Le président Félix Tshisekedi a annoncé l’état de siège en Ituri et au Nord-Kivu. Il affirme vouloir cibler les groupes armés qui massacrent des civils.
Pierre Boisselet est le coordinateur du Kivu Security Tracker, un blog qui a pour mission de cartographier les opérations des forces de sécurité et des groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) afin de mieux comprendre les causes de l’insécurité et les violations graves des droits humains et du droit international humanitaire.
Dans cet entretien, il revient sur les racines de l’insécurité qui sévit dans la région depuis de nombreuses années.
DW : Depuis quelques semaines la société civile et les habitants du Nord-Kivu expriment leur ras-le-bol face au contexte sécuritaire déliquescent dans leur province. Brièvement pouvez-vous nous aider à comprendre les racines de ces violences ?
Pierre Boisselet : Pour résumer, on peut dire que ça tient globalement à l’incapacité de l’Etat congolais à faire respecter l’Etat de droit dans cette partie du pays. Il y a certaines zones de cette province dans lesquelles il y a un vide sécuritaire, un vide judiciaire et des circuits économiques qui échappent au contrôle de l’Etat central. Alors, certains groupes armés profitent de ce vide. Ils s’imposent sur ces espaces et sur ces populations qu’ils taxent, qu’ils brutalisent et souvent, ils bénéficient de ces circuits économiques illégaux.
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DW : Lors de sa campagne en 2018, le président Tshisekedi avait promis de s’installer dans l’Est de la RDC. Récemment, il a annoncé un renfort militaire par l’armée kényane dans cette même région où on compte aussi la présence de la Monusco. Ce ne sont pas les moyens qui manquent.
DW: Selon vous, pourquoi, malgré tout ce qui est mis en place, les conflits perdurent depuis des décennies maintenant ?
Pierre Boisselet : cette situation bénéficie à une multitude d’acteurs, les groupes armés , on vient d’en parler, mais il y a aussi des filières économiques illégales qui existent à l’échelle régionale. Et il y a aussi certaines autorités locales et certains agents de l’Etat, y compris parmi les FARDC, qui bénéficient de ces circuits illégaux. Tout cela fait partie du problème. Il y a beaucoup de gens qui arrivent à tirer leur épingle du jeu dans cette situation et qui n’ont pas d’intérêt à faire changer les choses.
Par Wendy Bashi (DW)