Par Angelo Mobateli
Les « 10 grands projets » annoncés pour 2020 et les 94 « propositions » recueillies aux consultations présidentielles (2-25 novembre 2020) sont les « 104 réalisations » que le peuple attend voir, à l’aube de la présidentielle de 2023, des multiples promesses faites par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo depuis son l’investiture à la présidence de la République démocratique du Congo (RDC), le 24 janvier 2019.
« Je vous ai consultés. De tout ce qui m’a été rapporté, individuellement ou collectivement, il se dégage une large convergence des vues au niveau national sur les questions essentielles. Vous m’avez parlé de la paix et de la sécurité », a-t-il déclaré dans son message au peuple congolais, dimanche 6 décembre 2020.
Ensuite, il a dévoilé avoir « retenu comme propositions (94):
– Établir une administration appropriée dans les zones en proie à l’instabilité et aux conflits (Cas de Beni et Butembo notamment) ;
– Impliquer davantage les communautés des zones affectées dans les processus de pacification ;
– Proscrire strictement l’incorporation des rebelles au sein de l’armée régulière ;
– Appliquer rigoureusement les dispositions pénales contre le viol ;
– Lancer dans les meilleurs délais la campagne tolérance zéro contre les violences basées sur le genre ;
– Consacrer plus de ressources à la prise en charge des victimes d’atrocités ;
– Exercer notre devoir de mémoire par des symboles, actes et initiatives pérennes, afin que de telles calamités ne se reproduisent plus ;
– Recourir aux instruments de justice transitionnelle pour bâtir le chemin de la réconciliation et de la paix ;
– Obtenir de la communauté internationale et des Nations unies en particulier, le soutien à l’initiative visant l’établissement d’un tribunal pénal international et de chambres spécialisées mixtes en RDC ;
– Poursuivre la réforme de l’armée, de la police et des services spécialisés ;
– Obtenir la levée de l’embargo contre la RDC en matière d’achat d’armes et autres équipements militaires ;
– Revoir les lois qui tendent à protéger tous ceux qui ont commis des crimes graves se rapportant aux droits de l’homme et autres crimes économiques ;
– Accroitre les programmes de stabilisation visant l’orientation des démobilisés vers des activités économiques et d’intérêt public, loin du métier des armes ;
– Réorganiser les marchés locaux des minerais afin de réduire le lien entre conflits armés et exploitation minière ;
– Élaborer et mettre en œuvre un plan de rapatriement urgent des Mbororo dans leur pays d’origine ;
Sur le renforcement de la démocratie et l’État de droit, j’ai noté qu’il faut :
– Mettre fin à l’Accord de coalition CACH-FCC, considéré comme la raison principale à la base du blocage actuel ;
– Assurer et pérenniser l’alternance démocratique au sommet de l’Etat ;
– Opérer, sur la base d’un large consensus, des réformes constitutionnelles portant sur le mode de scrutin ou le seuil minimum aux élections législatives nationales, la rétrocession aux provinces afin de rendre effective la décentralisation, la loi sur la nationalité afin de permettre aux nombreux concitoyens de la diaspora de conserver, selon le cas, la nationalité congolaise d’origine ;
– Ouvrir un débat en vue de la réintroduction de l’élection présidentielle au suffrage universel direct à la majorité absolue (2 tours) et, le cas échéant, verrouiller ces dispositions dans une révision constitutionnelle ;
– Réhabiliter les partis politiques dans leur rôle de principaux moteurs de la démocratie et acteurs de la vie parlementaire, en lieu et place des regroupements politiques, conformément à l’esprit et à lettre de la Constitution, notamment son article 6 ;
– Réduire la taille du gouvernement ;
– Accorder à chaque groupe parlementaire constitué au sein des 2 chambres, des plages horaires gratuites et équitables au sein de la chaine de télévision publique parlementaire, pour y défendre ses opinions, idées ou activités ;
– En 2023, organiser les premières élections locales en même temps que les élections nationales ;
– Changer le mode de scrutin des Gouverneurs de provinces et des Sénateurs ;
– Accélérer la désignation du porte-parole de l’opposition ;
– Supprimer le Ministère de la Décentralisation et réintégrer sa fonction au sein du Ministère de l’Intérieur ;
– Dépolitiser l’Administration du territoire en privilégiant les critères d’ancienneté et de compétence dans les nominations des administrateurs des territoires, ainsi que la promotion des non originaires ;
– Procéder à l’identification des citoyens congolais et étrangers résidents, et délivrer les nouvelles cartes d’identité sécurisées avant fin 2022 ;
– Assurer le vote pour les congolais de l’étranger aux prochaines élections nationales ;
– Créer des sièges pour les congolais de l’étranger à l’Assemblée nationale ;
Pour organiser des élections crédibles dans le délai constitutionnel, vous avez souligné l’urgence de :
– Réaliser le recensement de la population dans des délais raisonnables ;
– Réformer la loi électorale et la CENI avant la désignation de ses membres ;
– Constituer des provisions budgétaires annuelles pour le financement de la CENI.
