’existence de l’église Kimbaguiste en République démocratique du Congo le ,6 avril 2021, le Président de la République Félix Tshisekedi a lors de son discours à cette assise sollicité des présidents des deux chambres parlementaires de prendre des dispositions idoines aux fins d’ériger désormais la journée du 6 avril en jour férié et chômé.
Il convient d’examiner dans les lignes qui suivent le fondement et conséquences juridiques de cette demande eu égard au Droit positif congolais.
Juridiquement, il ressort de la demande du Président de la République que la fixation des jours fériés en République démocratique du Congo ne relève pas du domaine de la Loi, mais plutôt du domaine réglementaire.
Par domaine de la loi, en entend toutes matières, règles ou principes auxquels seul le Parlement peut légiférer ou réglementer. Tandis-que que le domaine réglementaire suppose les matières autres que celles qui sont citées expressément comme faisant partie du domaine de la loi.
Ce domaine de la loi est fixé par les articles 122 et 123 de la Constitution congolaise du 18 février 2006. C’est-à-dire, suivant les dispositions constitutionnelles sus évoquées, le constituant congolais a limitativement cité les matières entrant dans le domaine de la loi, parmi lesquelles il n’ya pas la matière relative à la fixation des jours fériés. Par conséquent, cette matière relève d’office du domaine réglementaire et ce, en vertu de l’article 125 de la même Constitution qui précise que les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.
D’ailleurs, la législation en vigueur en matière des jours fériés nous en dit plus à ce sujet, en ce que, c’est une Ordonnance (acte réglementaire) qui en réglemente. Il s’agit concrètement de l’Ordonnance n°14/010 du 14 mai 2014 fixant la liste des jour fériés légaux en République démocratique du Congo. Donc, vu que cette matière relève du domaine réglementaire (Ordonnance présidentielle), le Président de la République ne peut que modifier et compléter l’Ordonnance précitée afin d’instituer désormais le 6 avril(Simon Kimbangu) en un jour férié à l’instar des autres jours fériés légalement reconnus dans notre pays tels que :
– Le 30 juin : Anniversaire de 11ndépendance
– Le 1er janvier : Nouvel an;
– Le 4 janvier : Martyrs de l’Indépendance;
– Le 16 janvier : Journée du Héro National Laurent Désiré KABILA;
– Le 17 janvier : Journée du Héro National Patrice Emery LUMUMBA;
– Le 1er mai : Fête du Travail;
– Le 17 mai : Journée de la Révolution et des Forces Armées;
– Le 1er août : Fête des parents;
– Le 25 décembre : Noël.
Mais seulement, avant que le Président prenne une telle Ordonnance, il y a une procédure à respecter comme suit :
1. Ladite Ordonnance devra être prise sur proposition du Ministre de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale ;
2. La décision doit être délibérée en Conseil des Ministres ;
3. Le Conseil National du Travail devra être entendu.
Cette procédure consiste donc dans le respect des formalités requises pour l’élaboration d’un acte administratif (réglementaire). Ces formalités découlent des délais et consultations prescrits par la loi pour accomplir un acte administratif. La loi impose en effet certaines formalités préalables telles que des avis et consultations préalables que l’autorité administrative (Président de la République) doit requérir avant de prendre une décision (Ordonnance). Comme pour dire que le non-respect de ces formalités préalables entraine un vice de procédure pouvant être sanctionné par voie d’annulation de l’acte par le juge compétent, en l’espèce le Conseil d’État.
À titre pédagogique, il convient de souligner que la Constitution congolaise fait la distinction entre les actes législatifs et les actes réglementaires.
Par actes législatifs, on voit les lois nationales et les lois provinciales. Si les premières sont généralement les actes juridiques votés par le Parlement composé de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat, et promulgués par le Président de la République. Les secondes quant à elles sont votées par les Assemblées provinciales et ont la forme d’édits.
Il existe le domaine de la loi et le domaine des édits. Ce dernier est quant à lui fixé par les articles 35 et 36 de la loi n° 08/012 du 31juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.
Bien plus, les actes réglementaires sont ceux pris par les autorités du Pouvoir exécutif central (Président de la République, Premier ministre et les ministres) voire les autorités de l’exécutif provincial (Gouverneur et les ministres provinciaux).
À ce titre, tout texte à caractère de loi intervenu dans le domaine réglementaire peut être modifié par Décret du Premier ministre si à la demande du Gouvernement, la Cour constitutionnelle, a déclaré effectivement que ledit acte a un caractère réglementaire.
Par ailleurs, il peut arriver qu’un acte réglementaire (domaine réglementaire) intervienne dans le domaine de la loi. On parle dans ce cas des actes ayant force de loi, définis comme des actes juridiques qui émanent du Gouvernement et qui interviennent exceptionnellement dans le domaine de la loi. Ils sont généralement pris sous la forme de Décret-loi (pris par le Premier ministre) ou ordonnance-loi (pris par le Président de la République).
Il convient de noter que les actes ayant force de loi sont des actes législatifs au même titre que les lois, mais seulement à quelques points divergents près liés à la procédure de leur élaboration.
Bref, les actes législatifs comprennent les lois nationales, les édits provinciaux ainsi que les actes ayant force de loi. D’où le vocable « bloc » des actes législatifs en Droit congolais.
Au demeurant, la demande du Président de la République Félix Tshisekedi aux Présidents de deux chambres du Parlement frise l’inconstitutionnalité car, tendant à violer les articles 122 et 123 de la Constitution congolaise lesquelles énumèrent de manière exhaustive les matières pouvant entrer dans le domaine de la Loi parmi lesquelles il est nullement question de la fixation des jour fériées légalement connus.
Par conséquent, une telle demande ne peut être exécutée sur pied de l’article 28 de la même Constitution aux termes desquels nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal.
Par Leganet