En RDC, des trafics douteux de licence d’exploitation plombent le fonctionnement des blocs pétroliers en Ituri, dans l’Est. Les populations s’en plaignent.
A Bunia, dans la province congolaise d’Ituri, les blocs pétroliers I, II et III du Graben Albertine sont inexploités depuis une dizaine d’années. L’acquisition puis la revente de licences, notamment par l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, expliquerait cet immobilisme qui fait que les populations ne profitent pas de ces richesses.
Si ces blocs pétroliers sont une propriété partagée aussi bien par l’Ouganda que la RDC, du côté congolais les opérations d’extraction du pétrole peinent à démarrer tandis que du côté ougandais c’est tout le contraire.
Une situation que déplorent les populations locales congolaises. Selon Marie- Noël Nyaloka, coordonnatrice par intérim de la société civile de l’Ituri, « cela fait des années que le bloc III du Graben Albertine est sous la gestion de la société Total qui a signé un contrat d’exploration qui malheureusement n’est pas réalisé à ce jour. Cette situation ne profite pas à l’Etat congolais encore moins aux populations. Donc, la population locale est victime de ses ressources naturelles ».
Revoir les textes de loi
« L’expérience a montré que nombreuses sont les sociétés qui ont gagné les blocs pétroliers I, II et III. Mais, surtout pour celui du Graben Albertine, ces mêmes sociétés qui ont gagné ces marchés vont ensuite chercher d’autres multinationales et vont les revendre. La législation congolaise a évolué et aujourd’hui les clauses sont inadaptées », suggère l’élu.
Lire aussi → Face aux massacres, l’Etat congolais critiqué dans l’est
Mais il n’y a pas que les clauses qui semblent inadaptées. Pour les membres de la société civile, l’autre grand problème concernant la gestion de ces blocs pétroliers se cristallise autour de l’homme d’affaire israélien Dan Gertler.
La corruption
Pour Jimmy Munguriek, secrétaire général du Cadre de concertation de la société civile de l’Ituri sur les ressources naturelles, « aujourd’hui, le bloc pétrolier III n’est pas exploité et curieusement son détenteur, Dan Gertler, cherche à revendre le bloc. Il cherche même à le revendre au gouvernement congolais moyennant presque 150 millions de dollars et pourtant il ne l’a pas acquis à ce prix là. Il a acquis par des voies d’opacité qui couvrent même des pratiques de corruption ».
Pendant ce temps, les populations de l’Ituri continuent de vivre dans un contexte sécuritaire déliquescent tout en ne profitant pas de la richesse de leurs ressources naturelles.
Bataille pour l’exploitation d’une réserve de pétrole découverte en Ituri
La découverte de cette nouvelle réserve du pétrole en Ituri risque d’ouvrir une nouvelle bataille pour le contrôle de cette énergie fossile entre compagnies pétrolières qui veulent exploiter cette réserve.
Des sources du ministère congolais de l’Energie, on indique que des compagnies pétrolières internationales se livrent déjà une nouvelle bataille pour exploiter cette réserve, affirmant que les sociétés Total, Shell, Oil of Congo, Soco et Tullow se bousculent pour le contrôle de cette réserve de pétrole.
“Leurs délégués défilent actuellement à Kinshasa pour présenter leurs cahiers de charge susceptibles de convaincre les autorités congolaises à leur accorder le droit d’exploitation de cette nouvelle réserve du pétrole”, a expliqué un expert en pétrole du ministère congolais de l’Energie.
A en croire cet expert, une production de 50.000 barils par jour augmenterait le PIB de la RDC de 25%.
La société est actuellement en pleine étude de faisabilité et s’ est notamment fixée pour prochaine étape de forer deux puits d’ exploration.
“Cependant, la préparation des activités de forage nécessiteront d’importants travaux, comme de nouvelles routes et un nouveau port, et se traduiront par une délocalisation de l’ ctuel port sur le lac Albert”, a expliqué un autre expert de l’entreprise Oil of Congo.
Des observateurs invitent les autorités congolaises à étudier les modalités d’octroi du droit d’exploitation du pétrole de l’ Ituri et à confier aux experts et spécialistes l’examen de différents cahiers de charge présentés par ces sociétés pétrolières afin que l’exploitation du pétrole de l’Ituri ne soit pas une nouvelle source de conflit, mais plutôt le point de départ du processus de développement dans cette partie septentrionale de la RDC.
En rappel ;des recherches menées par des experts du groupe Fleurette, qui compte en son sein la compagnie Oil of Congo, ont confirmé en début de la semaine la présence d’une importante réserve en pétrole en Ituri, dans la province Orientale, dans le nord-est de la RDC.
“Cette découverte est le résultat des deux phases de tests sismiques au niveau des blocs I et II du lac Albert. Selon des experts du groupe Fleuret, ces tests ont coûté plus de 20 millions de dollars américains”, a déclaré le groupe Fleuret.