Sur l’indépendance et la bonne administration de la justice, vous avez relevé qu’il faut :
– Mettre en place un programme de recrutement de nouveaux magistrats et de formation continue intensive pour les magistrats en fonction ;
– Améliorer les conditions de vie et de travail des magistrats et sanctionner sévèrement les magistrats qui abuseraient de leur position ;
– Renforcer le respect de la loi, intensifier la lutte contre la corruption et autres antivaleurs, ainsi que la lutte contre la criminalité économique, notamment par la création d’un parquet financier ;
– Protéger, par une loi, les lanceurs d’alerte, en vue de juguler l’enrichissement sans cause ;
– Procéder à la mise en place des responsables de la Cour des comptes et à la prestation de serment de ses magistrats ;
– Initier et poursuivre les enquêtes judiciaires sur différents dossiers.
Parlant de l’amélioration des finances publiques et du climat des affaires, vous avez suggéré qu’il faut :
– Intensifier les efforts visant une meilleure cohérence fiscale et traquer tous les abus préjudiciables à l’efficacité et au climat des affaires ;
– Mettre fin à l’impunité et renforcer la législation pénale afin que tout détournement en bande organisée de la paie des fonctionnaires, civils ou militaires, soit assimilé à un acte de haute trahison et sévèrement puni ;
– Réduire le nombre et le volume de nos représentations diplomatiques à l’étranger et les renforcer en capacités humaines en matière de coopération économique et partenariats.
– Réduire le train de vie des institutions politiques et interdire strictement toute augmentation des salaires en leur sein, jusqu’à la réalisation intégrale du Contrat social de l’innovation, dit Accord de Mbudi, qui tarde à se matérialiser depuis sa signature en 2004 ;
– Mettre en place un système de déclaration annuelle d’impôts pour les personnes physiques ;
– Réformer les lois et règlements sur les exonérations et les compensations fiscales et parafiscales ;
– Opérationnaliser effectivement l’identifiant fiscal unique pour les personnes physiques et morales ;
– Renforcer la synergie entre les régies financières, et accroitre le recours à la digitalisation, en vue de mieux maitriser la base fiscale et mieux combattre la fraude ;
– Sécuriser les contrats et le droit de propriété, en particulier en ce qui concerne les titres fonciers et immobiliers ;
– Combattre l’évasion des primes d’assurance et instaurer un système de pénalités dissuasif ;
– Renforcer le contrôle des structures des prix des produits de base et sanctionner toutes les formes d’abus conduisant à des hausses injustifiées des prix au consommateur ou un manque à gagner à l’État ;
– Créer une véritable banque nationale de développement ;
– Créer une banque agricole en vue de répondre aux besoins spécifiques de financement de ce secteur ;
– Créer une banque de l’habitat en vue de promouvoir le crédit hypothécaire en RDC ;
– Accélérer la mise en place de dispositifs de contrôle en vue de mettre fin au coulage des recettes à nos différentes frontières ;
– Faire émerger au budget de l’État certaines catégories de recettes, notamment les bonus, réalisés par les entreprises étatiques ;
– Poursuivre la politique de stabilité du cadre macroéconomique.
