Des millions de dollars sont engloutis chaque mois pour permettre à l’État de fonctionner et de payer ministres, gouverneurs, députés, sénateurs et leurs très nombreux collaborateurs. Pour le Trésor public, la facture est salée. Certains politiques et des membres de la société civile aimeraient mettre les institutions au régime sec.
Les institutions coûtent-elles trop cher ? S’il est un pays où la question mérite d’être posée, c’est bien la RDC, tant l’appareil d’État paraît budgétivore. Et pour cause : le gouvernement compte 57 ministres, qui disposent chacun de leur cabinet, 500 députés, qui ont eux aussi des assistants et des conseillers et 109 sénateurs, qui sont également secondés. Mais la RDC, c’est aussi 26 provinces, et donc autant de gouverneurs et de vice-gouverneurs, 780 députés provinciaux et 208 ministres provinciaux… Chaque mois, l’État engloutit donc plusieurs millions de dollars pour assurer son propre fonctionnement.
En moyenne, plus de 600 personnes travaillent à la seule primature. C’est vrai depuis que Sama Lukonde Kyenge est en poste, mais ça l’était aussi du temps de ses prédécesseurs. Une enveloppe de 10 millions de dollars est nécessaire chaque année pour payer les seuls agents affectés à la primature, sans compter les indemnités d’entrée en fonction (autrement dit les frais d’installation alloués aux équipes), soit au bas mot 5 millions de dollars par an.
Privilèges
Selon les données de la Direction générale des politiques et programmation budgétaire, une structure qui dépend du ministère du Budget, les dépenses allouées au fonctionnement de l’Assemblée nationale et du Sénat ont dépassé les 100 millions de dollars pour les cinq premiers mois de l’année 2021. À l’Assemblée nationale, 40,7 millions de dollars servent au fonctionnement de l’institution, et 25 millions sont consacrés aux rémunérations.
LA CLASSE POLITIQUE DOIT CESSER DE CONSIDÉRER LES FONDS DU TRÉSOR COMME SON ARGENT DE POCHE »
Des chiffres qui donnent le tournis et qui sont sans rapport avec les maigres recettes collectées par le Trésor public congolais. C’est pour cela que Jean Marc-Kabund-a-Kabund, le président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, au pouvoir) et vice-président de l’Assemblée nationale, a demandé au gouvernement de réduire le train de vie des institutions alors que les travaux d’élaboration de la Loi de finances pour l’exercice 2022 ont été lancés, le 16 juin.https://4be87cdbbeb97ce5cc4969b24fcc1bc8.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html
« La réduction du train de vie des institutions est un impératif, abonde le député Delly Sesanga. Cela suppose un renoncement de la classe politique aux privilèges qu’elle s’est indûment octroyée. La classe politique doit cesser de considérer les fonds du Trésor comme son argent de poche. Et l’exemple doit venir du président de la République et du Parlement. À eux de faire preuve de leadership. »
« Inefficacité de l’État »
D’autant que le niveau de dépenses publiques par habitant demeure faible : pour l’exercice 2021, les dépenses prévues sont de l’ordre de 6,6 milliards de dollars pour 100 millions d’habitants, soit 66 dollars par Congolais, contre en moyenne 15 000 dans les pays de l’OCDE.
Ceux qui souhaitent mettre l’État congolais à la diète soulignent aussi que le non-respect des procédures d’exécution des dépenses publiques, qui se traduit par des dépassements systématiques, est désormais devenu la norme… notamment à la présidence.
Pour Delly Sesanga, « les faiblesses de la situation budgétaire de notre pays expliquent largement l’inefficacité de l’État et son incapacité à mettre la RDC sur l’orbite de développement. » « Le président de la République a le pouvoir de réduire notamment la taille du gouvernement central pour montrer qu’il veut concrétiser ce projet de réduction du train de vie des institutions politiques », insiste pour sa part l’Observatoire de la dépense publique.
La présidence pointée du doigt
L’ancien ministre Steve Mbikayi a quant à lui lancé une campagne, il y a plusieurs semaines, pour obtenir la suppression de certaines institutions jugées « budgetivores ». Dans sa ligne de mire : le Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre (CNSA), le Conseil économique et social (CES), et même le Sénat.
D’autres pointent la présidence et la taille du cabinet de Félix Tshisekedi, où émargent 1 018 personnes, selon la Loi de finances, pour près de 40,5 millions de dollars par an. Ils demandent au chef de l’État d’engager un dialogue avec les élus afin de réduire leurs émoluments et de fixer des seuils de rémunération pour les mandataires qui officient dans les entreprises publiques.
À les en croire, la réduction du train de vie des institutions pourrait permettre à l’État congolais d’économiser environ un milliard de dollars. Et de mettre enfin en œuvre la gratuité de l’enseignement de base, la prise en charge de la santé maternelle, néonatale et infantile, ou des investissements dans le secteur de l’agriculture… Des promesses souvent faites, mais rarement tenues.
Par Stanis Bujakera Tshiamala (Jeune Afrique)