Les analystes indiquent que cette réserve pourrait être de même ampleur côté ougandais du lac Albert.
Les recettes budgétaires de la production pétrolière estimées à 159 millions USD en 2021

Le secteur pétrolier est l’un des secteurs clés dans les prévisions budgétaires de l’exercice 2021.
En effet, le Gouvernement de la République démocratique du Congo s’attend à un apport considérable quant aux recettes à mobiliser grâce à la production pétrolière, soit 318,2 milliards de francs congolais (159 millions USD)..
Ce niveau des prévisions budgétaires sur les recettes pétrolières traduit certes une régression de 28,1% par rapport au montant retenu au cours de l’exercice 2020, soit 442,5 milliards de francs congolais.
Projetées sur base des réalisations probables à fin décembre 2020 de l’ordre de 243,5 milliards de francs congolais, ces recettes prennent en compte une production journalière de 23 700 barils pour les deux groupes (on shore et off-shore), la décote de 3 USD, le prix moyen du baril de 46 USD après décote et les frais du terminal de 2,5 USD le baril.
D’après les récentes statistiques, la République Démocratique du Congo ne produirait que 25 000 barils/jour, mais son potentiel serait très supérieur à celui de l’Angola.
Il convient de noter que le potentiel pétrolier de la République Démocratique du Congo est estimé à 20 milliards de barils en offshore et en onshore. Une quantité qui, si elle se confirme, « placerait la République Démocratique du Congo au deuxième rang des plus grands détenteurs de pétrole de l’Afrique subsaharienne, derrière le Nigeria, et surpasserait de loin les 9 milliards de barils de pétrole de réserves de l’Angola », expliquait en son temps NJ Ayuk, président de la Chambre africaine de l’énergie, dans un avis d’expert publié en octobre 2020.
Le potentiel pétrolier de la République Démocratique du Congo est estimé à 20 milliards de barils en offshore et en onshore. Une quantité qui, si elle se confirme, « placerait la République Démocratique du Congo au deuxième rang des plus grands détenteurs de pétrole de l’Afrique subsaharienne, derrière le Nigeria, et surpasserait de loin les 9 milliards de barils de pétrole de réserves de l’Angola ».
« 24 des 26 provinces du pays abritent des hydrocarbures », selon une déclaration de l’ex-ministre des Hydrocarbures, Aimé Ngoy Mukena. Une potentialité encore inexploitée pour créer plus de richesses nationales.
Pour éviter les erreurs du secteur minier, pétrole : devoir de transparence
Pour éviter les erreurs du secteur minier, Pétrole : devoir de transparenceLes mêmes causes produisant les mêmes effets, l’intensification des engagements de la RDC dans le secteur pétrolier impose des comportements responsables. Une revisitation des contrats dans le secteur pétrolier serait fatale pour la crédibilité du pays. Le gouvernement doit privilégier la carte de la transparence pour éviter au pays de se couvrir de ridicule dans l’administration de ses ressources naturelles.
Pour le seul bassin pétrolier du Graben Albertine, la RDC peut engranger près de quatre milliards USD, à l’étape de production. Mais, tout cela se construit. A cet effet, l’intelligence à mettre au service de la Nation doit être doublée de l’esprit d’abnégation et d’oubli de soi. Malheureusement, au Congo-Kinshasa, des avancées s’accompagnent des pesanteurs qui font reculer le pays de plusieurs années. Dans le Graben Albertine, qui fait l’objet des convoitises actuellement, le gouvernement ne dispose pas de statistiques fiables. Jusque-là, les estimations les plus utilisées sont données par la partie ougandaise. Suivant « les accords d’unitisation » conclus en 1984, les deux pays s’étaient engagés à laisser un opérateur unique œuvrer dans les deux versants. D’où les échanges qui en ont découlé. Ces échanges ont abouti de part et d’autre au rapprochement par les deux parties entre Tullow Oil et Heritage Oil, suivant un acte d’engagement conclu, pour la partie congolaise, le 21 juillet 2006.
Le handicap congolais
Lorsque les autres s’attèlent à identifier – même de manière approximative leurs réserves pétrolières – la RDC se perd en conjectures qui lui font passer outre l’objectif. Le différend pétrolier entre la RDC et l’Angola sur les réserves du littoral de l’Océan Atlantique tient, entre autres, à cette faiblesse de la partie congolaise.
Le déficit de certification des gisements du côté congolais est un handicap majeur dans des négociations avec des opérateurs sérieux.