Pour mieux planifier notre développement et bâtir nos infrastructures, vous avez souligné la nécessité de :
– Procéder sans délais à la revue du Plan National Stratégique de Développement (PNSD) afin de l’actualiser, le rendre plus centré, plus opérationnel et l’assortir d’une liste de projets et actions prioritaires ;
– Doter chaque province d’un Plan de développement provincial cohérent, en phase avec les priorités nationales et assorti des capacités pour sa mise en œuvre ;
– Réécrire la loi sur le petit commerce, afin de garantir l’exclusivité aux nationaux ;
– Valoriser et protéger nos actifs miniers, grâce à un programme de certification minière, en vue de mieux soutenir le financement de nos infrastructures et la mise en valeur de notre économie ;
– Construire davantage de logements sociaux ;
– Renforcer les règles de construction et d’urbanisation ;
– Renforcer la lutte anti érosions sur l’ensemble du territoire ;
– Réformer la loi sur les marchés publics pour la rendre mieux adaptée aux contraintes et spécificités nationales et faciliter l’exécution rapide et fiable des projets ;
– Finaliser le cadre légal de mise en œuvre des Partenariats Public Privé pour permettre l’accélération des réformes et des grands projets de développement du pays ;
– Renforcer la culture et la pratique de l’évaluation à tous les niveaux, y compris pour les membres du gouvernement central, les gouvernements provinciaux et les mandataires publics ;
– Fixer des objectifs précis de desserte des populations en eau potable, en énergie électrique, en infrastructures de transport, et en assurer un suivi rapproché au plus haut niveau du Gouvernement ;
– Promouvoir l’écologie et la protection de l’environnement ;
– Organiser dans les tous prochains mois, dans un format à définir, une conférence des bailleurs de fonds publics et investisseurs privés, pour la mise en œuvre rapide et efficace des priorités nationales.
Afin de promouvoir l’émergence d’un congolais nouveau en investissant davantage dans le capital humain vous avez proposé de :
– Concrétiser la promesse de la couverture santé universelle par sa mise en œuvre immédiate et progressive ;
– Construire et réhabiliter les hôpitaux et les centres de santé ;
– Financer les recherches médicales et médicinales, promouvoir l’industrie pharmaceutique locale et le recours aux médicaments génériques ;
– Assurer un suivi plus rigoureux de la mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement primaire et la suppression de la prise en charge par les parents et en rendre régulièrement compte ; traquer et punir sévèrement tous les abus et actes de sabotage dans ce domaine ;
– Combattre la corruption dans les écoles, instituts supérieurs et universités ;
– Rendre efficace le cadre déontologique des enseignants ;
– Améliorer la condition de l’enseignant ;
– Promouvoir l’enseignement technique et professionnel par un dialogue renforcé et des actions concertées avec les acteurs du secteur privé et de la société civile ;
– Redynamiser le système de gestion des bourses d’études nationales et internationales ;
– Réviser les programmes scolaires de l’enseignement national ;
– Promouvoir la culture, les arts et les sports comme vecteur de modélisation d’un homme congolais nouveau en investissant notamment dans les infrastructures et la réhabilitation de l’économie culturelle.
Pour donner de l’emploi et une vraie perspective de vie à la jeunesse, vous avez suggéré de :
– Combattre l’exclusion, l’extrême pauvreté et la vulnérabilité partout où elles se manifestent, car les enfants et les jeunes en sont les principales victimes ;
– Mettre en place, avec les autorités provinciales et locales, une véritable politique multidimensionnelle de lutte contre le désœuvrement des jeunes et le phénomène des enfants des rues ;
– Mettre en place, conjointement avec le secteur privé, un programme visant la mise à niveau, la diversification et le développement de l’offre de formation professionnelle (y compris l’entrepreneuriat) sur toute l’étendue du territoire national ;
– Accélérer la mise en place du Fonds de garantie pour les jeunes entrepreneurs ;
– Garantir, par la loi, un quota de participation des jeunes entrepreneurs aux grands marchés publics ;
– Adopter, sans délais, le projet de loi révisant la loi agricole de 2013 ;
– Faciliter l’accès au foncier agricole pour les jeunes producteurs ruraux ;
– Faciliter aux jeunes l’accès aux différentes formes de crédit à des conditions avantageuses.
Quant à la promotion des droits de la femme, vous avez insisté sur la nécessité de :
– Renforcer les incitations en faveur d’une plus grande participation des femmes aux compétitions électorales ;
– Veiller à une meilleure représentation des femmes au sein des instances dirigeantes des entreprises et institutions publiques ;
– Promouvoir, par des initiatives spécifiques, l’entreprenariat des femmes ».
PROMESSES DE FÉLIX TSHISEKEDI DEVANT LE CONGRÈS EN DÉCEMBRE 2019 MAIS NON TENUES EN 2020
Devant les deux Chambres du parlement réunies en Congrès le 13 décembre 2019, le président Félix Tshisekedi avait fait 10 promesses en termes de « 10 grands projets », mais non exécutées en 2020, « année des actions »:
- Lancement des travaux de construction du Port en eaux profondes de Banana. Le président de la République a promis que les travaux pourraient commencer avant ou concomitamment avec ceux du Pont-route-rails Kinshasa-Brazzaville.
- Lancement des travaux de construction du Pont Route-Rail Kinshasa-Brazzaville. La Banque africaine de développement a déjà débloqué 56 millions USD pour la construction des routes d’accès à ce Pont Route-Rail Kinshasa-Brazzaville. Le début des travaux est prévu en août 2020.
- Lancement des travaux de Inga 3 dans sa version 4800 MW que la Banque africaine de développement a promis de financer. Le président de la République a promis que les travaux débuteront au premier trimestre 2020.
- Mise en place de 6 zones agroindustrielles. Compte tenu de l’urgence de palier au déficit de la production nationale en produit de première nécessité, il est de bon sens de penser que le gouvernement pourra mettre ce projet dès cette année.
- La numérisation de la chaîne de la recette. La démarche résulte de la maximisation des recettes publiques et surtout de l’amélioration de la gestion des finances publiques. Le gouvernement doit mobiliser cette année 11 milliards USD. Il faut sécuriser les finances publiques et éviter le coulage des recettes par la numérisation de la chaîne de la recette à l’instar de la chaîne de la dépense.
- Lancement par la Banque centrale du Congo de la carte bancaire nationale. La Banque centrale devrait lancé depuis le deuxième semestre la carte bancaire nationale multidevise utilisable par tout au monde. Ce projet étant très avancé, il devra être effectif cette année.
- Congo Airways va acquérir des avions neufs notamment auprès de Airbus du constructeur brésilien Ambraer. Au total 8 avions neufs sont attendus. La première livraison de ces aéronefs est prévue en décembre 2020.
- Le parachèvement de la Route Nationale Numéro un (RN1). Le président de la République a promis d’initier une tournée sur la RN1 pour tâter son état de praticabilité. Le chef de l’Etat a encouragé le gouvernement à parachever la construction de cette route qui va du Kongo Central au Haut-Katanga, soit traversant 11 provinces.
- Création d’une banque de crédit agricole et d’une banque de développement rural. Le vœu est du Chef de l’État afin de booster l’agriculture et le développement des zones rurales.
- Mise en œuvre de la couverture sanitaire universelle. Le président de la République tient à son effectivité dès cette année.
Au final, placé, seul avec sa conscience, face aux 94 propositions qui lui ont été faites par les personnalités de la classe politique et de la société civile de la RD Congo qu’il a consultées du 2 au 25 novembre 2020 au Palais de la nation ainsi qu’aux « 10 grands projets » de 2020, le président Félix Tshisekedi peine à déterminer un délai précis de leur exécution durant le laps de temps de 3 ans restants de son quinquennat qui expire en 2023. Et, surtout, d’en déterminer le budget chiffré exact.
Par Angelo Mobateli