En l’absence d’une connaissance réelle du potentiel et des réalités des gisements, il est difficile d’accrocher des opérateurs ayant pignon sur rue. Ce retard se manifeste par des conclusions des recherches vieilles et archaïques – les recherches sismiques et géologiques disponibles datant de plusieurs décennies. Leur actualisation constitue le cadet des soucis des décideurs congolais qui, dans ces conditions, ne peuvent pas avoir cette chance de croiser sur leur chemin des majors du secteur.Par ailleurs, le respect de la législation en la matière risque de compromettre l’avenir du secteur, avise un avocat d’affaires. Selon ce juriste rompu en matière de pétrole, «Indéfiniment et impunément, la RDC ne fera pas prévaloir ses propres turpitudes pour obtenir des re-visitations ou des résiliations des contrats».Il insiste sur des préalables à la conclusion des contrats de partage de production. La procédure d’application dans le cas du Graben Albertine, indique-t-il, voudrait que tout se passe par appel d’offre international. Ensuite, les experts du ministère des Hydrocarbures devraient se rendre au siège de la société demanderesse. Puis s’ensuivra l’étape qui consiste à s’assurer de la surface financière et de l’expertise en la matière de cette dernière.
Le juriste révèle que «Tullow oil était soumise à cette procédure, mais son contrat a connu le sort que personne n’ignore. Il ne serait pas étonnant qu’une action devant l’instance arbitrale de Paris ne soit engagée ». Comme quoi, c’est la République qui, encore une fois, en sortirait perdante !
Sceptique sur le respect des prescrits de la législation en la matière concernant les attributions dans le Graben Albertine, l’homme de droit met « au défi quiconque produirait des procès-verbaux de visite des sociétés bénéficiaires des blocs pétroliers dans le Graben Albertine ». Dans les milieux spécialisés, l’on estime que des
germes des conflits à venir, sont déjà perceptibles.
L’opacité érigée en système
Au delà du Graben Albertine, le dossier le plus récent est celui qui a lieu dans le bloc Ndunda. Surestream a cédé une partie de ses parts à l’Italien ENI. Dans cette opération, des experts du gouvernement ont effectué le déplacement du siège de la firme italienne ENI.
C’est que l’Etat congolais s’est montré regardant sur la législation dans le secteur. Dans le cas d’espèce, il a tenu au respect de la procédure qu’il a feint d’ignorer quelques mois auparavant dans le contrat signé sur le Graben Albertine. Malgré le fait qu’ENI soit notoirement connu comme le sixième poids lourd mondial du secteur, le gouvernement l’a contraint à se plier à la procédure. Pourquoi n’a-t-on pas suivi la même procédure dans l’attribution des blocs du Graben Albertine ? Interrogation pertinente !
Le devoir de transparence s’impose afin d’éviter à la République de perdre toute sa substance d’Etat moderne, comme dans les contrats miniers re-visités.
Lorsqu’en 1984, Petro-Zaïre affichait des ambitions continentales, l’Angola construisait patiemment sa puissance dans le secteur des hydrocarbures. A cette époque, les spécialistes saluaient la technicité des ex-Zaïrois dans l’exploitation des gisements ultra profonds. A ce jour, les Angolais ont acquis plusieurs longueurs d’avance par rapport aux Congolais. L’Ouganda est également en avance par rapport à la RDC.
Le manque à gagner en milliards USD
Dans une hypothèse minimaliste, deux blocs seulement du Graben Albertine peuvent produire 8 milliards USD, pour une production de 300.000 barils/jours. Le budget national pourrait en tirer meilleur parti avec près de 4 milliards USD l’an, estime un spécialiste crédible du secteur.
A travers le paiement des taxes et autres redevances, l’Etat peut booster le budget national. Pendant ce temps, il faut noter que le potentiel de la RDC s’étend du graben Albertine au lac Tanganyika (considéré comme « très important ») et point jusqu’à la Cuvette centrale où il est fait état de près de 750.000 km2 de superficie. Il comprend aussi le bassin du lac Edouard et le littoral Ouest. Ce potentiel ne produit que 25.000 barils/jour actuellement.
Là où les Congolais en sont encore à parler millions USD les Angolais, eux, négocient leurs puits pétroliers en termes de milliards USD. L’avantage c’est que les gisements angolais sont bel et évalués et certifiés alors que du côté congolais, les dossiers ne sont que légèrement ficelés. Les estimations réalistes donnent à penser que la RDC peut oublier ses minerais pour le financement de son développement. A condition que la transparence soit la règle principale !
Pour quel intérêt se contente-t-on des juniors, lorsque les autres font appel à des majors ? Les juniors opérant en RDC ne traînent aucune expertise en la matière. Leurs assises financières sont loin de satisfaire aux ambitions légitimes de la RDC.
Jusqu’à quand les Congolais se contenteront-ils d’assister à des opérations de cession des parts ? Souvent dans ces opérations, rien n’est clairement déclaré. Il faut arriver à ouvrir l’espace aux vrais opérateurs pétroliers.
La dernière cession, celle de Surestream à ENI, s’est passée sans qu’aucun chiffre ne soit avancé par les trois parties à savoir le cédant, le bénéficiaire et l’Etat congolais. Personne ne sait exactement la hauteur de l’opération parce que rien n’a été dit à ce sujet. Un silence qui devrait gêner.
Par Wendy Bashi (DW)/Matière news.com/Mitterrand MASAMUNA/ Le Potentiel